NSS FRANCE
La Lettre
 

La lettre N°6 - Novembre 2003
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Sommaire
 
 
 
 
 
Les européens disent vouloir faire une ‘’programme spatial fort et ambitieux’’, tant dans le domaine des applications classiques telles que l’observation ou la navigation ; les choses se mettent en place au fil du temps. Pour l’exploration et le vol humain, l’affaire est moins brillante. Aurora, programme ESA, qui déboucherait sur une composante habitée, n'est pas ou peu soutenu financièrement, et politiquement. Mais les français et les européens semblent avoir trouver la parade, la solution au problème de la mise en orbite basse serait : introduire et utiliser les technologies russes dans le cadre européen, à l’occasion d’un accord financier pour l'espace commercial et satellitaire.
 
 
 
 
 
C'est avant tout en tant qu'étudiant que je m'exprimerai ici. A 24 ans, j’espère ''mieux'' pour mon pays, mon continent et les miens, c'est l'essence même de mon combat au sein de l'association National Space Society France. Je crois que l'Espace sera un formidable potentiel d’activités innovatrices et créatrices de multiples retombées politiques, économiques, sociales et stratégiques pour l'Europe que nous tentons de bâtir. Nous espérons tous que les choses vont évoluer concernant le manque crucial de volonté politique accompagnant une Europe spatiale ambitieuse.
 
 
 
 
Dans le précédent numéro de la lettre NSS France, nous avions attiré l'attention sur le fait que nombre des problèmes que connaît le monde actuel, et qui vont s'amplifier au cours des décennies à venir, ne peuvent pas trouver de solution dans le cadre d'une économie limitée à la Terre ou notre proche environnement qu'est l'orbite basse plus adéquate pour l'installation de laboratoires et de mini-usines ayant pour objectif les productions en microgravité. Parmi les nombreux objectifs justifiant la conquête de l'espace, celui de la fourniture d'énergie illimitée et à un coût acceptable apparaît comme le plus immédiat.
 
 
 
   
 
La NSS France tenait à faire honneur à une mission européenne vers l’ISS, première depuis la création de l’association. La mission Cervantès est d’autant plus importante qu’elle comporte de très intéressants aspects tournés cers l’éducation et la Science. Le manque cruel de communication de la part de l’ESA dans les médias français envers cette mission, nous oblige donc à essayer de mieux comprendre les enjeux et les intérêts du vol de Pedro Duque vers l’ISS fin octobre de cette année. Philippe Jamet, journaliste indépendant, nous explique un peu mieux la mission de l’astronaute espagnol.
 
     
 
 
 
Une équipe médico-chirugicale française a démontré avec succès la faisabilité d'opérations de microchirurgie en impesanteur lors de la campagne de vols paraboliques de l'ESA de la mi-octobre.
 
     
   
 
Mercredi 15 Octobre 2003, la République Populaire de Chine réussissait le pari du vol spatial habité en lançant l'astronaute Yang Liwei à bord de sa capsule Shenzhou 5. Après 10 ans de croissance et de développements technologiques sans faille, le vol habité est un symbole conséquent pour le peuple chinois. La National Space Society France tient, ici, à présenter ses félicitations au peuple chinois pour cet exploit courageux. Cependant, au-delà de la symbolique évidente, à prendre en compte comme signification fondamentale, il s'agit de voir les implications et les conséquences d'une telle action
 
     
   
 
Un des reproches très souvent adressé à la NASA est de ne pas avoir de vision pour un grand programme spatial, le public s’ennuierait à regarder tourner au dessus de sa tête le « morne manège orbital », les navettes seraient trop vieilles, la station ne sert à rien etc… Quand l’Agence spatiale va-t-elle enfin se décider à nous offrir quelque chose d’ambitieux, qui ferait rêver !?
 
 
 
   
 
Au sein des locaux du CES à Paris, une réunion de cette envergure ne pouvait qu’être des plus intéressantes sur les intentions déclarées des officiels de l’Espace européen. A 14 h 30, s’ouvra le forum avec un discours rapide de notre ministre de la recherche, Claudie Haigneré, discours qui se voulait optimiste, y compris pour l’espace habité, puisqu’elle rappelait que l’Europe pouvait se lier avec les russes pour une option Soyouz à Kourou.
 
     
   
 
... En travaux ...
 
     

 
 
  • Soyouz à Kourou, une balle dans le pied ?

Les européens disent vouloir faire une ‘’programme spatial fort et ambitieux’’, tant dans le domaine des applications classiques telles que l’observation ou la navigation ; les choses se mettent en place au fil du temps. Pour l’exploration et le vol humain, l’affaire est moins brillante. Aurora, programme ESA, qui déboucherait sur une composante habitée, n'est pas ou peu soutenu financièrement, et politiquement. Mais les français et les européens semblent avoir trouver la parade, la solution au problème de la mise en orbite basse serait : introduire et utiliser les technologies russes dans le cadre européen, à l’occasion d’un accord financier pour l'espace commercial et satellitaire. Les responsables des agences et des politiques avancent l'idée d'utiliser la R7 pour lancer un Soyouz habité vers l'ISS et décupler l'utilisation de la station (Cf. Michel Tognini, responsable du corps des astronautes lors de la rencontre le 21 septembre 2003 au Musée de l’Air et de l’Espace). On passerait d'un Core Complete de 3 personnes imposées par les américains, à 6 personnes, puisque le Soyouz en Guyane ferait 2 vols européens par an avec 3 astronautes. La solution semble satisfaire tout le monde, des journalistes aux enthousiastes en passant par les responsables d’agences, les astronautes européens et les hommes politiques qui répondent en coeur qu'ils veulent voir un européen dans l'espace par ses propres moyens coûte que coûte !

La National Space Society France, en dépit de cet engouement ne souhaite pas la solution russe pour l'espace européen. Avant tout, rappelons pourquoi nous allons dans l'espace. La réponse à cette question est fondamentale pour la suite des événements. La création d'une nouvelle sphère d’activités économiques en est la raison principale. Nous pensons qu'investir dans le spatial, et plus particulièrement dans le vol habité requiert un effort technologique plus intense et plus large que n'importe quelles autres activités. Soyouz à Kourou, avec son expansion pour les vols habités ne procèdent pas de cette approche. Les critères qui participèrent au choix de cette décision furent seulement ceux de ‘’ faster and cheaper ‘’ teintés d’un zest d’inintérêt de la part des politiques. Notons cependant que cette façon de voir, ne s’applique pas au domaine militaire : personne n’aurait l’idée pour l’armée française d’acheter du matériel de fabrication soviétique : porte avion, chasseurs ou sous-marin d’attaque ! Notre critique ne s’adresse pas aux satellites d’application et aux services, après tout si l’Europe veut se tirer une balle dans le pied ! La National Space Society France est principalement concerné par les vols habités, par l’hypothèse d’un développement des activités de l’humain dans l’Espace. L’Europe doit participer pleinement à cette entreprise tant du point de vue de la recherche, industrie ou de la culture, cela lui sera bénéfique, politiquement, économiquement, et socialement.
Les jeunes européens et d’autres doivent percevoir le projet d’une Initiative Spatiale Européenne comme une dynamique enthousiasmante et porteuse d’avenir. L’achat de véhicules Soyouz pour mettre quelques astronautes en orbite est à l’opposé de ce concept et en aucun cas ne peut ouvrir des perspectives de carrières comme voudrait le montrer le rapport Bodrato. Finalement que veut-on faire avec ce Soyouz à Kourou dans le domaine du vol humain ? Soutenir les insuffisances de la politique spatiale américaine en utilisant ce lanceur comme moyen pour aller sur la Station Spatiale Internationale, et ce avant que les américains fassent leur OSP ; Envoyer quelques astronautes faire un peu de télé-opération scientifique dans les modules de l’ISS ! Afin de justifier les annonces du type : ‘’ l’Europe spatiale forte’’ et ‘’des européens dans l’Espace ‘’ ! Tout ceci est inutile et n’avance à rien. Pour suppléer les américains, il ne fallait pas louper ‘’le coche d’Hermès’’, mais c’est du passé, maintenant, dans le cadre du vol humain il faut construire un moyen efficace et opérationnel pour atteindre cette orbite basse. Quant à la télé-opération scientifique, elle donne de bien maigres résultats et justifie si peu l’utilisation de l’ISS. Fournissons plutôt aux scientifiques les moyens de monter à bord de conduire à bien des missions de recherche dans une infrastructure, qui reste à agrandir, et à rendre plus adéquate. Mais tout ceci ne peut que s’inscrire dans une vision d’avenir soutenue par une politique dynamique et alimentée par une économie adaptée. La maîtrise de la mise en orbite basse de façon efficace avec un véhicule opérationnel construit par l’industrie européenne est nécessaire car elle donne un savoir faire et une maîtrise des techniques à cette industrie. Elle fait travailler un ensemble industriel, tracté par un puissant effort de R&D, qui sans cette option, se déliterait. La solution Soyouz à Kourou pour le vol humain aurait été acceptable dans le cadre d’une stratégie volontaire avancée par un pouvoir politique décidé. Dans laquelle l’Europe ayant de soudaines et immédiates ambitions spatiales utiliserait ce véhicule en attendant un système de mise en orbite basse conçue par notre continent. Cette approche est celle présentée par l’article de Frank Morring, Jr ‘’Pieces of the Action’’ dans le journal Aviation Week’s and Space Technology du 27 octobre 2003 ‘’ the ESA study team suggested European roles in developing both the rescue capsule and the winged crew transport vehicle. To increase the ISS crew size, the team recommended buying a second Soyuz lifeboat the station and using the planned Soyuz facilities at the European space center in French Guiana to launch it as early as 2007. after that, propulsion and other systems from ESA’s ATV could be incorporated into the rescue capsule, which could carry as many as seven crewmembers with artful arrangement of the seating’’. Mais dans les jours suivants, l’affaire Eddington, Bepi-Columbo, les désintérêts des hommes politiques sur le sujet spatial tant au niveau français qu’européen, la banalité des livres verts et blancs se traduisant à un catalogue bien-pensant d’intention, réduisent cette hypothèse à néant.

Derrière le problème des russes à Kourou, se pose le problème en général de la R&D (un peu comme le problème des chinois dans l'espace). Henri Guaino (ancien commissaire au Plan) dans la page débat du journal Le Monde du 3 octobre 2003 se posait la question suivante : ''qu'est ce qui empêche la France d'exprimer elle-même une ambition industrielle pour laquelle elle dispose d'un incomparable capital de savoir-faire (...) la relance de la politique spatiale ou du transport ferroviaire seraient autant de signes forts que la politique industrielle redevient une priorité''. Nous pourrions faire le même constat et les mêmes souhaits pour l'Europe. La réponse à donner est sans appel : ''rendre à l'Etat sa dimension entrepreneuriale et stratégique. Dimension cruciale : pour obtenir de la croissance, il ne suffit pas de libérer les énergies, il faut aussi les mobiliser''. Les hommes politiques européens et français commencent à peine à redécouvrir qu'investir dans la R&D innovante ou dans des industries à la pointe des technologies peut rapporter et même influer positivement sur la courbe de croissance. Les pages économiques du journal Le Monde faisaient le mardi 30 septembre un dossier intitulé ''la recherche appelée au secours de la croissance'', où l'exemple du secteur spatial n’était pas évoqué, montrait que si le lien entre recherche et développement et croissance n'est pas automatique comme nous le rappelle Jacques Mairesse et l'EHESS, Investir dans la R&D innovante est pourtant une part importante des raisons d’une croissance. David Encoua, professeur à Paris I rappelle aussi, concernant le secteur privé, qu'un ''Euro de dépense de R&D exécutées dans une entreprises rapporte à celle-ci de 20 à 80 euros et que 1% de dépenses supplémentaires peuvent générer jusqu'à 30% de production supplémentaire''. Gardons nous de prendre ces prévisions pour argent comptant dans un secteur spatial si particulier et si unique. Évitons dans le même temps d'en tirer une extrapolation au niveau macroéconomique, car différentes formes de R&D se pratiquent actuellement (notamment autour du ''business des brevets''). L’industrie et les analystes économiques commencent à peine à comprendre ce que les américains depuis 1961 avec Apollo, avaient assimilé, qu'en impliquant l'industrie privée le bénéfice serait pour tous les partenaires. Si l'augmentation des dépenses de recherches privées semble être positive pour l'économie d'un pays ou d'une communauté, le rôle des politiques est d'autant plus important, que ces derniers peuvent définir les buts et focaliser les énergies sur ces défis.

Si Soyouz à Kourou et ses prolongements passent, ce qui est fait, l'Europe manquera l'opportunité de se bâtir sa propre identité spatiale. L’industrie spatiale de notre vieux continent risque de souffrir de cet affront. La NSS France appelle tous les industriels européens concernés par l'Espace ainsi que par la R&D innovante à protester contre cette trop facile solution politique qui envenime nos ambitions aérospatiales. La coopération avec les russes n’est pas à remettre en cause, mais l’espace européen doit faire preuve d’indépendance. La NSS France dans ses 15 propositions sur 5 ans propose une solution presque identique à la formule utilisée avec Soyouz mais construite avec l’industrie européenne et inscrite dans une vision politique spatiale européenne ambitieuse. ‘’Les russes feront peut être parti de la communauté européenne d'ici 2013’’ (propos de M. Tognini rapportés à la rencontre du Bourget citée plus haut). Proposons leur de construire en commun un véhicule de 2ème ou 3ème génération. Mais en attendant, bâtissons nous nos propres moyens d'accéder à l'espace ; C’est aussi faire entrer l’Europe dans une nouvelle sphère économique. Impliquons les industries aérospatiales européennes dans cette première étape vers l'espace et devenons un partenaire égal aux grandes puissances spatiales. Devenons incontournables. Une vision politique et économique forte, ainsi qu'un projet interne à la communauté, nous garantirons l'avenir de l'industrie innovante française et européenne.

 



 
 
 
 
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  • Une Vision Politique.

C'est avant tout en tant qu'étudiant que je m'exprimerai ici. A 24 ans, j’espère ''mieux'' pour mon pays, mon continent et les miens, c'est l'essence même de mon combat au sein de l'association National Space Society France. Je crois que l'Espace sera un formidable potentiel d’activités innovatrices et créatrices de multiples retombées politiques, économiques, sociales et stratégiques pour l'Europe que nous tentons de bâtir. Nous espérons tous que les choses vont évoluer concernant le manque crucial de volonté politique accompagnant une Europe spatiale ambitieuse. Partout ou j'ai été, depuis un an, en tant que président et fondateur de l'association, tous les acteurs de ce secteur soutiennent, en privé, nos initiatives, et partagent à de rares exceptions, nos désirs et idées. Nous chérissons encore le vieux rêve spatial inachevé des années quatre vingt en espérant qu'un prophétique directeur d'agence vienne changer la donne. Et pourtant la réponse est toujours la même : c'est la faute des politiques .... Drôle de réponse pour des décideurs qui se disaient la troisième puissance spatiale au monde. Les politiques vous répondront que c'est la faute des industriels et au fameux marché qui ne se prête pas aux activités spatiales habitées. Le serpent se mord la queue.

Essayant de trouver une solution à cet affreux dilemme, la dimension politique des activités spatiales me parut des plus imminentes. Toutes les grandes décisions concernant l'espace se fit à travers une interface politique. Eisenhower et les ICBM en 1950s, Kennedy et Apollo en 1961, Nixon, Carter, Ford pour la très ''politique'' navette spatiale, Reagan la Station Spatiale et SDI en 1980s, le CNES et De Gaulle, les discussions diplomatiques autour de l'ELDO ou de l'ESRO ou encore la création de l'ESA et plus concrètement d'Arianespace, on pourrait citer Airbus, Dassault, le Concorde et le malheureux Hermès ..... Les politiques ont toujours été là ou il fallait décider ou pas d'un programme. Certes les industriels partagent les torts de la situation actuelle. Mais sans projet politique fort que peuvent faire des entrepreneurs ? C’est bien le manque de vision politique qui mine notre paysage spatial européen. Étant étudiant en Histoire et ayant étudié la philosophie politique, je porte un regard très critique sur nos décideurs et particulièrement concernant l'espace. Certains diront que je ne me satisfais de rien et que je réclame un visionnaire politique pour une utopie qui ne se réalisera jamais. Et pourtant cette entreprise relève de mon rôle de citoyen que j’entends bien rendre concret. Au sein de l'association, nous demandons à ce que soit définit une politique spatiale européenne ambitieuse dans le cadre d'une civilisation tournée vers l'espace. L’interface qui décidera de construire ce projet de société, sera bien évidement politique.

Le débat autour de l'espace devient de plus en plus stérile. Trusté par des scientifiques étriqués et des fanatiques de la stratégie ''sécurité et défense'', le discours des hommes politiques se perd dans les méandre de la facilité et l’incapacité gouvernementale à proposer un projet de société décent pour tous, les agences gouvernementales s’adaptant à cette ambiance deviennent elles-mêmes incapable de proposer un programme ambitieux.

Les responsables d'agences : l'ESA et le CNES, comme les généraux français de 1940, ne sont pas responsables de l’écroulement du secteur spatial que nous risquons si les choix effectués deviennent concrets (voir l'article sur Soyouz à Kourou)... ils n'ont seulement rien à proposer et ont bien trop peur de prendre des risques qui les mettraient en danger face au gouvernement ou aux financiers. Le metteur en scène est l'Homme politique qui propose un projet ou une vision pour la Société, les organismes comme le CNES, l'ESA ou même la DGA ou le ministère de la défense ne sont que des acteurs, ils interviennent en bâtissant des projets concrets. Pourtant on peut leur reprocher d’être à des postes décisionnels importants et de ne rien faire pour cela change. Bien que la NASA n'avait pas attendu Kennedy pour bâtir le plan des missions lunaires (le nom Apollo, étant même défini, courant été 1960), c’est la volonté politique d'un Homme d'Etat qui poussa en avant le projet. Un projet arrivé en phase C comme Hermès en 1992 manqua d'une seule et unique chose : un soutien politique fiable....

En réalité cette absence politique à proposer un projet de société est valable pour toutes les couches sociales de l’Europe. On nous rappelle tous les jours que les choses vont mieux, il est quasiment interdit de parler de ''déclin de la France'' ... mais la réalité est toute autre, le fossé se creuse et il devient urgent de faire quelque chose. Un programme spatial habité ambitieux lancé par la France, suivi au niveau européen est le vecteur et la composante efficace d'un programme politique concret. Et ce ne sont pas les agitations publicitaires de l’agence spatiale européenne dignes des meilleurs propagandes de républiques bananières qui changeront la donne et permettront de lancer une initiative spatiale habitée ambitieuse …Ce genre de programme impliquerait toutes les couches industrielles et économiques de notre pays. Nous connaissons les capacités et les compétences de la France (et même de l'Europe) concernant l'aérospatiale et les industries de pointe (nucléaire, réseau ferroviaire...). La France, ainsi que notre continent tout entier est un vivier de création et d'innovation mal exploité. Et je reviens à ce que disais M. Guaino (Le Monde - 3/10/03), il ne s'agit pas de libérer nos énergies mais de les mobiliser, et je rajouterai de les organiser d'un point de vue politique.

La volonté politique devrait dépasser les clivages classiques qui embourbent les discussions concernant les décisions concernant l’espace. Des propositions politiques concrètes sont nécessaire et seront faites par un Homme qui se mettra au dessus du débat actuel. Une personne, certes courageuses, mais surtout emplies d'une volonté de faire mieux pour tous. Un Homme politique au service de sa cité. Les politiques spatiales actuelles menées ne sont en aucun cas aux services de l’Europe. Il n’y a pas de projets politiques les entourant. La NSS France a déjà proposé aux partis politiques d’adopter les 15 propositions sur 5 ans, ou tout du moins de les discuter avec nous. Bâtir un projet politique enthousiasmant est peut être la chose la plus difficile. Je vois tellement de grands partis politiques qui revendiquent toujours travailler sur leur programme pour les prochaines élections, que cela en devient désespérant. Une politique spatiale française et européenne ambitieuse pourrait être une composante fondamentale d’un programme politique permettant de lier l’Industrie, la R&D, la croissance et le retour à une économie réelle. Les gestionnaires de notre système ne sont ni visionnaires, ni responsables.

La responsabilité politique est corrélativement liée à un projet de société. l'Europe ou la Nation française doit se doter dans tous les cas, d’Hommes politiques qui élèveront leurs concitoyens à une degré de conscience politique suffisamment élevé pour que ceux ci comprennent la nécessité de bâtir l'Europe autour de projet fort comme un programme spatiale habité ambitieux et visionnaire. Le noeud du problème est politique et doit devenir une force qui réclame une vision cohérente, et forte au bénéfice de tous.

Nicolas Turcat

Sommaire
  • Conquête de l'espace et centrales solaires spatiales (partie 1) - Philippe Jamet.
 

Dans le précédent numéro de la lettre NSS France, nous avions attiré l'attention sur le fait que nombre des problèmes que connaît le monde actuel, et qui vont s'amplifier au cours des décennies à venir, ne peuvent pas trouver de solution dans le cadre d'une économie limitée à la Terre ou notre proche environnement qu'est l'orbite basse plus adéquate pour l'installation de laboratoires et de mini-usines ayant pour objectif les productions en microgravité. Parmi les nombreux objectifs justifiant la conquête de l'espace, celui de la fourniture d'énergie illimitée et à un coût acceptable apparaît comme le plus immédiat mais s'il ne faut pas se polariser dessus à l'excès en oubliant les autres justifications comme le fait Guy Pignolet (ex-CNES) sous prétexte que multiplier celles-ci multiplie aussi les oppositions. Avec tous les respects que nous devons à Guy Pignolet, partisan enthousiaste de la conquête de l'espace et dont les travaux de réflexion sur le long terme font autorité, nous pensons que la conquête de l'espace se fera si nous effectuons la démarche inverse en multipliant les justifications et en écrasant les argumentaires fallacieux et souvent ignares des opposants: Pour ce qui concerne les implications profondes de celle-ci, grande est l'ignorance au niveau des décideurs, et plus encore de l'opinion publique, et en dépit du fait que six équipages d'astronautes américains se soient posés sur la Lune et aient ramené sur Terre 382 kilos d'échantillons qui ont révélé les aspects prometteurs des ressources lunaires. La plupart des experts pensent que la crise mondiale de l'énergie commencera à se manifester vers les années 2025-2030 avec une crise aigus vers 2040-2050, date à laquelle les spécialistes en matière fusion thermonucléaire estiment qu'il sera possible de remplir les conditions du fameux "critère de Lawson" (bilan d'énergie largement positif) et de fournir à la demande des installations de centrales à fusion opératoires industriellement et commercialement dans les domaines du confinement magnétique (tokamaks) et du confinement inertiel (lasers). Le seul inconvénient à la fusion est qu'il faut dépenser au préalable beaucoup d'énergie pour obtenir ce bilan d'énergie positif et que, comme c'est le cas pour l'électronucléaire, il faut une infrastructure économique et industrielle préalable apte à accueillir et intégrer ces réacteurs et tout ce qui marche avec, du point de vue installations. Il est évident que nous n'irons pas construire une centrale à fusion au coeur du Sahara Mais il est une vérité évidente mise à nu par les prospectivistes spécialisés qui explique que certains se sont tournés vers d'autres voies que la fusion (hydrogène et solaire spatial) : il est nécessaire que la puissance publique oriente la politique spatiale vers des objectifs ambitieux, aujourd’hui absents. Au premier rang de ces objectifs, et pour assurer la poursuite d'une expansion économique continue de nos sociétés industrielles et le développement à long terme du Tiers-monde, il est nécessaire d'envisager une croissance économique exponentielle et donc de disposer d'une énergie illimitée et à bon marché. C'est à ces objectifs que tendent à répondre les nombreux projets de centrales solaires spatiales SPS (Solar Panel Satellites) visant à collecter l'énergie du Soleil par des générateurs photovoltaïques au moyen de grandes surfaces placées sur l'orbite géostationnaire 'à 35800 kilomètres de la Terre avant envoi de l'énergie celles-ci vers la surface terrestre par micro-ondes ou lasers. Historiquement c'est au pionnier russe de l'astronautique Constantin Tsiolkovski que revint le privilège d'avoir été le premier à avoir pensé à utiliser l'énergie solaire spatiale .Comme il l'écrivait dans son autobiographie en 1925: "Presque toute l'énergie du Soleil est inutilement gaspillée pour ce qui concerne l'humanité, la Terre ne recevant que 2 milliardièmes de ce que le Soleil émet. Qu'y a t-il de si étrange dans l'idée d'utiliser cette énergie ? Qu'y a t-il de si singulier dans la pensée de pénétrer l'espace infini entourant notre Terre ?" Les idées de Tsiolkovski s’essaimèrent chez un certain nombre d'ingénieurs soviétiques et, en 1928, l'ingénieur Valentin Glouchko (qui allait plus tard devenir constructeur principal de fusées et académicien) proposa un projet d’héliocentrale spatiale ayant pour objectif d'alimenter en orbite par micro-ondes des vaisseaux cosmiques pilotés. Soixante-trois ans plus tard, lors du colloque SPS 91, qui se tint à Gif-sur-Yvette, L'Occident découvrait avec surprise combien les travaux russes étaient avancés dans ce domaine (ingénieurs Sarkisian et Bedukadze). Toutefois dans la littérature officielle sur les centrales solaires spatiales, c'est à un ingénieur américain de la société américaine Arthur D.Little, Peter Glaser, que revient l'honneur d'avoir proposé le premier projet structuré et charpenté dans un numéro paru en 1968 de la revue Science et dont l'article désormais célèbre était intitulé: "Power from Space : its future" .Spécialiste des générateurs photovoltaïques, Peter Glaser est devenu la référence mondiale en matière solaire spatial et présenta ses travaux à la NASA et au DOE (Département de l'énergie) puis devant les commissions du Congrès pour les programmes spatiaux et l'énergie en 1972. En 1973 il déposa un brevet. A l'époque où Glaser fit connaître ses premiers travaux, le secteur spatial américain se trouvait dans la phase terminale du programme Apollo et il y avait un surcroît de personnel qualifié à la NASA qui fut reversé dans les études de faisabilités techniques et économiques des centrales solaires SPS. Ces travaux firent l'objet d'une évaluation préliminaire par la NASA, le DOE, 1'ETA (Bureau de l'évaluation des techniques du Congrès) et le National Research Council de l'Académie des Sciences de 1968 à 1972. Selon Lucien Deschamps (EDF et secrétaire général du club Prospective 2100) : "Aucun verrou rédhibitoire n'ayant été identifié, un premier programme d'investigation fut décidé en 1974 ainsi que l'étude de faisabilité d'une centrale de 5 GW de puissance utile au sol "

- Les caractéristiques d'une centrale solaire spatiale

Selon Peter Glaser et Lucien Deschamps, une centrale solaire spatiale comprend :

1) un vecteur en orbite qui est un satellite placé sur l'orbite géostationnaire (35800 kilomètres) qui se comporte comme une structure portant un générateur photovoltaïque chargé de convertir la lumière solaire en courant continu. Rappelons qu'au niveau de l'orbite terrestre la densité de puissance transmise par l'énergie solaire se situe entre 1350 et 1395 watts par mètre carré et que l'énorme quantité de rayonnement solaire que reçoit la Terre chaque jour correspond, une fois convertie en énergie, en 1 an à 1,5 milliard de milliards de kWh soit 18 à 19000 fois la consommation électrique totale du globe terrestre.

2) un système de transmission d'énergie hyperfréquences ou lasers composé de trois éléments :

- l'ensemble d’émission, porté par le satellite, comprenant des émetteurs et un réseau d'antennes réglé de telle manière que le faisceau micro-ondes soit dirigé vers l'antenne de réception.
- une antenne de réception à Terre appelée "rectenna" qui convertit l'énergie reçue en courant continu grâce à des doublets demi-onde et des diodes Shottky.
- Un système de conversion d'énergie qui transforme ce courant continu en courant alternatif et assure son injection dans le réseau.

Sur le plan théorique le système SPS apparaît prometteur: Ainsi une étude réalisée par les ingénieurs de la société Grumman en 1975 tendait à démontrer qu'une seule station SPS d'une puissance unitaire de 5000 MW (pour une durée de vie de 30 ans) •pourrait fournir chaque jour une quantité d'énergie équivalente à celle de 20000 barils de pétrole. En attendant la fusion, et en complément de l'électronucléaire qui n'éjecte pas de gaz à effet de serre (selon 1'expert du CEA Gilbert Naudet, 1'électronucléaire permet actuellement d'éviter l'émission annuelle de 1,8 milliard de tonnes de C02), le solaire spatial semble promis à un certain avenir: il ne faut pas oublier que sur les 6 milliards d'habitants de la planète (qui seront 12 en 2100), 2 milliards n'ont toujours pas accès à 1’électricité. La voie SPS, une fois fiabilisée, pourrait nous éviter les énormes investissements en énergies fossiles visant à assurer le développaient du Tiers-monde du fait que ces centrales pourraient écraser les prix du kilowattheure grâce à leur énorme surface collectrice. Toutefois si le principe est valable, la réalisation de ces immenses centrales pose problème pour ce qui concerne le transport des éléments en orbite géostationnaire et explique pourquoi certains chercheurs se sont orientés vers des solutions lunaires du fait que la Lune regorge de titane, de fer, d'aluminium, de silicium, d'oxygène et également du fait qu'en termes d'énergie, à cause de la faible gravité lunaire, il faut dépenser 22 fois moins de puissance propulsive pour partir la surface lunaire jusqu'à l'orbite géostationnaire qu'en partant de la surface terrestre pour la même orbite . Nous allons donner un exemple de l'impasse où nous mènerait la solution consistante à installer une centrale solaire spatiale à partir d’éléments construits sur la Terre et lancée en orbite GE0 d'un spaceport comme Kourou ou Cape Canaveral : ainsi, en Février 1978, la société Boeing proposa aux conseillers scientifiques du président Jimmy Carter un projet de centrales solaires géantes qui, dès la fin du siècle, auraient pu fournir aux USA la moitié de leur énergie grâce à la conversion du rayonnement solaire en électricité transférée vers des antennes au sol sous forme de micro-ondes. Le projet de Boeing était vraiment colossal et de notre point de vue irréaliste: il consistait en première étape en un satellite d'une trentaine de kilomètres de long sur 6 kilomètres de large pour un poids de 110000 tonnes qui, à l'aide de 14 milliards de cellules solaires, assurerait la transformation de l'énergie solaire en électricité puis l'expédierait sous forme de micro-ondes vers un système de captage constitué d'antennes géantes. L'opération suivante aurait consiste à reconvertir ces micro-ondes en électricité que l'on enverrait sur le réseau de distribution vers les usagers. Selon les estimations de Boeing, 500 hommes auraient été nécessaires pour assembler ce satellite dont une partie des bénéfices auraient servi pour démarrer de nouveaux chantiers de centrales solaires dans 1'espace .Pour le transport des spécialistes il était, dans ce projet, fait appel à deux types de navettes : une assurant le transport en orbite basse et une seconde, pour l'orbite géostationnaire, assemblée en orbite basse après que ses éléments aient été placés sur cette orbite par des lanceurs lourds. Pour ce qui concernait les éléments à assembler pour la centrale, une fois ceux-ci arrivés en orbite basse, ils auraient étés transférés vers l'orbite GEO par des cargos à propulsion chimique ou ionique. A l'époque Boeing espérait obtenir le soutien du politique et pensait que la première de ces centrales pourrait être opérationnelle dès 1995 avec une longévité de l'ordre d'un siècle.

La seule réserve émise par les experts consistait précisément dans le transport : selon nos calculs, et sans tenir compte de l'acheminement incompressible de plusieurs centaines d'astronautes et de la construction des indispensables habitats, il aurait fallu, pour la construction d'une seule centrale, un millier de vols de lanceurs lourds de la classe 150-200 tonnes en orbite basse plus 2750 vols de cargo interorbital. De toute évidence la façon d'opérer rendait le projet pharaonique ... et montrait que la réalisation de tels projets impliquait de recourir aux matériaux lunaires et au "passage" par la Lune ; (à suivre …)

Philippe Jamet –Journaliste indépendant.


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  • Mission Cervantès: une réussite technologique et éducative - Philippe Jamet.
 
 

La NSS France tenait à faire honneur à une mission européenne vers l’ISS, première depuis la création de l’association. La mission Cervantès est d’autant plus importante qu’elle comporte de très intéressants aspects tournés cers l’éducation et la Science. Le manque cruel de communication de la part de l’ESA dans les médias français envers cette mission, nous oblige donc à essayer de mieux comprendre les enjeux et les intérêts du vol de Pedro Duque vers l’ISS fin octobre de cette année. Philippe Jamet, journaliste indépendant, nous explique un peu mieux la mission de l’astronaute espagnol.


Issue d'une longue tradition de coopération entre l' ESA et l'agence spatiale russe Rosaviakosmos, la mission Cervantès été financée par le ministère de la science et de la technologie espagnol par le biais du centre de développement technologique et industriel CDTI qui a assuré une fructueuse collaboration avec des établissements d'enseignement qui ont été associés à la mission, ce qui est pratiquement une première en Europe. Véhicule de base de cette mission vers la station spatiale ISS, la capsule Soyouz TMA-3 a été lancée le 18 Octobre 2003, au moyen d'un lanceur du même nom, à partir du cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. Pedro Duque, astronaute espagnol de l’ESA depuis 1992, a pris place à bord de cette capsule aux côtés des membres de l'équipage Expedition 8 de 1'ISS, à savoir 1'Américain Michael Foale et le Russe Alexandre Kaleri. Pedro Duque est le sixième astronaute européen et le premier espagnol à se rendre à bord de 1'ISS.Cette mission a été pour lui la seconde à laquelle il a participé dans l'espace puisqu'il avait déjà embarqué à bord de la navette Discovery (mission STS-95 du 29 Octobre au 7 Novembre 1998) en tant que spécialiste mission pour un programme de recherches sur le Soleil. Pedro Duque, avec les deux membres relevés de l'équipage Expedition 7 (Iouri Malentchenko et Edward Lu) arrivés sur ISS le 28 Avril 2003, est revenu sur Terre avec le Soyouz TMA-2 le 28 octobre 2003: Il faut noter que ce Soyouz était amarré à ISS depuis le mois d'Avril: on sait que les contrainte de sécurité imposent un éternel va et vient de Soyouz tous les 6 mois pour des raisons de sécurité:à chaque nouvelle mission Soyouz , le vaisseau spatial arrivant à ISS reste amarré à celle-ci en tant que véhicule de retour ou de sauvetage, tandis que celui qui 1'a précédé assure le retour, après relève, des équipages ayant occupé la station .Le rôle du Soyouz est devenu vital pour la desserte de 1'ISS car, depuis le dramatique accident de la navette Columbia, il est le seul véhicule à pouvoir assurer ces fonctions.

Au départ il était prévu de lancer cette mission en Avril 2003, mais le drame de Columbia a eu pour conséquence que les partenaires d'ISS ont demandé à 1' ESA de décaler son vol dans le temps (Octobre 2003) pour permettre la relève, toujours en Avril 2003, de l'équipage qui occupait la station et qui aurait du revenir sur Terre avec une navette américaine. Pour ce qui concerne Cervantès, il s'agissait du troisième vol de la nouvelle capsule Soyouz TM (agrandie par rapport aux anciennes capsules) et qui avait effectué son vol inaugural avec l'astronaute belge de 1' ESA Frank De Winne en Octobre 2002.

Pedro Duque, parallèlement au rôle de commandant du Soyouz d'Alexander Kaleri, a exercé sur la mission Cervantès les fonctions d'ingénieur de bord avec un rôle actif pour ce qui concerne le pilotage du vaisseau et l'amarrage à la station qui fut suivi en direct à partir des divers établissements de 1' ESA non seulement par des journalistes et des spécialistes des techniques spatiales mais aussi par des lycéens et des écoliers que l'agence avait invité en raison de la part importante éducative du programme mené sur ISS par l'astronaute européen.

Pour, préparer ce séjour de 8 jours de Pedro Duque sur la station, une partie des appareils d'expérimentation utilisés lors de la mission Cervantès ont été apportés par des cargos Progress en continuation ce qui avait été entrepris lors de la mission Odissea : ces vaisseaux de transport furent successivement Progress M-47 lancé le 2 Février 2003, Progress M1-10 lancé le 8 Juin 2003 et Progress M-48 lancé en Août 2003. Progress M47 apporta notamment sur ISS 1'équipement MSG (Microgravity Science Glovebox) surnommé "boite à gants" mais qui est en fait du matériel sophistiqué et servi-robotisé de manipulation scientifique. Du fait d'une certaine continuité entre les missions on ne s'étonnera pas de retrouver sur Cervantès quelques expériences qui avaient été embarquées sur Odissea: c'est le cas de CARDIOCOG qui est un ensemble d'études neurosensorielles qui étudie les effets de la microgravité sur les systèmes vasculaires et respiratoires avec les expériences additives RYTHM (focalisé sur le système cardiovasculaire) et STRESS qui étudie les réponses physiologiques au stress qui agit sur les performances cognitives). Sur Cervantès on retrouve également l'expérience AORTA à laquelle s'était livré Frank de Winne sur Odissea et qui est une expérience qui étudie l'intolérance électrostatique qui apparaît parfois au bout d'une dizaine de minutes du fait que le système cardiovasculaire doit s'adapter à l'impesanteur ; 0n retrouve également sur Cervantès l'expérience NEUROCOG, elle aussi sur Odissea, qui étudie les possibilités selon lesquelles l'impesanteur puisse affecter le travail du cerveau et la perception spatiale en l'absence de référence gravitationnelle: on s'est aperçu que ce phénomène modifie l'accomplissement des tâches cognitives. PROMISS, expérience de science des matériaux qui existait déjà sur 0dissea, consiste en deux systèmes d’expérimentation de cristallisation des protéines. Autre expérience reprise d'0dissea, NANOSLAB étudie la formation de minéraux de type zéolithe en microgravité : sur Terre ces zéolithes ont diverses utilisations dans le domaine de la taille pour objets de collection et sont très recherchées par les amateurs de géologie.

Progress M-1 apporta à la station ISS une unité électronique de rechange pour remplacer celle qui avait été défaillante, lors de la mission Odissea, pour NANOSLAB. Le cargo russe amena également 1'équipement support pour l'expérience PROMISS-2, les kits pour les expériences de sciences de l'éducation APIS, THEBAS et VIDEO-2 une expérience destinée à être montée sur un rack du module américain US Destiny, une caméra 3D pour obtenir des images stéréoscopiques de la station.

Quant au Progress-M48, il délivra en Août 2003 l'équipement WINOGRAD, une expérience conçue par des étudiants pour observer la croissance de bactéries en impesanteur: l'équipement, en raison de problèmes spécifiques concernant la survie de ces bactéries, fut seulement installé sur le Progress quelques heures avant le départ. L'expérience fut ensuite activée par les astronautes Ed Lu et Malenchenko lors du transfert vers l' ISS. A cette occasion fut activée l'unité d'expérimentations biologiques dans l'incubateur Aquarius et qui avait été placé en orbite depuis la mission de Frank De Winne en Octobre 2002. D'autres équipements pour les packs d’expériences NEUROCOG, PROMISS-2, BMI (Blood-pressure Measurement) et SYMPATHO furent également amenés par Progress M-48. Pour ce qui concerne le Soyouz TMA-3 qui a amené Pedro Duque à la station, 85 kilos de charges utiles et d'expérimentations furent apportés à ISS: containers biologiques pour les expériences AGEING, GENE, ROOT et MESSAGE (expérience sur le métabolisme des bactéries), un container de matériel pour la seconde expérience de science des matériaux PROMISS, une unité d'expérience NANOSLAB, une expérience mise au point par des étudiants (CHONDRO) pour étudier la croissance et la reformation du cartilage dans 1'espace. Pedro Duque a été d'autre part impliqué sur d'autres expériences comme l'expérience médicale MEDOPS, l'expérience de radio amateur ARISS, conçue par des étudiants, des travaux photographiques et vidéo et des activités de relations publiques qui font de cette mission Espagne-Russie-ESA une des plus médiatisées jamais entreprise par les Européens. Des données médicales ont été collectées avant et après le vol de façon à effectuer des comparaisons avec ce qui avait été relevé lors d'autres vols de l'agence spatiale européenne. Le Soyouz TMA-3 a également apporté des équipements pour l'expérience CHROMOSOMES visant à apporter des connaissances sur l'impact génétique des radiations ionisantes sur le sang des astronautes, des équipements pour l'expérience AORTA. Pedro Duque a effectué la majorité de ses expériences dans le segment russe de la station mais les expériences NANOSLAB, MSG, CREW RESTRAINT et MEDOPS ont été effectués sur le module américain Destiny avec l'agrément de la NASA. A toutes ces expérimentations, il faut ajouter une série d'expériences d'observation de la Terre (Lightning and Sprite Observations) qui ont permis des investigations sur les régions à séismes et les régions à formation des tempêtes.

Le responsable mission de l’ESA Aldo Petrivelli a déclaré:" Le programme de recherche a été un succès complet et la totalité des 22 expériences entreprises ont été menées à bien. Il y avait parmi celles-ci deux expériences en sciences physiques pour lesquelles on a utilisé la boîte à gants fabriquée en Europe pour la conduite de recherches en microgravité à bord de la station spatiale internationale, 4 expériences en biologie, 4 expériences en physiologie humaine et un certain nombre de démonstrations technologiques et d'expériences à vocation éducative." A propos de ces expériences à vocation éducative et des implications de cette mission, Jörg Feustel-Büechl, directeur des vols habités et de la microgravité à 1' ESA, a déclaré : " Nous sommes heureux que les missions conduites par des astronautes de 1' ESA profitent non seulement à l'ensemble de la communauté scientifique mais également aux jeunes qui seront les chercheurs de demain. La mission Cervantès renforce en outre les compétences dont 1'ESA aura besoin pour conduire de futures missions à court ou à long terme et pour exploiter et utiliser le laboratoire européen Columbus lorsqu'il sera lancé vers 1'ISS’’.

Philippe Jamet - Journaliste indépendant.

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  • L'Europe et la Chirurgie spatiale.
 
 

Une équipe médico-chirugicale française a démontré avec succès la faisabilité d'opérations de microchirurgie en impesanteur lors de la campagne de vols paraboliques de l'ESA de la mi-octobre.

Cette première mondiale ouvre la voie aux soins chirurgicaux lors de missions spatiales de longues durées, comme des vols habités interplanétaires.
"La chirurgie en impesanteur est impossible à réaliser." Il n'en fallait pas plus que cette assertion péremptoire, assénée par un journaliste voici plusieurs années, pour convaincre les Pr. Dominique Martin et Pierre Vaida, du CHU de Bordeaux, avec le Dr. Laurent de Conynck, anesthésiste et Pierre Téchoueyres, ingénieur à l'Université Bordeaux 2, de tenter l'expérience. Après plus de trois années de préparation dont une année pour mettre au point le matériel, ils ont ainsi embarqué avec leur équipe à bord de l'Airbus 'Zéro G' de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) et du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES), affrété par la société Novespace, pour la 35ème campagne de vols paraboliques de l'ESA des 14, 15 et 16 octobre derniers.
Les interventions, effectuées sur quatre rats, comprenaient la section puis la suture du nerf sciatique et de l'artère caudale. Toutes ces opérations se sont déroulées parfaitement et les rats se sont parfaitement remis. "Aucun d'eux ne traîne la patte",confirme le Dr. de Conynck.


"L'artère de la queue du rat est un vaisseau sanguin d'un diamètre d'un demi-millimètre, c'est l'équivalent de l'artère de la dernière phalange d'un doigt humain, à la racine de l'ongle",explique le Pr. Martin. Ces artères sont les plus petites sur lesquelles on intervienne dans le cadre de la chirurgie plastique ou reconstructive, lorsqu'il s'agit, par exemple, de recoudre un doigt sectionné. A bord de l'Airbus 'Zero G', le Pr. Martin a réussi à effectuer sept points de suture autour de ce vaisseau guère plus gros qu'une aiguille, démontrant parfaitement la faisabilité de telles opérations en milieu spatial.
"Opérer en vol parabolique est en réalité plus complexe qu'en vol orbital", explique le Dr. Didier Schmitt, Chef de l'Unité Sciences de la vie à la Direction des Vols habités de l'ESA. "Le cerveau n'a pas le temps de s'habituer à l'impesanteur pour adapter les réflexes moteurs au fait que vous n'avez pas à compenser le poids de votre bras pour le bouger. Les gestes en vol parabolique, comme durant les premières heures d'un vol spatial, sont peu précis, sans oublier qu'entre deux phases de microgravité il y a des phases à 1,8 g !"
En s'attaquant à l'opération la plus minutieuse dans des conditions pires que celle du vol spatial, les Pr. Martin, Vaida et de Coninck ont donc amplement démontré que la chirurgie dans l'espace était du domaine du possible dans des conditions opérationnelles.


Un matériel adapté à la tâche

Ces interventions, qui ont duré chacune de l'ordre de 5 minutes, réparties sur plusieurs paraboles successives d'une vingtaine de secondes, ont nécessité le développement d'un mini bloc opératoire adapté aux contraintes non seulement de l'impesanteur mais aussi du vol parabolique, avec ses 'ressources' chaque fois que l'Airbus 'Zero G' entame une parabole ou en sort !
Pour cela, les membres de l'équipe étaient sanglés à leur poste et des outils spéciaux avaient été développés, chacun pourvu d'une pastille magnétique afin de pouvoir être fixé à la table d'opération, elle-même métallique. Du scotch double-face et des élastiques ont été également utilisés pour maintenir les compresses et les bobines de fil à leur place.
Les opérations elles-mêmes se sont déroulées dans une petite tente transparente pourvue de manchons pour les mains des intervenants. Cette tente fournissait l'enceinte stérile pour l'intervention, mais permettait aussi de protéger le reste de la cabine de l'Airbus au cas où les choses n'auraient pas tourné comme prévu ou si un instrument chirurgical était parti à la dérive.
"Normalement, en impesanteur, en l'absence de mouvement parasite, les fluides corporels restent en place", note Didier Schmitt. Dans le cas de l'incision d'une veine, une goutte se forme et grossit car le sang a une forte tension de surface qui lui évite de partir en gouttelettes. L'incision d'une artère est toutefois bien plus problématique car l'hémorragie se fait sous pression. L'expérience en vol parabolique s'est toutefois déroulée sans accroc.


Un robot-chirurgien sur Mars

Ce succès représente une première mondiale car jusqu'à présent seuls des chercheurs américains s'étaient contentés de simuler des sutures de peau et une hémorragie sur un bras artificiel lors de vols paraboliques. Aucune intervention n'a encore jamais été pratiquée dans l'espace.
Depuis 42 ans que les hommes vont dans l'espace, ils ne disposent en pratique que de l'équivalent de trousses de premier secours pour traiter les urgences médicales. Les vols en orbite terrestre basse permettent d'envisager un rapatriement sanitaire d'urgence en quelques heures si le besoin s'en fait sentir – le cas s'est déjà produit à bord de Mir – mais cela deviendra impossible lorsqu'il s'agira d'effectuer des vols à plus grande distance, vers la Lune ou vers Mars, d'où l'intérêt de démontrer la faisabilité de ce type d'intervention in-situ.
Sur un plan technique et opérationnel, cette opération est d'un grand intérêt pour l'ESA qui étudie, dans le cadre de son programme Aurora, l'ensemble des technologies qui pourraient rendre possible l'envoi d'astronautes vers la Planète Rouge d'ici 25 à 30 ans. Des expériences de télémédecine ont déjà été menées pour valider des concepts de télédiagnostic avec, par exemple, la réalisation d'échographies à distance par un appareillage robotique.


"Si on se projette dans 25 ans, il est tout à fait envisageable d'utiliser l'imagerie médicale à bord d'un vaisseau en route vers Mars pour modéliser en 3D la zone à opérer", explique Didier Schmitt. "Aujourd'hui, on utilise déjà ce genre d'imagerie sur Terre pour répéter des opérations à l'aide de robots." Dans l'avenir, cela permettra d'effectuer un diagnostic à distance sur l'astronaute blessé ou malade et de répéter l'opération sur Terre afin de programmer le robot-chirurgien de bord qui pourra ensuite pratiquer son intervention de manière autonome sous la surveillance d'un astronaute médecin, formé aux techniques anesthésiques, en particulier locales et régionales, prêt à reprendre la main en cas de problème. "Avec plus de 40 minutes de délai du signal aller-retour entre la Terre et Mars, une opération de téléchirurgie depuis la Terre est inconcevable."
En vue de telles applications futures de téléscience et télémédecine, l'ESA développe également des moyens de prise de vue et de visualisation stéréoscopique dans son Centre d'information des utilisateurs de la Station spatiale internationale à Noordwijk (Pays-Bas). Ces moyens regroupent la réalité virtuelle, la télévision et la photographie en 3D.
Une expérience dans ce sens a été menée lors de la mission Cervantes (du 18 au 28 octobre), qui a permis à l'astronaute espagnol de l'ESA Pedro Duque de passer une semaine à bord de l'ISS. Pedro Duque avait emporté un appareil photographique 3D pour prendre des vues stéréoscopiques de l'intérieur de la station afin d'évaluer l'utilité d'un tel outil. Par ailleurs, un appareil du même type, ainsi qu'une caméra vidéo 3D du Centre d'information des utilisateurs de l'ISS, avaient d'ailleurs été embarqués à bord de l'Airbus 'Zero G' lors de la campagne d'octobre pour photographier et filmer les expériences en vol parabolique en 3D.

Texte ESA.

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  • Les chinois et le vol spatial habité
 
 

Mercredi 15 Octobre 2003, la République Populaire de Chine réussissait le pari du vol spatial habité en lançant l'astronaute Yang Liwei à bord de sa capsule Shenzhou 5. Après 10 ans de croissance et de développements technologiques sans faille, le vol habité est un symbole conséquent pour le peuple chinois. La National Space Society France tient, ici, à présenter ses félicitations au peuple chinois pour cet exploit courageux. Cependant, au-delà de la symbolique évidente, à prendre en compte comme signification fondamentale, il s'agit de voir les implications et les conséquences d'une telle action.


Nous l'avons déjà fait remarquer, ici-même, l'Europe aurai pu faire de même. Mais, il ne s'agit pas de refaire l'histoire mais plutôt d'essayer d'en tirer des leçons pour nos prétendues ambitions. Outre que la Chine soit gouvernée par un régime autoritaire, notons avant tout, la volonté politique forte en amont du projet 921. L'Homme dans l'espace pour le gouvernement chinois est une affaire de politique intérieure et de représentation extérieur évidente. Depuis plus de 10 ans, le gouvernement chinois soutient une politique spatiale habitée en comprenant les dimensions politiques, diplomatiques, économiques, industrielles et scientifiques de tels programmes. Toutes les déclarations faites par ces gouvernements vont dans un sens positif pour le développement de l'homme dans l'espace. Le tout sera de concrétiser l'essai. Les récentes communications des responsables du projet de vol habité nous encourage dans ce sens. En effet un responsable du projet Wang Yongzhi pour le journal la Chine Nouvelle le mardi 4 novembre 2003 confirmait qu’une capsule Shenzhou 6 s’envolerai d’ici 2 ans avec deux taikonautes à son bord pour une mission de 24 heures. Nous ne pouvons que nous associer à la déclaration de Brian Chase (NSS Executive Director) qui demande à ce que les autres nations s'inspirent de l'exemple chinois afin de pousser plus loin le défi.


Pourtant derrière l'aspect politique du vol du Shenzhou 5, se pose un problème économique majeur pour l'Europe. Est-elle capable, réellement, de relever le défi de l'Homme dans l'espace ? Encore pire : L'Europe spatiale comprend-elle les implications économiques et industrielles d'un tel projet ? En réalité, corrélativement au vol spatial habité de la Chine se pose le problème de la R&D en Europe et de son développement particulièrement dans le domaine spatial. Même si la Chine n'a pas fait un bond énorme en utilisant une configuration classique (''à la russe''), il n'en reste pas moins que l'effort de R&D effectué, donc industriel, par conséquent économique, sera bénéfique, à sa mesure pour un pays qui semble avoir compris qu'investir dans la recherche est une composante fondamentale de sa croissance (il suffit de lire les articles économiques à propos de la Chine). L'Europe, à ce sujet commence à peine à se réveiller....


Nous nous voulons pourtant optimiste pour l'Europe spatiale et nous continuerons à lutter pour qu'un programme habité ambitieux soit adopté sur notre continent.


Encore félicitations au peuple chinois. Europe, réveilles toi !

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  • Redonner un sens aux termes : ''Politique Spatiale Ambitieuse''
 
 

Un des reproches très souvent adressé à la NASA est de ne pas avoir de vision pour un grand programme spatial, le public s’ennuierait à regarder tourner au dessus de sa tête le « morne manège orbital », les navettes seraient trop vieilles, la station ne sert à rien etc… Quand l’Agence spatiale va-t-elle enfin se décider à nous offrir quelque chose d’ambitieux, qui ferait rêver !?

Mais sait-on que depuis 1969 la NASA a présenté pas moins d’une dizaine de propositions. Les premières furent issues du fameux rapport « America’s next decades in Space, a Report for the Space Task Group » de septembre 1969, elles continuèrent entre autres avec celles de la « Commission Paine » en 1986, le rapport Ride, l’Initiative d’Exploration Spatiale du President Bush (père), ou « L’exploration humaine de Mars : la mission référence » en 1997 ; pour terminer en 2001 à Houston au Congrès d’Astronautique avec N.E.X.T. : une stratégie d’exploration utilisant les points de Lagrange. Et nous ne comptons pas les rapports associés, traitant aussi du vol humain comme « le Rapport Augustine » en 1990 ou ceux de l’Académie des Sciences, avec par exemple « l’exploration humaine de l’espace » en 1997. Les idées et les stratégies ne manquent pas : un coup d’œil aux diverses publications de l’Agence américaine dans les quarante dernières années – hélas pour les français, il va devenir difficile de consulter ces documents depuis la fermeture de l’antenne du CEDOCAR à Paris – le confirme ; de même les études réalisées par des sociétés comme la National Space Society avec sa revue Ad Astra ou la Mars Society.

En dépit de tout ce travail aucune des Assemblées, pas un des Présidents, aux Etats-Unis, ne se sont engagés sur cette question. Le Président Reagan débuta bien le programme de station spatiale en 1983, mais son soutien et le type d’économie mis en place n’étaient pas à la hauteur, la SEI du Président Bush tomba rapidement devant les feux croisés des média et des élus du Congrès. De temps à autre certains politiciens initient une démarche comme le Sénateur Républicain Nick Lampson avec son « Space Exploration Act » mais l’effet reste négligeable : Il doit être constaté que le Politique et l’Economie ne sont pas concernés par le vol spatial humain, l’un est dans l’incapacité intellectuelle d’imaginer un avenir, en dehors d’une vague gestion d’une société entropique, l’autre est aveuglé par une théorie qui le pousse, à l’intérieur de ce système exsangue, à accaparer toujours plus, il en oublie par cupidité à agrandir et à renouveler le « Marché » !

L’argent, point crucial, existe, rassurez-vous il ne s’est pas évanoui, simplement il n’est pas à l’endroit espéré, les appétits de profits rapides, ou les aventures sans lendemain l’absorbent. Le Congrès peut engloutir 87 milliards de dollars de « rallonge » dans le gouffre irakien, mais le budget de l’Agence spatiale américaine de 15 milliards sera disséqué, discuté et critiqué avec minutie, la moindre augmentation un est combat sans fin. Les média ne savent que conspuer la station, et avancent un montant de 100 milliards de dollars pour cette ISS, mais il ne diront jamais que ce chiffre s’applique à un projet, qui par l’incompétence des Politiques, s’étale sur 30 ans et ils ne vous enthousiasmeront jamais pour cette infrastructure, impérative avant d’aller plus loin, et qui vous revient approximativement à 4 dollars ou Euro par an ! (par individu, par année et par pays participant). Le Congrès refusa la SEI à cause de son coût : 450 milliards de dollars étalés sur 30 ans pour mettre l’homme sur Mars et beaucoup de média de tirer à boulets rouges sur cette Agence qui osait présenter un projet aussi délirant, mais aujourd’hui, 14 ans plus tard, cette somme représente le budget annuel de l’armée américaine !

En continuant dans la voie actuelle, les navettes, noyées sous des monceaux de procédures et de contraintes voleront de moins en moins, la station suivra le même calvaire. Déjà l’Administrateur O’Keefe prétend que finalement cette dernière peut-être opérationnelle avec un équipage de deux personnes ! Que reste-t-il avec cette dernière option de l’unique justification scientifique où fut réduite cette infrastructure avec le projet de Clinton en 1993 ? Que reste-t-il des espoirs européens et japonais ? L’OSP viendra, peut-être en 2008, ou les Russes vendront des Soyouz aux américains et aux européens et cahin-caha le bricolage continuera son petit bonhomme de chemin.

Certains parlent de déroute, de rêves inachevés, de présence permanente sur la Lune, de grand saut vers Mars, dans des livres très médiatiques, mais tirent sur le lampiste en ne définissant aucune stratégie hormis des critiques envers ces navettes qu’ils enverraient à la ferraille ou cette station « à 100 milliards de dollars » qui ne sert à rien. Pourquoi, comment, crée-t-on une base permanente sur la Lune, avec quelle logistique ? Aucune réponse concrète, alors que les doutes sur la nécessité de l’homme dans l’espace s’amplifient et que l’on est incapable d’entretenir un parc de quatre navettes et une petite infrastructure en orbite basse ! Précisons ici que ce propos ne vise pas la « Mars Society » qui, par contre, présente une stratégie cohérente de développement d’un ensemble d’activités sur Mars. De même, si nous nous tournons vers la Lune, les projets du docteur Koelle de l’université technique de Berlin s’imposent. En effet, ces projets de Robert Zubrin, ou d’Hermann Koelle, et certaines propositions de la NASA (généralement avant l’ère Goldin) envisagent des concepts plus élargis que la simple motivation de l’Exploration ou de la Science. L’objectif supérieur et vital demeurant l’extension des activités de l’homme dans le Système Solaire : la « Spacefaring Civilization », cela est réalisable sans ruiner la planète, les moyens scientifiques, techniques et financiers existent.

Personnellement l’auteur de ces lignes pense que si une destination est prioritaire, le sens est secondaire : après « Mars Direct » il faudra de toute façon utiliser la Lune, ou après la « Moon First », Mars suivra. Par contre l’objectif d’une « Spacefaring Civilization », auquel tous les pays doivent participer et seul garant d’un avenir, exige avant tout, un moyen de mise en orbite basse efficace et opérationnel et là toutes les options n’aboutissent pas aux mêmes résultats. Visiblement la navette ne correspond plus à ces critères, tout d’abord à cause de choix technologiques imposés par une pression politico-financière au début des années 1970, puis de sa non-évolution ou non-modernisation (n’y a t’il pas un paradoxe dans le fait qu’un B.52 construit vers 1955 soit toujours opérationnel à la grande satisfaction de l’Air Force, alors qu’une navette née entre 1973 et 1981 soit déclarée vieille !), enfin d’une utilisation qui n’a jamais correspondu à ce qu’entraînait le concept même de navette. La soudaine préférence pour une « Europe spatiale forte » de « Soyouz à Kourou » avec une arrière-pensée ne marchera pas non plus, cette solution est typique de la « nouvelle économie », elle consiste à essayer d’acquérir à des coûts espérés les plus bas une capacité pour un motif superficiel, celui de « mettre des européens dans l’espace », cela n’apportera rien à l’Europe ; aurait-on eu l’idée, en 1973, de mettre l’Atlas à Kourou pour participer aux marché des télécoms ? Entendons nous bien, il ne s’agit pas de critiquer, de casser, de décourager ou de brouiller les cartes de qui que ce soit, mais nous soutenons un objectif rationnel qui implique globalement toutes les activités humaines, actuellement stagnantes ou en déclin. Maintenant ou demain, la « Spacefaring Civilization » est la seule hypothèse optimiste pour cette planète autorisant une renaissance de l’ensemble. Les autres alternatives sont entropiques pour l’Humanité, alors en fonction de cette proposition nous affirmons des choix et exprimons nos doutes.

Aurora demande 900 millions d’Euro en 2005 pour survivre, il faut les lui trouver, et même plus, car ce programme ne doit pas avoir qu’une bouffée d’oxygène il doit décoller. Voilà un projet, avec toutes ces ambitions et l’enthousiasme qu’il serait susceptible de lever, réalisé par nos diverses industries, capable de créer une Europe forte, et pas seulement dans le domaine spatial. Par contre lorsque d’un côté nous lisons le Rapport Bodrato du Comité sur l’Industrie, le Commerce Extérieur et l’Energie du Parlement Européen où il est écrit que la politique spatiale européenne doit être soutenue par les ressources nécessaires issues des demandes gouvernementales pour les Services, de la Recherche, des programmes de l’ESA et par le Marché ; et que par ailleurs, dans un entretien dans « Le Monde » du 30 octobre, Erkki Liikanen, Commissaire Européen chargé des Entreprises affirme : « Les Services ne sont pas en mesure de tirer l’économie » ; lorsque l’on connaît les aléas du financement de la Recherche ou de l’ESA, nous en sommes en droit de nous exprimer sur la volonté, la cohérence, et l’efficacité de la Politique Spatiale Européenne. Enfin si Aurora doit être soutenu et amplifié, que dire du reste qui ne sont que des « Applications » que l’Europe devrait avoir entrepris et terminé depuis longtemps, et ce ne sont pas ces dernières, ainsi que l’espace militaire réduit à l’observation et la communication, capacités somme toutes banales, qui rendront l’Europe forte.

Une capacité de mettre des hommes en orbite basse européenne opérationnelle et efficace, s’ajoutant à un programme Aurora, accéléré, dynamisé, financé, élevé au delà de sa mission d’exploration, transformé en une « Initiative Spatiale Européenne », véritable projet industriel, redonnerait à ce continent ce qu’il a perdu il y a 90 ans !


Ici comme aux Etats-Unis, rien ne remplacera la Vision Politique qui mobilise et anime les variantes culturelles, économiques, scientifiques, industrielles d’un pays ou d’un continent pour un objectif ou un défi permettant à tous et à chacun d’y trouver un intérêt. Le Marché et le Privé ne peuvent faire cela seuls, ce n’est pas leur rôle, ils n’en ont pas les moyens. Bien sûr il y aura sûrement un marché du tourisme spatial, comme maintenant il y a un marché juteux de l’aérien, mais pour ce dernier cela ne se résume pas à l’histoire du Boeing 747 et à la saga Airbus, il y a aussi les investissements massifs des Etats, ne serait-ce qu’au cours des deux Guerres Mondiales qui dynamisèrent l’aviation. Aucun artifice facile, coup de baguette magique ou « main invisible » ne remplaceront l’imagination et le travail philosophique qui aboutissent au processus Politique afin de matérialiser une idée en une réalité concrète. Pour l’instant, en Europe, aux Etats-Unis, en Russie, et maintenant en Chine nous en sommes à construire un réseau ou un parti pour soutenir et transformer en réalité cette hypothèse de « Spacefaring civilization », inscrivez-vous, commencez avec vos atouts ce combat, il mérite votre soutien.

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  • Actualité : Compte rendu du forum ''Quelle politique spatiale pour l'Europe?" au Conseil Economique et Social, le 25 septembre 2003.
 
 
Au sein des locaux du CES à Paris, une réunion de cette envergure ne pouvait qu’être des plus intéressantes sur les intentions déclarées des officiels de l’Espace européen. A 14 h 30, s’ouvra le forum avec un discours rapide de notre ministre de la recherche, Claudie Haigneré, discours qui se voulait optimiste, y compris pour l’espace habité, puisqu’elle rappelait que l’Europe pouvait se lier avec les russes pour une option Soyouz à Kourou. Elle brossa un tableau très prometteur de l’avenir de l’Europe spatiale, en étant confiante sur la prétendue reprise économique du secteur spatial commercial et les ambitions dans le domaine du continent. M. Philippe Busquin, instigateur du Green Paper, dans la lignée de la ministre, se félicitait des travaux de l’année 2003 (le Green puis White Paper, la réunion interministérielle du 27 mai…) mais mettait en valeur que la politique spatiale européenne nécessitait une réorganisation complète et fondamentale de ses institutions. L’ESA devant jouer le rôle de donneur d’ordre, la restructuration de cette politique n’était que peu défini. Selon le commissaire européen, l’ESA doit suivre deux voies : la Science et l’indépendance d’accès à l’orbite. La science est selon M. Busquin, un formidable moteur d’innovation technique, le programme de transfert technologique de l’agence spatiale européenne devrait en ressortir grandi. Notons que l’actualité récente nous réserva des surprises comme la suppression du programme Eddington ou la réduction du programme Bepi-Columbo, pour des raisons de budgets … S’exprimant toujours, dans la lignée des politiques européennes en la matière, il rappela que la subsidiarité devait être la règle régissant l’équilibre entre l’ESA et le CNES. Il mit aussi en valeur que l’industrie spatiale européenne était vulnérable et que les institutions devaient créer en quelque sorte la demande en poussant l’Europe à se doter d’une politique spatiale européenne ambitieuse. Enfin il réaffirma la volonté d’une politique forte en faveur de la R&D en consacrant 3% du PIB national à cet effort. Il conclut sur la nécessité d’orienter les nouveaux traités politiques européens (Convention européenne) en faveur de cette politique spatiale dite ambitieuse. Puis vint le tour de Marc Giget, Président d’Euroconsult de dresser un rappel du contexte mondial. Tableau très ‘’propre’’ et très chiffré, et qui faisait un peu oublier les ambitions de l’Europe.

A 15 h 15, le forum continuait avec comme thème ‘’l’Espace au cœur de la vie’’, avec pour principaux intervenants M. Cabal, député et président du Groupe Parlementaire de l’espace (GPE), deux responsables de Eutelsat et Eumetsat, venus nous ‘’’vendre’’ leur opinions et considérations sur l’Europe spatiale. Bref des satellitaires …. Enfin notons la présence de M. Janichewski responsable au CNES. Internet haut débit via des satellites fut montré comme une retombée et un potentiel commercial à exploiter pour l’Europe, au dépit des coûts pour les particuliers ! Galileo fut abordé de la même manière, en insistant sur les services et les retombées financières que ce système procurerait. M. Cabal du GPE, insista sur l’aspect politique de l’Espace en mettant en valeur la volonté de Jacques Chirac (dans le projet de finance 2004, qui était présenté en conseil des ministres) de développer la R&D en instituant le seuil de 3% du PIB. Il nous prétendit aussi que la politique vis-à-vis de la recherche était développée et que des progrès étaient visible tous les jours ! il fit remarquer que la France participerait plus aux programmes ESA et du CNES. Le summum fut atteint avec M. Janichewski du CNES qui nous donnait son opinion sur les lanceurs et plus particulièrement sur Ariane V. il fallait selon lui, figer les développements d’Ariane V afin de pouvoir enfin l’exploiter : deux versions coexisteraient, la générique et la lourde en cours de finition…pour ensuite réfléchir aux Next Generation Launchers à partir de 2020. Ce malheureux M Janichewski oubliait complètement la composante habitée des activités spatiales. A l’image du CNES, ce responsable semblait réduire les intentions européennes à quelques activités commerciales …

L’ambiance générale des débats était très langue de bois et des plus consensuels. Il n’y avait pas de cohérence entre ce que les intervenants souhaitaient et la réalité sur le terrain. Tous voulaient entendre une version officielle rabâchée depuis quelques mois, qui consiste à dire que tout va mieux et que nous allons devenir de plus en plus ambitieux. L’ESA, le CNES, les ministères et les institutions se plaisent à penser qu’en faisant de l’année 2003, une épopée et un prétendu tournant dans l’avenir de la politique spatiale européenne, ils réussiront à faire ce qu’ils se sont promis de faire : c'est-à-dire quelques satellites scientifiques et commerciales, Galileo (présenté comme un projet pharaonique), quelques satellites de reconnaissance militaire, un lanceur générique correcte, la bonne conscience étant assurée par le très peu financé programme Aurora et cette solution suicidaire de Soyouz à Kourou. Voila les ambitions de l’Europe : faire mieux ce que l’on sait déjà faire !

Pourtant Alain Gaubert d’Eurospace tenta, à sa mesure, de nous dresser un tableau un peu plus sombre que ce qui venait d’être dit pendant trois heures : selon lui, il y a un ‘’manque d’Europe’’ évident dans nos programmes. Mais il souhaitait revenir sur l’idée véhiculée par toutes les institutions et industrielles du secteur qui disent et affirment publiquement ‘’ après l’orage, le beau temps’’. L’orage étant : 2002-2003, le beau temps : 2003-2004 … le cœur du problème selon M. Gaubert étant que la réalité économique et commerciale est plus sombre que ce qui est annoncée : la reprise ne se faisant pas avant l’aube 2007 ! Alors que faire entre 2003 et 2007 ? Tous s’accordent en effet pour dire que seuls 5 satellites par an seront lancés jusqu’en 2007, au lieu des 15 annuels. M. Sartorius, ingénieur général des télécommunications au conseil général des technologies de l’information du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, commença son discours avec cette phrase que la NSS France trouve très juste : ’’L’Europe spatiale s’ennuie…''. Il n’y pas de grand souffle d’ambitions comme au début des années soixante aux USA ou en Europe au début des années soixante-dix ’’. L’Europe n’a pas d’ambition selon M. Sartorius et c’est avant tout une question de volonté politique. Il faut de la cohérence et de la continuité, un programme lisible et compréhensible. Toujours selon l’ingénieur, il n’est pas nécessaire de beaucoup d’argent pour investir sur le long terme dans l’Espace : il chiffre même 500 millions d’euros à 1 milliard d’Euro suffiraient… il se pose même la question de savoir si les décisions du 27 mai sont-elles un vrai courage, y compris financier ? Dans le même temps, il compara les coûts de développements d’un avion comme l’A380, chiffrés à 10 milliards d’euro. Il faut inscrire la politique spatiale européenne dans le long terme et dans le domaine politique.

A part les deux derniers intervenants, qui nous remirent les pieds sur Terre, les discours aux cours de ce forum organisé au CES, furent des plus vagues et des moins empruntés d’ambitions. Nous avions la vague impression d’être dans un autre monde, ou l’Europe se doterait d’une politique spatiale ambitieuse. Pourtant l’innovation, chère à certains, était absente de la salle ce jour-là. Aucune création, ni ambitions réelles, juste des déclarations d’intentions très policées et politiquement correcte. Investir dans le spatial, ce n’est pas seulement développer une version améliorée du GPS ou faire des satellites dédiées à l’Internet haut débit, c’est surtout investir dans un secteur inconnu, dans des composantes qui permettent la rupture technologique : ce n’est pas en refaisant ce que l’on sait déjà faire, que l’on se dote d’ambitions ou que l’on bâtit une ‘’politique spatiale’’. L’Europe deviendra ambitieuse le jour où elle investira dans une politique générale de développements des activités spatiales innovantes et créatrices de nouvelles sphères d’activités (les services n’étant en aucun cas, ces nouvelles sphères d’activités), particulièrement pour l’espace habité.


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