NSS
FRANCE
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La
lettre N°8 - Avril 2004 |
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Sommaire |
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Trop
souvent, il fut reproché à la National Space Society France
d’être parfois trop critique envers l’agence spatiale
européenne et pas assez constructif à son égard.
Nous souhaitons, ici, éclairer notre position à son sujet. |
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Le
8 août 1789 dans un sursaut de lucidité dramatique, le Roi
de France convoquait les trois ordres sociaux de la France de l’Ancien
Régime ; Le Tiers-état, le clergé,et la noblesse
; pour former une assemblée de délégués venant
de tout le pays et imposerait des réformes. |
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L’association
citoyenne, déclarée loi 1901, National Space Society France
s’associe aux objections de ces derniers temps à propos de
la recherche en France. Nous sommes une association qui promouvons une
politique spatiale habitée ambitieuse pour l’Europe et la
France. La Recherche fondamentale ne nous concernant pas directement,
nous n’avions pas pris parti dans les débats faisant rage
ces dernières semaines. Il est grand temps de réagir... |
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Avec
la dilution de l'ambitieux programme spatial européen concocté
à La Haye en Novembre 1987 et qui a fait litière du programme
d'avion spatial Hermes et du module autonome MTFF, la possibilité
pour l'Europe de disposer d'une capacité propre de lancement habité
s'est réduite comme neige au Soleil en rendant les Européens
très dépendants des vols de la navette spatiale américaine
et des vols russes Soyouz... |
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A
la suite de l’intervention du Président Bush, le 14 Janvier
2004, sur la stratégie adoptée pour la politique spatiale
américaine, parmi les multiples remarques, nous entendîmes
de nombreuses critiques sur l’utilité d’un retour de
l’homme sur la Lune. Faisons le point bibliographique sur ce sujet. |
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Que
penser de la décision de ne pas réaliser un vol de navette
pour une dernière maintenance au bénéfice du télescope
spatial ? Nous ferons simplement quelques remarques sur cette question. |
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Trop souvent, il fut reproché à la National Space Society France d’être parfois trop critique envers l’agence spatiale européenne et pas assez constructif à son égard. Nous souhaitons, ici, éclairer notre position à son sujet. Il y a de multiples
raisons pour soutenir l’agence, dont voici les deux principales
: l’une structurelle et l’autre plus politique et stratégique.
L’ESA a en effet déjà connu de nombreux succès
dans le passé et continue aujourd’hui avec l’orbiter
de Mars Express, les missions habitées sur l’ISS qui furent
toutes des succès, ou encore Rosetta. L’ESA a su dans les
années 80s construire une politique spatiale variée et
ambitieuse ; tous les travaux autour de la future station spatiale internationale,
Spacelab, Ariane, Euro-Mir Missions ou encore Hermès en sont
de brillants exemples. L’Europe savait conjuguer destin politique
et scientifique avec ambitions économiques. Très axée
sur une politique scientifique forte, l’ESA a trouvé la
force nécessaire pour effectuer des missions habitées
dans un contexte pourtant pas très favorable à ce genre
de programme – pensons à la période post-86 puis
après Hermès en 1992 – Beaucoup de spécialistes
considèrent l’ESA comme une des agences spatiales fonctionnant
le mieux, c'est-à-dire très créatrice avec peu
de moyens. Selon certaines sources, elle semble bien gérée.
Rappelons que le financement de l’ESA est 10 fois inférieur
à celui de sa sœur américaine. Il est indéniable
que l’agence européenne est dotée d’une formidable
capacité à accomplir des missions complexes avec très
peu de moyens. Il suffit de contempler les dernières missions
scientifiques, les programmes martiens ou les futurs missions lunaires.
Notons par exemple que l’ESA annonça le programme Aurora,
il y a deux ans de façon un peu étonnante mais que de
très nombreux travaux pratiques en découlèrent
(Cf. site Internet de l’ESTEC). Aurora était alors le seul
programme post-ISS au monde à clairement annoncer les ambitions
d’une agence spatiale. Ce programme faisait alors référence
en matière de détermination programmatique de la part
de l’Europe. Et même si Aurora se contentait de n’être
que trop souvent des travaux papiers, il y a une volonté clairement
énoncée de poursuivre l’exploration du système
solaire. Aurora est toujours un programme d’actualité qui
ne demande qu’à être boosté, peut être
revisité dans certaines phases, voir mieux justifié, mais
ce programme doit devenir un fondement de l’existence future de
l’agence. Nous venons de le
dire mais il s’agit de le démontrer du point de vue d’un
intérêt politique : L’ESA peut paraître comme
la convergence des forces vives spatiales européennes. Au-delà
de cet aspect formel, il y a une réelle capacité pour
l’agence de faire cohabiter des forces parfois antagonistes. Tous
les programmes ESA sont marqués par une concurrence féroce
entre les industriels européens, l’agence a souvent su
maîtriser ces rivalités pour en faire une force créatrice
qui permit de lancer des programmes relativement complexes. Si la NSS
France, il y a plus d’un an s’était montrée
circonspecte au regard du transfert de pouvoir des agences nationales
vers l’ESA, nous redoutions alors que l’agence spatiale
européenne ne devienne qu’un ‘’grand machin’’
qui ne puisse pas comprendre les réalités politiques du
développement des activités de l’Homme dans l’espace.
Entre temps, en France et en Europe, un réveil politique semble,
peu à peu, se profiler. La meilleure preuve en fut les articles
et déclarations des décideurs politiques ces derniers
temps (grands programmes de J. Chirac ou de R. Prodi), ou encore les
annonces par les commissaires européens d’aller dans cette
direction : comme Erkki Liikanen commissaire européen chargé
des entreprises qui annonçait dans le quotidien Le Monde que
les services ne tireront jamais l’économie et seule une
politique industrielle fondée sur l’innovation permettrait
cela. Jean-Jacques Dordain ou M. Busquin lors de l’annonce par
M. Bush se montrèrent favorables à un revirement politique
du débat spatial. L’ESA peut donc devenir cet instrument
politique fondamental dans la construction européenne. Il y a
deux cent ans, un Etat se fondait, en partie, sur son armée comme
instrument de pouvoir et souvent comme prestige national. Nous soutenons donc l’ESA mais ne restons pas les bras croisés à contempler béatement les réalisations de cette dernière institution. Nous avons critiqué l’ESA pour essayer de pousser le débat un peu plus loin que le cercle restreint des acteurs de l’espace en France et en Europe. Toutes nos critiques ont été justifiées et argumentées, nous avons parfois dit, un peu abruptement, ce que nous pensions et nous ne croyions pas que ce soit négatif. Notre ton peut quelquefois un peu nuire au discours mais l’apathie occasionnellement montrée par nos institutions est affolante. Nous essayons d’avoir une vraie démarche constructive et évoluons tous les jours dans notre réflexion. L’association fut fondée par des jeunes étudiants qui n’ont rien à voir avec l’Espace, et qui pensent qu’une politique industrielle basée sur un programme spatial habité ambitieux pour l’Europe sera positif et pourra apporter une solution politique aux affres de notre temps. Nous essayons de faire progresser notre pensée afin de rendre le débat plus incisif et surtout plus convainquant. Nous serons donc en perpétuelle évolution. En tant qu’association citoyenne, nous nous permettons donc d’énoncer notre point de vue, n’en déplaise à certains. L’ESA doit donc continuer d’être critiquée, ses décisions ou prises de position toujours soumises à l’examen réfléchi de nos concitoyens : elle en ressortira d’autant plus raffermie. Soyons exigeants avec le seul instrument que nous possédons pour accomplir notre dessein – un développement des activités de l’Homme dans l’Espace – le peuple souverain peut donc exiger le meilleur de cette agence. Enfin nous ne nous prétendons pas être les représentants officiels de la population mais souhaitons simplement que l’agence spatiale européenne fasse vraiment progresser son discours dans les intérêts de la construction européenne. Toutes les espérances de la jeunesse européenne sont entre ses mains. Des meilleurs nous exigeons le meilleur.
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Le
8 août 1789 dans un sursaut de lucidité dramatique, le Roi
de France convoquait les trois ordres sociaux de la France de l’Ancien
Régime ; Le Tiers-état, le clergé,et la noblesse
; pour former une assemblée de délégués venant
de tout le pays et imposerait des réformes. Dernière solution
proposée par Loménie de Brienne avant de démissionner,
contrôleur général des Finances, sans expérience
et sans imagination, la dernière convocation des Etats-Généraux
datait de 1614. Grande réunion censée représenter
les forces vives du royaume, elle permettait de faire voter des impôts
exceptionnels. Dans le contexte de 1789, elle avait été
convoquée pour faire des réformes financières mais
aussi sociales fondamentales (un impôt pour la noblesse devait y
être abordé). Le 5 mai 1789 s’ouvrait, donc, les Etats-Généraux
dans l'hôtel des Menus Plaisirs, à Versailles, faisant suite
à d’impatients et vigoureux débats dans les provinces
de France, ainsi qu’à de mauvaises récoltes et un
hiver très dur. Les discours inconsistants de Louis XVI et de son
ministre Necker déçoivent les députés de tous
bords. "La bataille est engagée" écrira le soir
même un député du Tiers, non contre le Roi, mais avec
le Roi pour sauver le royaume. Le 17 juin 1789 est entamée une
étape supplémentaire avec la déclaration du Tiers-état,
aidé de quelques membres du clergé, de se constituer en
assemblée nationale. Le 20 juin, les députés dissidents
se réunissent dans la salle du jeu de paume à Versailles
pour se promettre de rester solidaire jusqu’à ce que le royaume
se dote d’une constitution. Trois jours plus tard, et grâce
à la fougue d’orateurs comme Bailly, Mirabeau, l’abbé
Grégoire ou Sieyès, le Roi cède en autorisant l'ensemble
des députés à rejoindre l'assemblée nationale.
L'absolutisme royal est discrédité. La Révolution
peut commencer.
Dans une communication précédente, l’association, déclarée loi 1901, National Space Society France a déjà appelé à la formation, sous l’égide des agences spatiales et institutions européennes, d’Etats-Généraux pour une politique spatiale ambitieuse par l’Homme et pour l‘Homme. L’esprit constructif et en rupture avec le passé des Etats-Généraux de 1789 peut nous servir pour mieux comprendre notre démarche. Nous ne disons pas que la situation est similaire mais l’idée régnante, qui était de faire avancer le royaume dans des temps nouveaux doit servir d’exemple pour tous. Cette volonté créatrice d’avenir est dans l’esprit de tous avant les Etats-Généraux – il suffit pour cela de lire la candeur, l’espoir et l’optimisme mis dans la rédaction des cahiers de doléances entre l’automne 1788 et le printemps 1789. Notre république découle directement de cet événement. La constitution de l’assemblée nationale présidée par Bailly est la première étape vers la Révolution française, qui malgré tout, fut une avancée majeure pour notre pays. Cette étape le fit entrer de plein pied dans le monde moderne et générateur d’idéaux égalitaires, démocratiques et fraternels. L’Europe politique de notre temps est à l’orée de sa constitution. Le temps est venu de bâtir et d’unifier notre continent sur de solides bases. Ces fondations peuvent être constituées de grands projets porteurs d’avenir pour la Société européenne, ainsi que des projets stratégiques qui établiront l’Europe dans le cercle des nations puissantes, ouvertes et crédibles. Une politique spatiale habitée ambitieuse, pour ces raisons, peut faire partie de ces grands projets. Nous pensons que l’espace habité est le seul secteur d’activité qui soit aussi porteur d’avenir économiquement, politiquement et socialement. Un développement des activités humaines de l’Espace permettra de créer de nouveaux potentiels d’activités, vecteurs fondamentaux pour l’ouverture de notre économie à de nouvelles sphères du même ordre. Le temps n’est plus à d’interminables partages mais à créer une donne encore plus grande. Une politique spatiale habitée ambitieuse peut nous permettre d’atteindre cet incorruptible but qui est d’élever notre société afin que tous puissent y participer en toute égalité. Mais la réalité actuelle est tout autre, nous ne reviendrons pas sur le sombre tableau que nous offre tous les jours notre continent. Comme étudiant de 24 ans, j’espère mieux pour les miens et mes concitoyens européens. Nous connaissons l’inertie de nos décideurs et nos institutions. Ces dernières n’ont plus de sens, et beaucoup d’entre vous ne se reconnaissent plus en eux. Incapables de proposer quelque chose de novateur, un futur décent ou un projet d’avenir enthousiasmant, acculés à un système qu’ils ont eux-mêmes créé et qui les détruit tous les jours, acteurs parfois involontaires mais serviles d’une hiérarchie, nous connaissons les résultats de leurs politiques. Pourtant le temps doit être à l’optimisme, c’est dans les situations les plus sombres qu’ont su surgir les solutions et les espérances les plus folles pour donner lieu à des propositions qui éclairèrent l’avenir d’une façon novatrice. L’Homme ne peut s’arrêter de progresser, il s’agit maintenant de passer à l’étape suivante de manière volontaire, réaliste mais ambitieuse. C’est la raison pour laquelle nous appelons tous les acteurs de notre société concernés par l’Espace à participer à la formation d’assises générales de l’Espace ou plus simplement intitulées : Etats-Généraux pour une politique spatiale ambitieuse, où pourrait être défini un leadership européen dans le domaine et où des propositions concrètes et réalisables politiquement pourraient être proposées. Le court, moyen et long terme devront être débattus, la politique spatiale habitée, remise en cause et décidée de façon réelle, la problématique autour des applications fondamentales ainsi que de la recherche et développement débloquée. Ce grand forum de discussion et de décision devrait prendre place dans les plus bref délais. Dans un pays ou un continent qui se targue d’être à l’écoute de toutes les tendances et opinions, les hommes politiques devraient enfin comprendre la nécessité de redéfinir la problématique de notre société. Comment faire pour que tous puissent être partie prenante de la société que nous bâtissons ? La solution viendra, en majeure partie, en s’engageant dans une politique spatiale habitée ambitieuse, une politique de recherches fondamentales, ou de développement du secteur de l’innovation réelle (R&D, synergie publique-privée, etc.), tout en menant une politique sociale juste, une politique qui mettra l’éducation nationale comme priorité nationale ou en poussant au développement du tiers-monde. Ce ne sont ici que quelques idées pouvant êtres débattues mais montrant à quel point l’Espace concerne le monde politique. Trop souvent l’espace habité fut montré comme le rejeton de la Real Politik de certains, l’impérialisme ou l’hégémonisme d’autres, il s’agit de bâtir une nouvelle problématique autour de la politique spatiale habitée et de voir plus loin que le bout de nos finances. Le travail est énorme. Seule la réunion de ces Etats-Généraux pourra nous éclairer sur l’état de notre continent et statufier les volontés de nos décideurs, c’est aussi une opportunité pour tous de faire émerger des propositions. Le débat se devra d’être des plus constructif et novateur. La NSS France a vocation de permettre aux idées de s’exprimer. Nous l’avons fait par le passé avec nos 15 propositions sur 5 ans, ou l’Initiative Spatiale Européenne, nous le refaisons en proposant ces Etats-Généraux sous l’égide de nos institutions européennes tutélaires. Comme lors du serment du Jeu de paume le 20 juin 1789, les députés jurèrent de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie, nous ne nous séparerons pas avant d’avoir fait des propositions concrètes, raisonnables mais ambitieuses. Nous aurons alors pavé la route et pris l’initiative d’espérer un avenir meilleur. Toutes ces espérances, je le souhaite de tout cœur, ne seront pas vaines. Le sujet mérite d’être débattu. Il s’agit d’engager l’Europe dans une ère nouvelle.
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L’association
citoyenne, déclarée loi 1901, National Space Society France
s’associe aux objections de ces derniers temps à propos de
la recherche en France. Nous sommes une association qui promouvons une
politique spatiale habitée ambitieuse pour l’Europe et la
France. La Recherche fondamentale ne nous concernant pas directement,
nous n’avions pas pris parti dans les débats faisant rage
ces dernières semaines. Le président de l’association,
Nicolas Turcat, à titre personnel, avait signé dès
le 24 janvier 2004 la pétition circulant sur Internet, puis se
tenait au courant des développements jusqu’au 19 mars 2004.
Sans pour autant dire que nous partageons la totalité des opinions
du collectif ‘’Sauvons la Recherche’’ (avec qui
nous sommes en contact), nous souhaitons nous inscrire dans une logique
solidaire pour dénoncer les conditions de plus en plus précaires
de la Recherche en France. Il est encore une fois temps d’inverser
la tendance et de se donner un nouvel horizon. Un développement
de l’Homme dans l’Espace effectué de manière
ambitieuse et concrète requièrerait de nombreuses recherches
fondamentales ou appliquées. Le sujet est donc profondément
lié à nos souhaits. Il est aussi temps pour nous de réagir
sur ce domaine.
Ne pouvant pas nous exprimer sur l’intégralité des aspects du problème, nous souhaitons nous prononcer sur trois facettes de la recherche française : une recherche fondamentale et publique, la recherche comme un moyen et non une fin, et enfin sa relation avec l’espace. Concrètement,
aux cours des débats de ces dernières semaines, les discussions
portèrent autant sur les interfaces entre recherche privée
souvent appelée recherche appliquée et recherche fondamentale
dite publique, que sur le nombre de postes à pourvoir. Le premier
sujet évoqué est d’autant plus important qu’il
deviendra une corrélation importante le jour où sera lancée
une politique spatiale ambitieuse. Les relations entre industriels américains
(que cela soit le complexe militaro-industriel ou l’industrie
spatiale US) et la NASA pendant la période d’Apollo ou
du Shuttle ont déjà été étudiées
et peuvent servir d’exemples pour l’exploration de nouvelles
pistes pour ces interfaces qui sont à redéfinir en France
et en Europe. Si tout le monde s’accorde sur le fait que la Recherche
fondamentale soit bénéfique à la recherche appliquée,
voir liée par essence à cette dernière, les relations
et la définition de ces dernières sont, à l’heure
actuelle, remises en cause par un certain nombre de personnes dont le
gouvernement actuel – ainsi que peut-être le prochain avec
M. François d’Aubert - se fait, malencontreusement le porte
parole. La tentation de privatiser la recherche fondamentale doit être
ici dénoncée et combattue. Il en va de l’avenir
d’une politique spatiale ambitieuse. En effet, dans le contexte
actuel, une entreprise privée faisant des recherches, orientera
ces dernières vers des produits qui rapporteront, ou, moins grave
mais tout aussi biaisée, cette entreprise orientera ces recherche
vers des secteurs dits ‘’rentables’’ sur le
court ou moyen terme. Or le problème actuel est que l’espace
habité n’est pas lucratif. Donc aucun industriel européen
n’a d’intérêt à investir dans des recherches
concernant ces projets spatiaux. Pire, la recherche fondamentale risque
de n’être jamais rentable et c’est tant mieux, ce
n’est d’ailleurs pas son rôle. Il est pourtant évident
qu’il faille améliorer l’interface entre privé
et public, mais la recherche fondamentale doit être enfin financée
et comprise comme un vecteur de développement sur le long terme.
Nous sommes ici au cœur de la création de potentiels d’activités
: processus que notre association entend bien remettre au cœur
des débats entourant le spatial. La recherche publique doit donc
rester une prérogative du domaine d’Etat car lui seul est
capable d’assumer cette non-rentabilité financière,
cette éthique nécessaire, et cet effort quasi économique
au bénéfice de ses citoyens. La recherche fondamentale
devrait être classée parmi les actions pour le bien public. La Recherche ne doit pas cependant qu’être perçue sous la lorgnette de la lutte entre privé/public, financement ou pas, ou encore postes accrédités ou contractants. Par ailleurs, évitons toutes dérives strictement corporatistes inhérentes, parfois, à ce genre de mouvements de contestations. Il s’agit de redéfinir la recherche d’un point de vue plus politique ou programmatique. Les hommes politiques, y compris à travers les différents comités consultatifs, ne peuvent que mal juger la crédibilité réelle de telles ou telles recherches. Il en est de même pour les citoyens. C’est pourquoi nous sommes en faveur, en plus des recherches fondamentales déjà menées, de regrouper ces dernières sous des projets plus ou moins unificateurs. Que ces projets soient médicaux (SIDA, Cancer …), pharmaceutiques, industriels, énergétiques, ou spatiaux ; il va s’agir de clairement repositionner la recherche comme un moyen et non une fin. S’il y a eu de l’Art pour l’Art, il ne peut y avoir de Recherche pour la Recherche – les ressources et les responsabilités envers nos concitoyens sont trop grandes. Il est clair que certaines recherches ne rentreront pas dans le cadre des projets énoncés, et que celles-ci doivent survivre et être bien au contraire être encouragées. Il faudra donc nommer ces projets, leur donner une feuille de route et leur permettre toute la flexibilité à laquelle la science a droit. Il n’est pas question de mettre une pression injustifiée aux chercheurs mais de réorganiser certaines modalités de la recherche afin de mieux faire comprendre l’action d’un Etat dans les domaines décrits. L’Etat, ou mieux, la Commission Européenne va devoir prendre des décisions importantes et développer des projets porteurs d’avenir afin de pouvoir défricher des sentiers sur lesquels pourront s’engouffrer d’autres recherches. Enfin quelques projets réellement avancés (peut être trop ?) devront être redéfini afin de tirer en avant la recherche. Il faudra dans le même temps lutter contre la surprogrammation, ou l’excès d’exotisme et concentrer ces forces sur des projets réellement créateurs de nouveaux potentiels d’activités. L’Homme politique dans sa dimension sociétale prend ici toute l’ampleur de sa tache. L’innovation sera d’ailleurs au cœur du débat. L’Innovation réelle et le Progrès humaniste devront être les lignes directrices de ces projets qui restent, toujours à ce jour, à définir et surtout à concrétiser politiquement. Augmenter les budgets consacrés à la recherche est évident mais pas suffisant, il s’agit maintenant de définir nos ambitions futures pour l’Europe. M. Busquin avait annoncé dans le Monde courant février que le problème français était de transformer la science en valeur économique. Ce n’est pourtant pas le rôle de la Recherche ! Nous l’avons vu, il est évident qu’il faille améliorer les interfaces entre le privé et la recherche publique. Parallèlement, M. Busquin sur la radio Europe 1 dans la semaine du 15 mars déclare que la France est le seul pays européen à ne pas avoir augmenter ses budgets de recherches. Le commissaire européen semble démentir ici la fameuse polémique des préalables tendue par le gouvernement (qui consiste à dire qu’avant de financer, il faut réorganiser). Il est évident qu’il faudra faire les deux dans le même temps. Mais comme disait M. Cohen, économiste sur la radio BFM, fin février, il ne faut pas affamer la troupe pour qu’elle se batte mieux. Comme il est tout à fait illusoire de vouloir calquer des modèles outre-atlantiques, qui sont toujours sujets à débats là-bas, il s’agira pourtant de se moderniser un peu à la manière de certaines universités américaines. Aujourd’hui, le tableau de la Recherche peut paraître sombre mais la fraîcheur et la noirceur du bout de la nuit, ne doivent pas nous faire oublier que l’aube sera bientôt là. En réalité, le problème n’est pas tellement de financer la recherche, nous sommes tous d’accords avec ce postulat, mais de savoir que faire avec ce formidable instrument qu’est la Recherche française. Le défi du XXIème siècle sera de redonner une ambition européenne à notre Recherche. Nous l’avons déjà soutenu, cette ambition retrouvée pourra se faire à travers de nouveaux potentiels d’activités comme une politique spatiale habitée. Nous l’avons vu à travers les exemples que nous avons évoqués ces derniers temps : la Recherche sera un pilier de nos prochaines réussites spatiales au XXIème siècle. Une politique spatiale ambitieuse ne pourra se passer de cette composante fondamentale. L’espace n’en est qu’à ces prémices et reste un champ vierge de toute découverte où tout reste à accomplir. Le travail de R&D pour les industriels, de recherches fondamentales pour les agences spécialisées et les maîtrises d’œuvres des agences spatiales seront les travaux de demain à accomplir en même temps qu’une grande Initiative Spatiale Européenne. Dans certains milieux scientifiques et associatifs, ces derniers temps, il est de bon ton de dire que l’espace (comme le nucléaire, ou l’aéronautique) fut un programme favori. Certains parlèrent même d’enfant chéri de la France. Nous mettons en garde, les auteurs de ces paroles, contre la volonté de monter les uns contre les autres. La réalité est tout autre : la France n’a quasiment plus de prérogatives spatiales nationales habitées (le CNES est réduit au strict minimum), le nucléaire qui est tant sujet à débat (ITER) et qui pourtant mériterait tellement plus ! Ou l’aéronautique qui n’évolue plus depuis plus de 30 ans ! Nos trois enfants chéris semblent bien mal en point et mériteraient mieux. L’espace habité concerne désormais l’ESA et l’Europe. C’est dans cette optique que nous demandons à ce que l’ESA soit dopée de façon concrète et immédiate. C’est toujours dans cette perspective que nous soutenons l’agence spatiale européenne. Le débat sur la recherche semble concerner les milieux français, mais croyiez-nous, la situation chez nos voisins européens n’est guère plus reluisante… L’Espace est un projet majeur concret et unificateur autour duquel pourrait se définir l’Union Européenne. L’espace représente un sommet à atteindre, et par son aspect inatteignable, évoque nos ambitions pour l’Europe de demain : un continent uni autour de projets scientifiques, industriels et politiques d’importances et suffisamment lointains pour faire progresser l’Innovation mais assez proche pour en faire un projet social. Il n’est plus le temps de revenir en arrière, bien au contraire. C’est dans cette logique que nous avons sollicité des Etats-Généraux pour une politique spatiale, il y a plus de deux mois. C’est aussi dans ce même sens que nous demandons à participer aux assises sur la Recherche tenues par le gouvernement ainsi qu’aux Etats Généraux pour la Recherche (organisés par le collectif Sauvons la Recherche). Nous pensons qu’il est temps de prendre conscience de la nécessité absolue de bâtir une politique scientifique à travers des projets unificateurs. L’espace est un formidable potentiel d’activité pour toute notre Société. L’Europe de demain se bâtira aussi dans nos laboratoires. La France peut jouer ce rôle de pionnier dans le domaine. Nicolas Turcat –
le 27/03/04 |
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Avec
la dilution de l'ambitieux programme spatial européen concocté
à La Haye en Novembre 1987 et qui a fait litière du programme
d'avion spatial Hermes et du module autonome MTFF, la possibilité
pour l'Europe de disposer d'une capacité propre de lancement habité
s'est réduite comme neige au Soleil en rendant les Européens
très dépendants des vols de la navette spatiale américaine
et des vols russes Soyouz. En dépit de ce coup de poignard qui
a démobilisé une équipe composée de 1600 ingénieurs
et techniciens de haut niveau pour ce qui concerne l'avion spatial Hermes,
l'Europe s'est dotée d'un excellent corps d'astronautes qui ont
participé à des missions aussi bien sur le Shuttle que sur
le Soyouz et la station MIR (missions Euromir 94 et 95) ou encore des
vols Soyouz dits ''taxis'' vers la station ISS comme ce fut le cas récemment
pour la mission Cervantès qui emportait l'astronaute espagnol de
l’ESA Pedro Duque. En 2010, après 30 ans de service, la navette
spatiale américaine sera retirée de la scène pour
être remplacée par un Orbital Space Plane lancé par
une fusée classique (Atlas-5 ou Delta-4) et qui servira à
la fois de véhicule de transport (CTV) et de secours (CRV) en deux
variantes possibles: soit une capsule (solution Boeing), soit un mini-avion
spatial à corps portant (solution Lockheed-Martin) – Ndlr
: ces propositions industrielles semblent avoir déjà évoluées.
Du coté russe il n'est pas exclu que l'on construise de nouveaux
Soyouz améliorés (malgré une réticence des
milieux industriels américains et des pouvoirs publics hostiles
à des transferts de technologie) mais, actuellement, un autre projet
semble émerger du coté de la Russie, à savoir le
concept de vaisseau habité KLIPPER proposé par la firme
RKK Energya. Klipper serait un vaisseau de la classe 12-14 tonnes architecturé
sur une double structure: un compartiment appareillages et instruments
et une capsule réutilisable capable de transporter 6 personnes
(2 copilotes et 4 expérimentateurs) et capable de déports
latéraux permettant de faire varier sa trajectoire pour atterrir
à un point voulu sur le sol russe. Pour ce qui concerne l'Europe,
qui a déjà déposé les armes avec Hermes et
n'a pas soutenu avec suffisamment de conviction les projets CTV-CRV, la
situation est inquiétante car il n'est pas interdit de penser quelle
solution pourra permettre à l'Europe d'envoyer ses propres astronautes
dans l'espace. Le manque de vision des politiques et le manque de compréhension
des implications profondes de la conquête de l'espace chez nos ''décideurs''
est affligeant ; Revenons aux années 1985-1987, ou plus précisément
au moment où la France a proposé (1985) le concept d'avion
spatial Hermes à ses partenaires de l'ESA. L'émergence du
projet est due à 3 faits parfaitement perçus par les ingénieurs
du CNES:
1) la disponibilité à venir du lanceur Ariane 5P prévu au départ pour la mise en orbi-te des satellites lourds commerciaux et de charges utiles automatiques mais apte également à la mise en orbite basse d'un mini-avion spatial intégré. 2) la prise de conscience relativement ancienne par
les ingénieurs français de la nécessité
d'une capacité autonome d'intervention humaine en orbite, certains
domaines comme les expériences en microgravité impliquant
la mise en orbite de systèmes d'une complexité croissante,
donc coûteux, et dont il faut assurer une durée de vie
de plus en plus grande (maintenance, réparation). Notons à
ce propos combien cette justification était empreinte de lucidité:à
l'époque où ses promoteurs tentaient d'imposer le concept
Hermes, fleurissaient au sein du CNES de multiples projets d'usines
automatiques orbitales (Solaris, Minos) et que l'on comptait installer
et desservir par des engins eux aussi totalement automatisés.
Certains en France espéraient par ce biais entamer le monopole
américain et soviétique des recherches sur la microgravité
et court-circuiter les étapes traditionnelles d'intervention
orbitale en croyant bien à tort pouvoir faire l'impasse sur l'homme
dans l'espace. 3) de préparer l'Europe aux prochaines étapes de la conquête spatiale (la Lune puis Mars) et en asseyant sa crédibilité pour qu'elle soit considérée dans cette perspective comme un partenaire majeur et incontournable par les deux principales puissances spatiales de l'époque. Ce fait n'a pas été assez souligné au niveau de la communication par les responsables de l’ESA et des industriels au prix de ce que nous pensons être une certaine forme de peur de s'affirmer pour un grand programme spatial à cause des résistances et de l'incompréhension des décideurs et de l'ignorance de l'opinion publique à laquelle les agences spatiales ne savent pas s'adresser. Le record d'incommunicabilité est toutefois détenu par la NASA puisque 61 % des Américains seraient hostiles à un retour sur la Lune. Cette option de participation à un programme lunaire était toutefois défendue par Jean-Charles Poggi (directeur de la division des systèmes stratégiques et spatiaux d’Aérospatiale) qui présenta au sénateur Loridant un projet d'Ariane 5 lunaire permettant de faire alunir 35 tonnes sur notre satellite. A l'aune de ces perspectives on jugera de la faiblesse actuelle de l'Europe incapable d'amener à poste ses propres astronautes et qui projette, sur 35 ans, l'ambitieux programme Aurora sans se donner les moyens politiques et financiers de ses visions. Les fonds alloués aux études sur les récupérables sont chichement attribués, il n'y a pas d'études sur un super-lanceur lourd qui pourrait remplacer les versions les plus performantes d'Ariane 5 ni sur un programme de recherches sur les moteurs nucléaires qui puisse prendre le relais du défunt programme YAPS du CNES et du CEA. Notre point de vue est que le triptyque Ariane 5-Hermes-Columbus, bien inférieur technologiquement aux programmes dont nous venons de parler, était le passage obligé pour acquérir les compétences scientifiques et technologiques nécessaires au passage à un stade infiniment supérieur. Nous ne nous étendrons pas trop sur Ariane 5, qui est le vecteur, en traitant seulement des compatibilités entre le lanceur lourd européen et Hermes qui était, nous allons le voir, un véritable défi technologique. De 1987 à 1990, en dépit de quelques obstacles technologiques (comme la maîtrise de la technologie des piles à combustibles), le déroulement du programme s'effectua parfaitement sur les rails où l'avaient mis les ministres européens lors de la Conférence de La Haye. Au début de l'année 1990, alors que rien n'avait encore été remis en cause, les dépenses du plan spatial à long terme en total cumulé 1992-2005 se montaient à 7557 millions d'UC 1990 pour Columbus et 8941 millions d'UC pour Hermes. Rappelons que Columbus se composait du laboratoire autonome MTFF (Man Tended Free Flyer Laboratory) et du laboratoire APM (Attached Pressurized Module) rattaché à la station Freedom et que, après lancement respectivement par Ariane 5 et le Shuttle, tous les deux pouvaient être visités par Hermes. Mais dès cette époque l’ESA envisageait également, tout en préparant l’ère Columbus avec le Spacelab et la plate-forme récupérable Eureca, de payer en nature une partie de sa contribution aux frais de fonctionnement de la station sous la forme de prestations de transport de fret par Ariane 5: cela nécessitait la mise au point d'un cargo européen automatique qui allait devenir l'ATV (Automated Transfer Vehicle) capable de délivrer 10 tonnes de matériel à la station ISS, de pouvoir rehausser l'orbite de la station et de servir de refuge aux astronautes en cas d'accident sur la station. Cette dernière option pourrait être viable au prix de quelques modifications sur l’ATV. Pour tout un tas de raisons qui apparaissent de plus en plus clairement, le programme Hermes, en n'ayant pas été poursuivi, crée un manque non seulement en capacité d'intervention humaine dans l'espace mais également sur le plan technologique à la fois pour ce qu'il aurait été possible de faire avec mais également pour préparer les étapes ultérieurs avec des concepts plus ambitieux pour lesquels Hermes aurait été un galop d'essai. D'autre part, avec le vide qui se dessine actuellement en matière de desserte efficace de grandes structures en orbite basse, Hermes aurait pu permettre à l'Europe une totale liberté d'accès à ISS et préparer nos astronautes à un programme lunaire. Le défi que représentait toutefois Hermes ne doit pas être sous-estimé sur le plan technologique: il y a à la fois des contraintes liées à la capacité d'Ariane 5 et des contraintes technologiques liées à l'avion spatial lui-même. -Pour ce qui concerne les contraintes liées à la capacité du lanceur, il fallait optimiser la forme et la morphologie de l'avion spatial avec les spécificités permises par Ariane 5.Celle-cî permet deux possibilités: soit une capsule avec tourelle de sauvetage, soit un avion spatial réutilisable tous les deux placés au sommet du composite supérieur de la fusée au moment du lancement. Les capacités d'Ariane 5 jouent donc sur le poids, la taille et la morphologie de l'avion spatial. La conséquence la plus directe de ce que nous venons d'écrire c'est que, pour cet engin spatial réutilisable capable de revenir à terre en vol plané, la configuration retenue car obligée, limite la surface de la, voilure pour ne pas perturber la trajectoire du lanceur. Dans un premier temps, et selon les spécificités définies au début du programme Ariane 5, Hermes ne pouvait être qu'un véhicule d'une vingtaine de -tonnes susceptible d'emporter un équipage de 3 hommes et une charge utile de 3 tonnes. Rien à voir avec le Shuttle et Bourane dont la charge utile est de plusieurs dizaines de tonnes. Pour ce qui concerne cette surface de la voilure, les contraintes dues à Ariane 5 première version conduisaient à limiter celle-ci à 85 mètres carrés. Selon Jean-Charles Poggi : ''Tout autre choix aurait nécessité le développement d'un lanceur spécifique plus puissant’’. Pour ce qui concernait les contraintes de poids, celui-ci, selon le sénateur Paul Loridant, ''constituait une des difficultés majeures du programme".Le problème du poids lié à la capacité du lanceur était d'autant plus compliqué que certains choix effectués tendaient à alourdir la masse du véhicule:c'était notamment le cas du système de sièges éjectables (toutefois plus léger que celui de la cabine éjectable un moment envisagé. D'autre part, constituant également un supplément de poids mort, la solution du châssis d'aluminium protégé par des boucliers thermiques, et qui fut préférée à celle jugée risquée d'une cellule en matériaux thermostructurants (résine haute température).Le poids de la navette a dû être augmenté, par rapport au cahier des charges initial qui était de 21 tonnes, pour passer à 24 tonnes:ceci a entraîné le développement d'un moteur Vulcain Mark 2 plus puissant pour un nouveau concept d'Ariane 5, en configuration vol habité, dénommé AR Mark 2. -Pour ce qui concerne les contraintes technologiques
liées à l'avion spatial lui-même, elles étaient
assez sévères mais constituaient un défi motivant
et structurant qui pouvait nous permettre un bond dans l'avenir et,
sur le plan des matériaux, nous permettre une avancée
vers une première génération d'engins récupérables.
Parmi ces contraintes spécifiques à Hermes, notons que
la petite taille de l'avion spatial européen augmentait les températures
extrêmes que celui-ci devait supporter lors de la phase retour
vers la Terre au moment de la pénétration dans l'atmosphère.
Selon Jean-Charles Poggi, la surface de la voilure de 85 mètres
carrés limitait, en plus, à 17 tonnes la masse de l'avion
rentrant dans l'atmosphère. Un poids plus important à
surface égale aurait compliqué les problèmes de
protection thermique à résoudre et rendu plus critique
la phase d'atterrissage. Ce problème est apparu peu a peu au
fur et à mesure des recherches de R&D et la solution retenue,
avant la dilution progressive du programme, était de regrouper,
dans un module largable de 7 tonnes, tout ce qui n'était pas
nécessaire à la rentrée du véhicule: système
propulsif, d'accostage et d'arrimage, centrale de contrôle thermique
sur orbite réservoirs. Les principales difficultés technologiques
du programme liées aux contraintes de poids et de dimensions,
imposées par le carcan d'une capacité d'une Ariane 5 même
dopée, tenaient à la présence d'un équipage
de 3 hommes à bord et à la rentrée atmosphérique.
Les études préliminaires ont montré que le savoir-faire
européen était apte à la réalisation d'une
navette permettant à 3 astronautes de vivre et de travailler.
Un handicap est apparu rapidement à cause de la faiblesse du
niveau des recherches en France et en Allemagne en matière de
piles à combustibles (malgré quelques progrès en
ce qui concerne les électrodes et la gestion de l'eau). Ceci
explique l'appel à l'aide qui a été fait en direction
de l'industrie spatiale russe très compétente dans ce
domaine. Une autre contrainte technologique concernant la sécurité
des équipages, une fois écartée la solution de
la cabine éjectable, fut retenue, à savoir une solution
de sièges éjectables inspirée de la navette russe
Bourane. Ce système était capable de fonctionner jusqu'à
Mach 2, c'est à dire dans les toutes premières minutes
du lancement et peu avant l'atterrissage. Parmi les autres défis
technologiques à relever pour Hermes, et dû à sa
rentrée en vol plané dans l'atmosphère, les principaux
défis à relever concernaient l'aérodynamique hypersonique
et les matériaux de protection thermique. Dans ce domaine les
équipes Hermes travaillèrent à fond sur les connaissances
aérothermiques fondamentales au moyen de simulations informatiques
et de mesures expérimentales faites dans les souffleries françaises
et allemandes. D'après Michel Courtois (CNES), au début
1993, il ne restait plus pour l'aérodynamique que quelques corrélations
à vérifier entre les essais et les calculs pour que la
forme définitive de l'appareil soit figée. Les industriels
auraient alors pu lancer la fabrication de la structure. Pour ce qui
concerne les protections thermiques, le défi consistait à
développer des céramiques (carbone-carbone ou carbone-siliciure
de carbone) à la fois légères, résistantes
à l'oxydation et capables de supporter de très hautes
températures. Les structures chaudes de l'appareil (nez, bords
d'attaque et dérives) devaient être fabriquées directement
dans ces matériaux qui devaient servir également -a la
réalisation de plaques de protection pour le fuselage et la voilure.
Des progrès réels furent effectués dans ces domaines
mais des difficultés apparurent dans le déroulement du
projet: ce fut le cas pour les structures chaudes où l'expérience
révéla des insuffisances au niveau de la protection anti-oxydation
du matériau pendant le retour. D'autres problèmes inattendus
se révélèrent au niveau de la fiabilité
du logiciel de bord chargé, entre autres missions, d'assurer
le pilotage du lanceur durant la phase ascensionnelle de la mission,
au niveau des écrans à cristaux liquides du poste de pilotage
et de l'interface antennes de communication-protection thermique. Des
améliorations pouvaient être également apportées
pour ce qui concerne le lanceur dont la version initiale se révélait
incompatible avec un lancement Hermes mais, dans ce domaine, l'inexpérience
des ingénieurs européens et les invités inattendus
des problèmes technologiques allaient contribuer à crucifier
un programme qui n'est pas seulement mort du manque de volonté
politique et d'un manque de moyens financiers. La version Mark 2 d'Ariane,
qui allait contribuer plutôt à une amélioration
du lanceur pour la mise -à poste de satellites, aurait permis
pour Hermes première version un accroissement de 20 % de la poussée
du lanceur en portant à 171 tonnes la masse d'ergols. Autre possibilité
étudiée à l'époque, l'équipement
de l'étage cryotechnique inférieur de 2 moteurs Vulcain
en portant à 210 tonnes sa masse d'ergols : avec cette solution
il aurait été possible à la fois d'accroître
de 3,5 tonnes la capacité de mise en orbite basse d'Hermes et
d'améliorer la sécurité des vols habités.
En cas d'arrêt de fonctionnement d'un des moteurs en cours de
propulsion, l'autre moteur aurait permis à Hermes d'atteindre
malgré tout une vitesse compatible, après sa séparation
du lanceur, avec un retour au sol normal alors qu'avec la version monomoteur
d'Ariane 5, l'équipage serait sauvé par les sièges
tandis que l'avion spatial aurait été perdu. - début de la phase 1 de développement
qui devait durer trois ans à partir de Janvier 1988 On sait ce qu'il advint de ce calendrier puisque les conférences de Munich (1991) et de Grenade (1992) ont sonné le coup d'arrêt du programme avec pour conséquence, outre une dispersion des compétences, qu'en matière de vols habités notre Continent est mal armé Pour affronter le vingt-et-unième siècle et répondre aux défis qui devraient se présenter. Pour juger objectivement de l'échec d'Hermes il faut toutefois souligner que nous étions techniquement sur une mauvaise voie à cause des problèmes imprévus et que les ingénieurs et techniciens européens n1avaient aucune expérience du vol habité. Outre l'incontestable problème posé par la dérive financière du projet due à de sans cesse modifications, on doit prêter une oreille attentive à l'opinion d'experts russes, consultés par le CNES, selon laquelle le concept choisi fut mal appréhendé au regard des possibilités de la fusée porteuse Ariane 5. D'autre part la navette passive européenne, faiblement motorisée, disposant seulement de petits moteurs de contrôle d'attitude dans l'espace destinés à son injection sur l'orbite de travail désirée et aux manoeuvres de désorbitation avant rentrée atmosphérique hypersonique, a subi de constantes mais coûteuses évolutions:remplacement, de la soute ouverte par une soute pressurisée, adjonction du module de ressources Pm destiné à se désagréger dans l'atmosphère après utilisation, abandon du projet démonstrateur automatique X-2000, abandon du projet de démonstrateur version réduite MAIA, débat sans fin sur le choix d'un siège éjectable, réduction progressive de la charge utile prévue, passant de 4,5 tonnes à 3 tonnes puis à 2,5 tonnes. Il n'est pas inutile non plus de revenir sur le problème de compatibilité entre le lanceur Ariane 5 et l'avion spatial proprement dit: au fur et à mesure de l'avancement des études de développement , il s'est avéré qu’Hermes était pratiquement irréalisable en limitant son poids aux alentours de 24-25 tonnes (solution à HM-60) et que, pour maintenir la cohérence du concept, il fallait optimiser celui-ci aux alentours de 30 tonnes ... ce qui dépassait largement les possibilités d'Ariane 5 mais était techniquement viable dans le projet de navette euro-russe (dite encore ''porte-Hermes'') proposé -à l’ESA par l'agence spatiale russe RKA à la suite de la divulgation du projet ISTS (système de transport spatial international) consistant en un concept ORC équipe d'un étage récupérable et présenté au colloque annuel de l’IAF 92 par S.F. Kostronin et V.M. Sourikov de l'Institut Central de Recherches de Construction de Machines TSNII-MACH. Même si le manque de volonté politique et la crise financière sont les deux causes principales de la dilution de l'ambitieux proqramme spatial concocté en Novembre 1987 à La Haye, il faut bien reconnaître aujourd’hui que le projet Hermes manquait quelque peu de réalisme au niveau de sa mise en oeuvre et qu'en l'état du niveau de ses techniques spatiales, l'Europe aurait peut-être mieux inspirée de se tourner vers d'autres solutions plus ''classiques'' avant de faire progressivement ultérieurement le saut vers le récupérable. Avec une capacité de mise en orbite basse de 15 à 22 tonnes pour le lanceur Ariane 5, une solution existe bien sûr pour l'Europe, à savoir la capsule: cette solution aurait pu apparaître quelque peu ''rétro'' il y a quelques années en nous ramenant à l'époque des Mercury, Gemini et Apollo mais, l'actualité aidant, il ne faut pas oublier que la société Boeing ne propose rien d'autre qu'une capsule pour remplacer, à titre d'Orbital Space Plane, le Shuttle actuel. D'autre part il ne faut pas oublier non plus que le vaisseau spatial russe Soyouz-TM n'est dans sa phase retour ni plus ni moins qu'une capsule freinée par des parachutes et que la version actuelle n'est qu'une simple amélioration d'un concept que les Russes utilisent avec succès depuis Octobre 1968. .CTV, CRV: les voies possibles pour les Européens. - soit un lanceur classique opérationnel pour les années 2015 à 2020 et conçu autour d'un système de 4 boosters et d'un étage cryotechnique principal équipé cette fois de 4 moteurs de quatrième génération dérivés du HM-60. Cette solution pouvant encore être améliorée par l'introduction de moteurs à méthane, fut présentée au congrès IAF de 1989 par l'ingénieur Johnson du CNES et Jean-François Lieberherr de l’ESA. Elle rejoint sur certains points la solution souhaitée par Roger Vignelles (ex CNES et ex SEP) et nous ferait entrer dans la gamme des lanceurs de la classe 40 à 60 tonnes avec la possibilité de mise en orbite basse d'une grosse navette à décollage vertical. - soit un lanceur bi-étage partiellement récupérable
(à l'exception de deux petits réservoirs d'hydrogène
liquide flanquant le second étage) inspiré des études
sur le concept Taranis effectuées chez Aérospatiale par
l'équipe de Patrick Eymar. Les avantages de cette solution seraient
d'architecturer ce lanceur autour de plusieurs moteurs Vulcain dérivés
du système de propulsion de l'actuelle Ariane 5, de permettre
une plus grande flexibilité par rapport à un lanceur classique,
et d'offrir des possibilités pour une version habitée. PHlLlPPE JAMET |
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A la suite de l’intervention
du Président Bush, le 14 Janvier 2004, sur la stratégie
adoptée pour la politique spatiale américaine, parmi les
multiples remarques, nous entendîmes de nombreuses critiques sur
l’utilité d’un retour de l’homme sur la Lune.
En dehors de la négation de l’intérêt du vol
spatial humain en général – étayée
par des empirismes du genre : « cet argent serait mieux dépensé
à régler des problèmes sociaux ou d’environnement
sur Terre », contre vérités auxquelles nous
nous sommes opposées dans ces lettres et que nous continuerons
de combattre - l’impératif d’un retour sur notre
satellite naturel voit deux types d’arguments se lever contre
lui. Certains prétendent : « Cela a déjà
été fait, la Lune a été visité, passons
à autre chose ! » En guise de réponse, nous
adopterons celle faite par Mike Griffin de la NASA, dans le journal
SPACE NEW du 19 janvier 2004, suite à la même observation
: « … Non, pas réellement. A moins que l’on
puisse considérer ‘comme fait’ six voyages pour un
total passé d’environ un homme-mois sur une planète
ayant une surface égale à celle de l’Afrique…
» D’autres affirment, dans l’optique martienne, qu’un
passage par la Lune est inutile, l’homme ne peut rien y faire
et n’a rien à entreprendre sur ce corps ; mais l’intérêt
scientifique de la Lune est rarement mis en doute dans les milieux concernés
et nombreux sont ceux, dans toutes disciplines, qui aimeraient en connaître
un peu plus sur l’unique satellite de la Terre. Au moins, l’idée
d’une base sur la Lune, à usage purement scientifique –
si elle ne se fait pas au détriment d’autres programmes,
ce qui paraît difficile dans le système économique
actuel – semble accueillie avec intérêt. En effet
dans l’ambiance culturelle existante, où la science quoique
déclinante bénéficie encore de quelques aura, cet
objectif consensuel reste le dernier que concédent de nombreux
politiques ou intellectuels au programme spatial habité. « B. Exploration de l’espace au delà de l’orbite basse : la Lune. • Entreprendre
des activités d’exploration lunaire pour être capable
de soutenir l’exploration humaine et robotique de Mars et vers
des destinations plus lointaines dans le sytème solaire. Et il s’agit
bien de ce dernier paragraphe, concernant l’utilité de
la Lune du point de vue industriel, technologique, d’entraînement
et d’exploitation des ressources lunaires que d’autres contestent
dans l’optique martienne.
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Pour répondre
à un souci d'identification du petit monde de l'espace et mieux
cerner la nature des personnes partageant ce même intérêt,
ou peut-être aussi pour comprendre l'attrait exercé par
l'astronautique sur les esprits de notre temps, l'un d'entre nous, jouissant
d'un site sur la toile et de l'estime générale, a prié
ses compagnons de randonnées spatiales de répondre à
une question qui, séparée du contexte, pourrait passer
pour anodine : « qui êtes-vous » ? Recherche
aventureuse s'il en fut ; dans ce domaine, le contexte est hautement
signifiant. Face à la voûte étoilée et à
notre détermination commune, l'apostrophe a quelque chose de
redoutable ; elle revient en quelque sorte à ceci : qui êtes-vous,
téméraire, pour prendre rang parmi les nautoniers de l'espace,
qui êtes-vous, intrépide tenté par la démesure,
par le ciel-océan qui ne se connaît pas de limite, par
l'atteinte portée à l'humilité de la tradition,
par les brèches d'accès au sommet de l'Olympe ? Qui donc
êtes-vous pour vous sentir aussi grand ?
Or, sans rêve
initial - c'est une antienne - on ne construit rien de bon. Il y a sans
doute à cette absence de rêve - ou plutôt, à
cette altération du rêve - d'excellentes raisons. Si, depuis
bientôt cinquante ans, on n'a pas obtenu l'adhésion des
foules, c'est assurément du, pour partie, à l'appréhension
de la nouveauté, à l'immensité du domaine concerné,
à l'exagération de ce type de grand large, mais surtout
- et on en retiendra pour preuve le ravissement de l'interlocuteur dès
qu'on lui fournit un repère secourable - à un défaut
fondamental d'analyse et d'exposition, autrement dit, à un défaut
de fondation. Or, sans fondations - autre antienne - tout édifice
est fragile. Spoutnik et sa réplique américaine nous sont
tombés sur les épaules à l'occasion d'un combat
de vauriens qui ne s'intéressaient qu'à un aspect assez
rudimentaire des choses : tenir le haut du pavé. Et si, à
défaut de rêve initial, nous n'avons rien construit de
bon dans le coeur des individus qui constituent le grand nombre, la
raison en est sans doute que le combat de vauriens ne nous a pas laissé
le temps de jalonner l'itinéraire, nous a dispensé de
labour préalable, de littérature spatiale (jouet d'une
évidente redondance de facilités), de théâtre
(inexistant) et, j'y viens, de philosophie, avec tous les ingrédients
sans lesquels il ne saurait y avoir de culture durable. En un mot comme
en mille, nous avons mis la charrue avant les boeufs.
Georges Ballini Romancier. |
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Que penser de la décision de ne pas réaliser un vol de navette pour une dernière maintenance au bénéfice du télescope spatial ? Nous ferons simplement quelques remarques sur cette question.
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Les textes sont
de la responsabilité des auteurs. |
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