NSS FRANCE
La Lettre
 

La lettre N°10 - Octobre 2004
Index
           
Sommaire
 
 
 
 
 
Depuis le 14 janvier dernier le débat politique concernant l’exploration spatiale a repris de plus belle à Washington DC. Des propositions ont été faites par le Président Bush, des rapports ont été publiés (comme celui d’Aldridge en juin 2004), et des changements au sein de l’agence spatiale ont été déjà amorcés. Dès ce fameux soir de janvier 2004, les intentions électoralistes ont été mises en avant par les opposants à l’actuel président et par les traditionnels sceptiques de l’espace. Il n’aura échappé à personne que les Etats-Unis ont vécu cette année de façon très particulière puisque chaque annonce, décision ou discours était examiné dans le cadre de l’élection présidentielle à venir.
 
 
 
 
 
L’association Planète Mars vient de faire paraître sur son site Internet un fascicule intitulé ‘’l’Europe face au défi de l’exploration spatiale’’. Vous pouvez télécharger ce papier sur le site en format .pdf pour ensuite l’imprimer. La volonté de l’association fut certainement d’écrire un texte de fond qui résumait leurs idées sur l’exploration spatiale humaine et la nouvelle donne depuis Janvier 2004. C’est un texte de 16 pages, illustré abondamment, plutôt bien écrit, qui tente d’apporter des solutions et de cerner un peu mieux le point de vue de l’association sur le sujet. Nous applaudissons cet effort pour clarifier les idées ainsi que cette façon de mieux s’affirmer. Le titre même du papier implique des solutions ou tout du moins, des pistes pour commencer à réfléchir sur des travaux concrets. Et c’est bien là le problème du papier ! En réalité, le texte apporte peu de solution si ce n’est qu’Aurora….
 
     
 

Il est tout à fait évident que si nous voulons conquérir le Système Solaire, considéré par l'Homme comme une extension de sa biosphère, nous devrons faire appel aux ressources des astéroïdes et pas seulement pour les centrales solaires SPS comme l'envisageait O'Neill. Peu de spécialistes ont encore compris combien les découvertes effectuées dans l'astronomie des petits corps ont complètement modifié les données relatives aux programmes de conquête spatiale qui étaient envisagés dans les années soixante et 70 en mettant définitivement â bas la notion de ressources rares à usage alternatif. Dès que nous nous tournons vers les astéroïdes, on ressent plutôt un sentiment de profusion à cause duquel nous serions embarrassés de faire un choix étant donné la quantité de matériaux et de minerais utilisables.

 
 
 
   
 
Les 15 propositions sur 5 ans ont été modifiées afin de les rendre plus percutantes et surtout plus efficaces.
 
     
 
 
 
Cette fin d’été nous réserve quelques beaux spécimens d’anthologie de politique spatiale !
 
     
   
 
Présentation faite à la Conférence de la « Mars Society » à Chicago le jeudi 19 août 2004. Au-delà de l’aspect exploration de Mars, ce texte exprime parfaitement les enjeux incontournables auxquels nous devons faire face et propose une réponse adéquate par le développement de l’humanité dans l’espace. Nous devions le traduire afin qu’il connaisse une plus large diffusion :
 
     
   
 
Pour cette lettre, l’étude ‘’la Lune peut-elle être un arsenal ?’’ que vous pouvez retrouver ici a uniquement été enrichi de nombreuses autres références pour la période 1950-1963.
 
     
     

 
 
  • Kerry et la politique spatiale. – Nicolas Turcat.

Depuis le 14 janvier dernier le débat politique concernant l’exploration spatiale a repris de plus belle à Washington DC. Des propositions ont été faites par le Président Bush, des rapports ont été publiés (comme celui d’Aldridge en juin 2004), et des changements au sein de l’agence spatiale ont été déjà amorcés. Dès ce fameux soir de janvier 2004, les intentions électoralistes ont été mises en avant par les opposants à l’actuel président et par les traditionnels sceptiques de l’espace. Il n’aura échappé à personne que les Etats-Unis ont vécu cette année de façon très particulière puisque chaque annonce, décision ou discours était examiné dans le cadre de l’élection présidentielle à venir. La NSS France soutient, depuis le début, l’initiative lancée par le Président Bush concernant la nouvelle politique d’exploration spatiale. Nous avons débattu, et argumenté notre pensée à longueur de colonne notamment dans nos trois dernières lettres parues. Il est temps désormais de faire le point, avant les élections sur les idées du sénateur John Kerry, candidat démocrate, concernant la politique spatiale. Nous ne parlerons ici que très peu du président Bush et de sa campagne, puisque comme nous l’annoncions en février dernier, MMI (Moon Mars Initiative) fait partie de la campagne politique (cf. le dernier numéro de la revue Science), tout comme, à l’époque, la naturalisation proposée des millions d’hispaniques illégaux au Texas et en Californie, ou les réformes concernant la Santé et les baisses d’impôts. George W. Bush, par ailleurs, ne s’est pas plus exprimé publiquement, dans ses fonctions présidentielles, ces derniers temps en faveur de MMI. Il est acquis que le plan proposé, en dépit des diverses opinions à son sujet dans son propre parti, fasse partie du programme républicain pour Novembre 2004. La position de John Kerry est plus complexe. En position de favori, que ce soit en Europe dans les milieux dirigeants, ou aux Etats-Unis jusqu’à très récemment, nous attendions une réaction claire et tranchée concernant une politique spatiale américaine. Le parti démocrate avait la tradition de soutenir des programmes spatiaux ambitieux et engagés (jusqu’au président Clinton, tout du moins). La situation paraît changée. Alors que le président Bush n’avait fait quasiment aucune déclaration d’intention en faveur de l’espace habité durant sa présidence ; à moins de 9 mois de l’élection, il lance un programme très ambitieux pour les USA - Bien étrange comportement politique dans un pays qui aime débattre longuement de ce genre de décisions. Ne pronostiquant aucun résultat pour le mois de Novembre 2004, il est intéressant d’étudier le comportement du sénateur Kerry ces derniers mois dans le cadre de MMI, de la politique économique ou de l’innovation ainsi que de l’espace en général.

Avant le 14 Janvier : la complexité de l’ISS.

Dans ce cadre, il faut revenir au comportement ‘’pré-14 janvier’’ du sénateur John Kerry. Notons tout d’abord qu’il est membre depuis plus de trois ans (après sa quatrième élection au Massachusetts) de la commission sénatoriale sur le commerce, la science et les transports, qui est une des commissions les plus puissantes et influentes au Sénat américain et qui décide et participe, notamment, au processus d’autorisation du budget de la NASA. John Kerry n’a assisté à aucune audition concernant la NASA depuis l’annonce de sa candidature présidentielle en septembre dernier, alors qu’il le faisait avant et qu’il continua de le faire pour le commerce. Il s’est tout de même engagé en novembre dernier à cosigner une proposition de loi (S. 1821) afin d’essayer de rétablir la Commission Nationale Spatiale (NSC) à la Maison-Blanche afin de coordonner et vérifier les activités spatiales américaines. Une proposition de ce genre a été reprise par la Commission Aldridge et par le mouvement ‘’Coalition for Space’’ dont fait partie la NSS aux Etats-Unis, ces derniers temps (été 2004). Dans le même genre de paradoxe : le sénateur John Kerry, démocrate tout comme le président en place à l’époque, de 1991 jusqu’en 1996 vota 7 fois contre les crédits pour la Station spatiale internationale, et pour des réductions drastiques du budget de la NASA. Son dernier vote ‘’contre’’ en 1996, alla même jusqu’à menacer de mort la station (cf. Space News de l’époque). Il fit alors un discours au Sénat très farouchement anti-ISS, en disant que celle-ci n’était pas compatible avec le déficit auquel les USA devait faire face, et que cette station de 100 milliards de dollars devait être arrêtée afin de rediriger les fonds vers d’autres programmes. Il cita alors pêle-mêle le fait de fournir de l’argent pour l’ISS ‘’mais pas pour les policiers sur le terrain, pour l’environnement et pour que nos enfants puissent étudier correctement’’. Nous retrouverons les mêmes arguments 8 ans plus tard pendant sa campagne présidentielle. Le sénateur finalement vota pendant la fin des années 90s pour les crédit de l’ISS (notamment lors des suffrages sénatoriaux cruciaux de 1997 et 1998). Sa position à l’encontre des activités au sein de la station fut dès lors plus constructive. Il changea donc de position entre 1996 et 1997 sans raison apparente et surtout sans argumenter aussi fort qu’il le faisait une année avant…bien étrange revirement. Beaucoup de commentateurs spatiaux notèrent l’opposition de Kerry à la présence de l’Homme dans l’espace, et même si sa position est plus complexe que cela, c’est en partie vrai. Il a toujours considéré l’espace comme utilitaire avant tout. Les exemples cités, ces derniers temps, reflètent clairement cette position. En 1997, le Washington Post pensait que les sénateurs opposés à l’ISS en 1996 et qui avaient voté en 1997 pour la Station Spatiale Internationale, s’étaient fait une raison de ce coût extraordinaire. D’autant plus que l’ISS était un argument de coopération massif. Depuis le sénateur Kerry a loué les intérêts de l’ISS notamment pour la microgravité et la recherche pharmaceutique (y compris récemment dans la revue Science, septembre 04). Nous retrouvons ici l’aspect utilitariste de la pensée de Kerry concernant l’espace. Cette pensée le mènera à analyser à sa manière la déclaration du 14 janvier 2004. Déjà peu après l’accident de Columbia en Février 2003, il insista sur la fait qu’il soutenait une politique spatiale d’exploration et que les expériences rapportées par la navette ou l’ISS étaient très précieuses. Selon Kerry (déposition au Congrès dans le fameux sous-comité des sciences), le vol spatial nous pousserait à nous dépasser et à achever de grands buts. Il ne compte pas non plus les multiples ‘’savoirs’’ apportés par les astronautes de l’espace. Sa position est dans la droite ligne de l’époque et toute autre déclaration aurait été de mauvais genre. Il est tout de même intéressant de voir que Kerry était alors presque acquis à la cause de l’exploration spatiale humaine.

La campagne est lancée.

Le sénateur John Kerry a annoncé sa candidature à la présidence des Etats-Unis depuis Septembre 2003, notamment face à Howard Dean et John Edwards mais n’a rien dit sur l’espace jusqu’en janvier 2004. En effet John Edwards n’avait fait aucune déclaration sur l’espace et seul Howard Dean, partisan d’un programme martien et favori en ce début d’année, avait déclaré son intention de développer les activités de l’agence spatiale. Il fut même accusé par les démocrates de soutenir en janvier 2004, un plan pouvant coûter jusqu’à 200 milliards de dollars (Space Review d’avril 2004 et NASAWatch.com). Les partisans de Dean essayèrent de calmer le jeu en annonçant des chiffres plus bas et en minimisant le soutien de leur candidat au projet de Bush. Dean, défait dès le Caucus de l’Iowa, allait revoir sa position sur l’espace rapidement. Les non-dits et spéculations de pensée allèrent de bon train particulièrement concernant les candidats démocrates en ce début d’année. Souvenons-nous du contexte, peu de personne se préoccupait de l’impact de MMI sur la politique washingtonienne ou sur l’élection mais la sortie gagnante de Kerry des primaires démocrates remit sur la table des idées concrètes à propos de l’espace. De plus, au cours de l’année un nombre croissant de journalistes, intervenants et commentateurs tablaient sur une probable défaite du candidat Bush aux élections en novembre. Il fallait donc connaître la position du candidat démocrate sur l’espace et sur MMI plus particulièrement alors que la NASA avait commencé à engager ses premières réformes allant dans le sens des volontés présidentielles.

Le 14 Janvier et ses repercutions.

Le 17 janvier, Reuters répercuta les déclarations d’Al Gore et de John Kerry concernant les nouvelles directives données par le Président à la NASA. L’ancien vice-président de Clinton lança à une foule de journalistes que le projet non imaginatif de Bush devrait plutôt être fait pour rendre la terre habitable pour les prochaines générations. Kerry de son coté lors d’un discours en Iowa déclara ‘’qu’au lieu d’envoyer maintenant des hommes sur mars ou la Lune, ces personnes (pour Bush) devraient se concentrer sur la façon de sortir les américains d’Irak’’. La situation après le discours du 14 Janvier était finalement assez simple : les démocrates étaient globalement contre le nouveau plan spatial, les raisons en étaient claires : pas d’élargissement du déficit d’Etat américain, et investissons sur terre. Position assez classique. Les républicains, en interne, réclamaient depuis quelques mois un programme spatial, ils se devaient de soutenir la proposition. La présidence essayait aussi et surtout de sortir la NASA de la crise après l’arrêt des vols navette. Tous les républicains et supporters de l’espace habité applaudirent le discours ce soir là : ‘’c’était une sortie par le haut’’ comme le commenta Pete Aldridge en juin 2004. Un temps nouveau semblait venu. Mais les conditions changèrent très rapidement lorsque le camp républicain se mit à douter des budgets annoncés ou prévus en filigranes et lorsque Kerry devint le candidat officiel des démocrates. Les attaques sur la politique dite domestique allaient devenir plus virulentes. Très rapidement des doutes politiques sérieux vinrent émailler les débats au Congrès. Au sein même du parti républicain, un débat s’engagea sur le budget à développer et surtout sur le fait de savoir si la NASA pouvait accomplir la mission. Le 12 février 2004, alors que la NASA venait à peine de se remettre de sa nouvelle mission, le puissant comité sénatorial pour la Science se réunissait sous la présidence du républicain New Yorkais Sherwood Bohelert qui ouvrit la session en félicitant le président de son courage et de l’ambition donnée à la mission. Les démocrates texans Gordon ou Lampson se félicitèrent des recommandations présidentielles pour la Vision à long terme mais demandaient à voir la façon dont le programme se déroulerait concrètement financièrement et techniquement. Le 27 février vint la première grande déclaration de John Kerry sur le sujet dans le Cleveland Plain Dealer avec l’aide de l’ancien Sénateur de l’Ohio John Glenn, que ‘’nous ne devons pas parler d’aller sur la Lune ou sur Mars, mais nous devons aller sur la Lune ici sur terre, en créant des emplois, construisant des boulots à haute valeur pour le futur, et faire qu’aucun jeune américain en uniforme soit tenu en otage par la dépendance américaine pétrolière avec le Moyen-Orient’’. Kerry, à ce moment précis, rejette le plan de Bush quant à l’exploration. Souvenons-nous que le débat est encore dans cadre des primaires et que cette déclaration est parasitée par un grand nombre de déclarations annexes concernant l’économie domestique du pays ou la guerre en Irak. Les démocrates essayaient alors de concentrer leurs attaques sur l’économie déficitaire du pays ou sur les délocalisations répétées en ce début d’année. Toujours au début du mois de Mars parut un article de l’agence AP qui faisait le point sur la politique spatiale proposée par Bush en questionnant les candidats à ce sujet. Kerry était globalement pour une politique spatiale scientifique mais ajoutait ‘’envoyer une personne sur Mars est une mission prestigieuse digne d’une nation comme les USA. Mais étant donné le déficit creusé par Bush, il est impératif de contrebalancer ce projet par les besoins domestiques immédiats comme l’éducation ou la le système de santé’’. Le sénateur Edwards insistait plus sur la valeur de ce genre de mission mais voulait voir comment les Etats-Unis allaient payer la note. Les positions de Kerry concernant l’espace ne pouvaient être plus claires. Il semblait donc que pour le candidat Kerry, il fallait insister sur l’économie domestique et sur la nécessité de combler la dette de l’Etat américain.

L’économie stupide ?

Les mois de Mars et Avril furent dominés par John Kerry qui devenait de plus en plus le candidat officiel des démocrates. Dean, ayant poussé ‘’son cri primal’’, le Caucus de l’Iowa le perdit rapidement dans les sondages. L’AFL-CIO commença sa campagne (avec l’aide de l’organisation anti-Bush Move-On) en étant contre le projet spatial (cf. leur site Internet) et pour une réorientation des budgets sur des programmes dits domestiques. Le débat allait porter sur le plan économique durant ces quelques mois. Essayons de nous pencher un peu plus sur les solutions économiques de Kerry pour créer des emplois et une économie florissante. Fin février (et rapporté par le journal Toledo Blade) John Kerry s’arrêta à l’université de Toledo dans l’Ohio pour parler d’économie. Outre les mesures qu’il présentait traditionnellement, il insista sur le fait de qu’il faille combler la dette publique et que le déficit ne faisait que s’accroître. Il dénonça aussi les coupes budgétaires dans les bénéfices de la Sécurité sociale, ainsi que les baisses d’impôts irresponsables et promises par Bush. Dans le même temps, la voie vers les primaires semblait se dégager pour Kerry et les débats sur le budget pour FY 05 de la NASA commençaient à poindre au Congrès. Ces deux derniers faits sont très importants pour comprendre la suite des événements. Libre, Kerry pouvait enfin exprimer ses idées sans craindre son parti, la NASA de son coté devait compter ses troupes et ses supporters au Congrès pour faire passer son augmentation annuelle de 5%. Le plan spatial de Bush devenait de plus en plus concret – Remaniements à la NASA, premières approches des partenaires industriels, budgétisations plus précises, audits et finalisation du rapport Aldridge, CEV et missions mieux définis – et Kerry n’apportait toujours aucune solution. La campagne politique pour les présidentielles n’était en réalité pas encore engagée. Les premières défaillances vinrent du camp républicain qui réclamait plus de transparence à la NASA et moins de budget pour le projet. Le très en vue et républicain Tom Delay se fit remarquer alors dans les débats pour FY05 afin de contrecarrer les plans de la NASA. Des fervents de la première heure comme Bohelert ou Dana Rorhabacher perdaient leur enthousiasme et mirent un frein évident à la politisation du débat au sein même de leur parti. Fin avril dans le Washington Post et sous la plume de Harold Meyerson (rapporté par le Courrier internationale N°704), la situation économique semble plus préoccupante que jamais pour les démocrates. Cette dernière deviendrait le point de rupture pour la campagne. L’auteur rappelle que les républicains sont spécialistes pour creuser le déficit budgétaire et que John Kerry n’a peut être pas vu l’étendue des dégâts. Le journaliste se souvient alors que lors des premières semaines de présidence après l’élection de Clinton en 1992, le principal problème pour les démocrates était de résorber le déficit laissé par Bush père. Meyerson compare alors les deux hommes, qui à la tête de l’Etat, vont s’affronter idéologiquement sur la façon de restaurer l’Economie : l’un Robert Reich, ministre du travail, soutenait que l’Economie devait être stimulé et l’autre, Robert Rubin, conseiller économique, puis au secrétaire au Trésor, considérait que seule la réduction du déficit était indispensable pour restaurer la confiance des marchés et faire repartir l’Economie. Clinton s’est finalement rangé du coté de Rubin, et renonça dans le même temps à une partie de son programme électoral. Robert Reich démissionna quelque temps après. Le texte de Meyerson met clairement en valeur les différentes tendances économiques au sein même du parti démocrate, et vous pouvez aisément deviné dans quel sens va notre soutien. Alors que Reich avait compris qu’en investissant sur l’économie innovatrice il pourrait relancer la machine et que le déficit dans tous les cas serait incomblable, il fallait miser sur ‘’la nouvelle frontière’’ technologique (titre de l’un de ses livres pour parler de l’économie innovante). Rubin, comme les démocrates en 2004, était focalisé sur le déficit quitte à repousser les promesses électorales. Revenons à Kerry, le débat a déjà été anticipé courant printemps 2004 lorsque les grandes lignes de la future plateforme démocrate furent tracées en vue de la convention qui intronisera Kerry comme candidat officiel. En effet Robert Rubin a depuis intégré au plus haut niveau le staff de campagne de John Kerry comme conseiller économique. Kerry lors d’un discours en Californie fin mai avoua que pour régler le problème du déficit, il allait devoir ‘’temporiser’’ certains des programmes qu’il avait promis en campagne : c.à.d: reporter des programmes à des dates ultérieurs. Comme dirait le journaliste du Washington Post la perspective Rubinesque avait prévalu sur l’Economie innovante et sur les belles intentions ! Clinton est devenu, pendant l’été 2004, le conseiller favori dans la campagne de John Kerry. Or derrière Clinton, toute une idéologie économique suit par l’intermédiaire de conseillers économiques comme Rubin, Akerlof, ou Bianchi. Tout le staff économique et politique intérieur est quasiment le même que celui d’Al Gore pour l’élection de 2000 ou issu de la deuxième présidence de Bill Clinton. La situation est ici assez révélatrice de ce qui risque d’être fait en ce qui concerne l’économie et où doit être investi l’argent : certainement pas dans un coûteux programme spatial. Clinton a fait le minimum requis, Al Gore était loin d’être un fervent partisan de la NASA, Kerry risque d’être dans la droite ligne de ceux-ci. D’ailleurs dans le livre témoin de sa campagne intitulé ‘’a call to service’’, John Kerry parle relativement peu d’économie qu’il inscrit dans la perspective clintonnienne dès les premières pages du chapitre consacré au challenge pour étendre le bien commun. Il y parle beaucoup de la sécurité sociale, de la valeur du travailleur américain, du respect de la libre entreprise guidé par des entreprises publiques puissantes, il parle enfin de l’innovation sous une seule forme : Internet. Distinguons que chaque président depuis la deuxième élection de Clinton, parle de cette révolution numérique et de son extension à toutes les couches de la population. La déception est certaine quant nous lisons les livres du candidat concernant son état de connaissance économique, voir structurelle du système étatique en marche. Le Guardian par l’intermédiaire de son directeur de rédaction Howell Raines mit en garde Kerry contre une éventuelle perte de portée de son message. Le discours devenait, selon Raines, de plus en plus consensuel et risquait de perdre de sa vigueur et de sa fraîcheur. Le Guardian concluait son édition du 3 juin 2004 avec cette phrase : ‘’pour bien vendre son message encore faut-il en avoir un !’’

Ca s’envenime coté républicains.

Mais la situation se complexifia. Début Juin la situation électorale est acquise pour Kerry, tous ces challengers ayant abandonné où rallié sa cause. Les primaires dans les états se sont passées relativement correctement pour son mouvement et un consensus va être rapidement acquis concernant la politique spatiale. Pendant ce temps, Bush s’enfonça dans les sondages alors que l’Irak allait être remis aux autochtones et les crédits de la NASA pour l’année fiscale 2005 étaient discutés violement par les membres de son propre parti. L’opposition latente des scientifiques au projet MMI, en raison du problème de la maintenance de Hubble, rendait la situation encore plus confuse pour la présidence et la NASA. Le soutien de Bush se faisait attendre et ce n’est que courant fin juillet que la Présidence essaie de mettre son veto (ou plutôt d’implorer la commission en question) au budget de la NASA par l’intermédiaire de son conseiller John Marburger. Il est d’ailleurs l’un des derniers pendant cet été à monter au créneau politique avec l’aide de certains membres de la NASA. Dans le même temps, le rapport Aldridge est sorti, un peu éclipsé par le succès de SpaceShipOne, mais l’impact politique du papier fut assez faible. En gros, la commission va dans le sens de la présidence et soutient certaines directives de la NASA. Cela n’empêche pas, quelques semaines plus tard, les représentants de la commission sénatoriale pour l’appropriation du budget d’empêcher financièrement les débuts des travaux sur MMI. La situation évoluait de façon plus en plus ingérable pour la Maison Blanche : les propres sénateurs et représentants supporters de MMI devenaient alors officiellement sceptiques, souhaitant plus de détails, plus de répartitions budgétaires et surtout plus de garanties pour le non dépassement de l’enveloppe financière. ‘’A real quagmire !’’

Des idées de plus en plus claires.

Kerry depuis le mois de Mai est certain de devenir le prochain candidat démocrate pour l’élection présidentielle. Ainsi par l’intermédiaire de son conseiller directeur économique Jason Furman, qui répondit à une interview de la revue Aerospace Daily, ‘’Kerry ne soutient pas MMI car il pense que cela coûte trop cher’’. Furman ajouta que Kerry ‘’était enclin à aider le vol spatial en général mais que cela devait être faire avec la meilleure science disponible et surtout de la manière la plus certaine’’. ‘’Dans tous les cas’’, Furman ajouta que si Kerry était élu, ‘’il travaillerait avec les meilleurs scientifiques pour comprendre quels pourraient être les meilleurs buts pour la NASA et comment la politique de l’agence pourrait être réorientée’’. La situation devint encore plus claire lorsque le 16 Juin Kerry répond aux questions de Space News et de Space.com. Il est certain que s’il venait à être élu le calendrier viendrait à changer pour l’agence. Outre les éternels engagements de circonstances concernant la NASA, et la politique spatiale américaine (‘’l’espace nous apporte tant…’’), Kerry critique le plan de Bush pour la première fois de façon méthodique sans jamais apporter de solution concrète et planifiée. Logiquement, il compare le montant avancé par la NASA (hausse de 5% du budget annuel de l’agence) au montant de la dette publique, mais dans le même temps fait remarquer que ce genre de programme requiert de larges fonds financiers publics. Il insiste sur la nécessité de réduire le coût d’accès à l’orbite et que MMI ne se préoccupe guère de ce genre de problème (perspective Clintonnienne de l’espace). Le candidat démocrate fait savoir aussi que Hubble serait maintenu par trois vols navettes, et que le STS revolera aux dates prévues. Il met par deux fois les décisions de financer l’agence spatiale face au poids de la dette et au poids des personnes imposables. Selon lui, il faut évaluer ce que le peuple américain désire… Etonamment, il loue les bienfaits de la microgravité ou les travaux scientifiques en orbite sur l’ISS, il apprécie aussi l’engin d’innovation que peut-être un programme spatial. Malgré tout, il finit son interview en insistant sur le fait qu’il faille se tourner plus vers la Terre et les applications de l’espace. Enfin il annonce que ses conseillers réunissent des hommes du milieu spatial et des scientifiques en vue d’acquérir une force de réflexion. Il ne cita personne. Cette interview est caractéristique du changement de ton de John Kerry. Il critique alors MMI mais essaie d’élaborer quelques pistes tout en évitant de fonder une nouvelle politique d’exploration spatiale. En deux mots : il évite la casse parmi les pro-spatiaux démocrates (et les industriels du même camp) et de faire peur aux indécis. Une chose est certaine : Sa position sera résolument empreinte de la politique Clintonnienne dans le domaine (qu’il cite dans son texte comme une référence). Mais que veut donc le candidat démocrate ? Est-il pour un espace utilitaire ? Est-il pour refonder MMI ? Personne ne saurait répondre avec précision. Et c’est bien là le problème !

Le slalom de l’opinion.

Sa position d’Homme politique, le plus en vue de cette année, lui impose de slalomer entre les positions tranchées et des avis déjà en partie acquis. Il ne peut pas dire qu’il soutiendra une version de MMI, ou qu’il s’y opposera, alors même que l’on a vu son parti prendre une ligne économique stricte sous la direction de personnalités comme Rubin. Finalement, son comportement dans l’affaire spatiale qui nous préoccupe est caractéristique de son attitude face aux opinions et décisions à prendre. Souvenez-vous l’éditorialiste du Guardian et le journaliste du Washington Post qui lui rappelaient qu’il fallait qu’il prenne des positions plus claires et plus tranchées sur des débats de politiques intérieurs et éviter de tourner autour du pot comme le candidat républicain. Il n’en fit rien. Des commentateurs après le débats TV du 30 septembre, dirent que c’étaient la première fois qu’il entendait John Kerry parler de façon claire, simple et déterminée. Les critiques politiques trouvaient alors que le discours du patricien de la Nouvelle Angleterre était trop complexe, pédant, parfois narcissique et pas assez présidentiable. A contrario, Il suffit pour cela d’interroger autour de vous les personnes à propos de Kerry. Tous vous diront que Kerry arrêtera la Guerre en Irak et qu’il redressera le pays économiquement sûrement mieux que Bush. Le Financial Times du premier Week-end de juillet est d’un autre avis (qui partage l’opinion de Meyerson du Washington Post) à ce propos : Ce journal estime que les démocrates épongeront pendant quelques années les dettes des républicains et que les programmes promis et déjà repoussés, seront peut-être même annulés (notamment le problème de la signature du traité de Kyoto). Le même journal pense que Kerry ne peut rien promettre aux Américains concernant l’Irak à part un retrait partiel des troupes au bout de 4 années. Le programme spatial pourrait subir ce genre de problème avec des batailles au Congrès après chaque printemps pour essayer de faire passer un CEV qui sera désavoué politiquement. Kerry eut sur le site Internet space.com cette phrase implacable : ‘‘’il n’y a que peu de chose à gagner de l’Initiative spatiale de Bush qui nous jette dans des buts trop vagues et qui surtout, n’est pas financée par des financements réalistes’’. La NSS France pense même que dans le cas où le président Bush ne serait pas réélu, il serait de bon ton pour la NASA de s’obliger à mettre en suspend ses programmes et poser la questions suivante à la Maison blanche : ‘’So, what’s up now ?’

Un été favorable aux démocrates.

Nous sommes au début de l’été et la Convention démocrate arrive pour le 26 juillet. Kerry est assez haut dans les sondages, il est quasiment investi candidat officiel d’un parti revigoré par les attaques en règle de Michael Moore (son film est alors un très gros succès aux USA) contre la présidence républicaine. Le show business soutient de plus en plus John Kerry, et chaque acteur y va de son couplet anti-Bush. Le dossier irakien s’envenima un peu plus avec les prises d’otages, et différents attentats de El Zarkaoui à travers le pays afin de déstabiliser l’armée US et le gouvernement d’Allaoui. L’armée du Mehdi à Faloudja, les exactions dans la prison d’Abou Graib ne firent qu’apporter de l’eau au moulin des démocrates. Souvenons-nous aussi que le Moon Mars Blitz de la NSS et de Mars Society connaît un semi échec puisque quelques jours après nous apprenons les coupes budgétaires dans FY 05 pour la NASA. Les débats sur la coopération avec les européens et les problèmes d’avenir de l’ISS préoccupent les deux cotés de l’Atlantique. Sur un forum républicain dédié à l’espace et à la Science, on peut même lire que le programme d’exploration n’aurait pas du être aussi politisé pour éviter de rentrer dans les débats électoraux. Pendant ce temps les sympathisants déçus de Kerry mais pour une politique spatiale ambitieuse ne cessent de s’activer pour former la News List Internet Kerry for Space hébergé par Yahoo ! On y apprend alors que l’équipe autour de SS1 et Burt Rutan travaillent au corps (avec Paul Allen) l’équipe de Kerry pour que celui-ci soutienne les prix comme le Ansari X-Prize ou le Centennial Challenge. C’est alors chose faite lorsque Paul Allen intègre le staff des conseillers techniques et scientifiques (sic) de John Kerry. On apprend aussi que Lorie Garver, ex-tête pensante de la NASA des années 90s et aussi ex-directrice de la NSS, fut reçue par le staff des conseillers pour être consultée sur la politique spatiale. Garver, activiste de l’ère Clinton pour ‘’faster, better, & cheaper’’, prend alors partie pour Kerry en disant que ‘’ce dernier ne peut pas trop s’exprimer sur un sujet comme celui-ci en période électorale’’ (sic bis). Elle ajoute qu’elle a reçu la confirmation que Kerry pousserait à accroître la R&D de la NASA, soutiendrait les prix (alors que son parti vota contre dans les appropriations du budget concerné en 2004 !), et qu’un effort de coopération internationale serait vraiment fait… Elle ne semble pas pouvoir donner de détails dans ce papier qui rapporte ses dires par mesure de sûreté politique (cf. Washington Dispatch.com du 16 août 2004). Elle conclut par le fait qu’il faut voter Kerry et faire confiance aux travaux que les démocrates élaboreront. Mark Whittington dans ce même papier commente le discours d’intronisation de John Kerry comme candidat officiel quelques semaine plus tôt par cette phrase : ‘’il ne suffit pas de citer JFK, il faut en avoir le fond et le background…’’ En effet John Kerry, cita qu’à un seul instant l’espace dans la perspective des années 60s et de la course à la Lune. Il y dit ‘’qu’un jeune président avait rêvé des Hommes sur la lune dans dix ans, nous voyageons déjà sur d’autre astres et étoiles’’. Notons que dans le même temps un sondage Gallup paru dans la première semaine d’août mettait en valeur le soutien des américains (au 2/3) pour l’exploration dans l’espace, dont 60% étaient des démocrates… on commence alors à mieux comprendre le silence et la gêne de John Kerry concernant son éventuel critique du programme spatial de Bush, qui entre temps était devenu le programme spatial de la NASA donc du pays….

Vers un revirement consensuel.

Apres une Convention assez fade pour l’espace, le problème des Sciences et de l’innovation ne fut pas plus abordé de façon nouvelle. La plateforme, où le soutien de John Glenn – qui fit un speech à la Convention – ne changea rien à la position confuse des démocrates sur ce sujet. Alors qu’au sein du parti où se déchiraient différentes tendances (centristes, environnementalistes, etc.…), le candidat Kerry perdit pied face à la Convention républicaine qui se tint à New York à la fin du mois d’août. Cette convention marqua le début d’une avant-dernière phase dans la campagne des présidentiables.

Les républicains ne firent paraître aucun papier sur MMI, et le seul extrait de leur plateforme concernant l’espace datait de plus de 4 ans… Ce fut là une véritable honte mais à nouveau le candidat texan gagna du terrain sur le plan personnel et international. Autre événement majeur pour la campagne et en corrélation indirecte avec les affaires spatiales, Kerry fit le tour des Etats-Unis et s’arrêta notamment mi-août aux KSC en Floride. Il était accompagné de personnalités démocrates comme Glenn et avait lui-même revêtu une tenue isolante complète pour visiter la navette. Il se fit prendre en photo dans des poses pas très présidentielles, ‘’déguisé en lapin’’ selon les mauvaises langues. L’évènement tourna au drame médiatique puisque la NASA fut sommée par le Congrès et par le staff démocrate d’enlever les photos en question qui ridiculisaient le candidat : ce fut le BunnySuit Gate. Au KSC, Kerry trouva, tout de même, le moyen de ne pas prononcer un discours sur le spatial mais sur la Santé… Ses partisans furent déçus ! D’autant plus qu’une coalition de prix Nobel commençait à se former autour du staff de campagne démocrate. Pendant ce temps, à Faloudja, les événements se calmaient, Abou Graib était presque oublié, la convention républicaine se déroulait fin août, le passé militaire de Kerry et les doutes qui l’entouraient, répercutés par des vétérans républicains, et les cérémonie du 11 septembre arrivant, permirent à George Bush de prendre 10 points d’avance sur le candidat démocrate. Le rôle de Bill Clinton éclata au grand jour le soir de son triple pontage coronariens : Kerry avait besoin de l’aide de l’ancien président pour s’en sortir. Les conseillers de Clinton revinrent à la charge (cf. reportages et articles sur Cnn.com) et prirent les commandes de la campagne. Il fallait se concentrer sur l’économie domestique et l’état social du pays. Une nouvelle étape venait d’être amorcée pour Kerry : celle de la contre-attaque. La NASA fit sa rentrée de façon discrète puisque la sonde Genesis s’écrasait en direct sur MSNBC et Fox News, les premières RFIs pour l’exploration à la NASA paraissaient et les surcoûts de remise en état du STS étaient discutés à Washington. Certains allant même jusqu’à parier le non-retour en vol de l’engin… Kerry dans les premières semaines de septembre sembla donner un tournant à sa campagne en focalisant, comme convenu avec Clinton, le débat sur l’économie du pays. Nous pouvons ici nous rapporter à l’article du Monde datant du 16 septembre 2004 (datant aux USA d’avant l’été) écrit par le candidat et énonçant sa politique économique. A nouveau, Warren Buffet et Robert Rubin sont immédiatement cités comme source d’inspiration, et le discours s’axe rapidement sur le déficit budgétaire du pays, les réductions d’impôts, la délocalisation, l’essor du haut débit, la santé ou la discipline fiscale à retrouver. Son seul mot pour l’espace est le suivant : ‘’des missions vers Mars à la lourde facture de l’assurance maladie, il a proposé ou fait voter plus de 6 milliards de dollars d’initiatives sans en financer aucune’’. C’est sûrement ici une des plus fines attaques qu’ait mené le candidat démocrate à l’encontre de Bush à propos de l’espace. Il est clair, que le président a lancé MMI, en janvier dernier, puis ne revint jamais dessus, se contentant à peine d’écrire au Sénat son mécontentement pour les coupes dans le budget de la NASA pour FY 05 par l’intermédiaire d’un conseiller. Le jour de la commémoration de l’alunissage avec Neil Armstrong, le président Bush ne dit pas un mot sur MMI, alors que le débat politique à son propos s’enlisait à quelques encablures de là ! Mais méfions-nous de la position, un tantinet, opportuniste de John Kerry. Nous sommes d’accord pour souligner le manque de soutien républicain à MMI, mais que propose l’autre camp ? Oui, MMI a été proposé et pas financé, mais quelle est donc la position de Kerry ? N’utilise-t-il pas ici un peu facilement un défaut de la stratégie républicaine pour sa propre campagne.
Dernier acte en date : le 16 septembre 2004 paraissait la revue Nature. C’est la dernière intervention – avec la revue Science où il répète à peu près ce texte - à propos de la politique spatiale du candidat Kerry. Questionnés de la manière suivante ‘’ est ce que les USA doivent envoyer des astronautes sur la Lune ou sur Mars dans les 10 ou 15 prochaines années ? Si oui, pourquoi envoyer des Hommes au lieu des robots ? Si non, quel est le but alors de l’ISS et de la navette ?’’ ils y répondirent assez clairement. Bush rappela de manière assez logique son initiative en citant les dates clés puis concluait en insistant sur le fait que la Lune pourrait réduire le coût de futures exploitations. Kerry répond de façon plus claire que d’habitude. Le virage que nous avons vu précédemment est largement entamé. Voici un large extrait : ‘’Maintenant, et grâce à des décennies d’investissements publiques dans les activités d’exploration spatiale, une équipe d’astronautes internationaux vivant et travaillant à bord de l’ISS, une douzaine d’américains ayant marché sur la Lune, ayant des rovers qui roulent sur Mars et une armada de vaisseaux sillonnant notre système solaire, la NASA est un socle infaillible pour le peuple américain et doit recevoir les fonds nécessaires pour continuer son importante mission d’exploration. Malgré tout, il y a peu à gagner d’une initiative spatiale qui jette des buts élevés mais qui manque à soutenir des buts avec un financement réaliste. John Edwards et moi sommes impliqués et décidés à augmenter le financement pour la NASA et l’exploration spatiale pas seulement parce qu’il permet à notre économie d’apporter de cruciales contributions mais aussi d’étendre notre connaissance du monde dans lequel on vit’’. Le revirement rhétorique est très intéressant. Outre le discours habituel qui loue la NASA et ses grands buts pour le peuple américain, il refuse donc MMI dans la manière dont il est conduit à l’heure actuelle et entend augmenter le financement pour l’exploration de l’espace ! Il est tout de même dommage que son staff n’ait pas fait transpirer plus de détails sur ce qui pourrait être fait pendant sa présidence. Il faut toutefois remarquer que la deuxième partie du texte parle peu de vols habités et qu’aucun détail ne transparaît à ce propos. La citation reprend l’interview et la réaction dans Space News du mois de Juin 2004, de façon plus évoluée et moins brouillon. Le vrai risque est que ce genre de déclaration soit un bluff politique afin d’exploiter une erreur stratégique de la part du camp républicain. Kerry commençait alors à rattraper des points dans les sondages, il arrive presque à la mi-septembre à être, à nouveau, au coude à coude avec l’actuel président. Ses arguments sociaux semblent mieux faire réagir le peuple américain en dépit du fait qu’aucune différence majeure dans la politique économique ne sera faire sentir rapidement. Dans le texte paru dans Le Monde du 16 septembre 2004, il avoue en guise de conclusion que sa première mission sera de mettre de l’ordre dans la fiscalité laissée par les républicains, nous nous retrouvons dans la situation de 1993 où Clinton dut faire face à une situation économique dommageable. On se rappelle des conséquences pour nombres de programme sociaux et technologiques.

Conclusions.

Nous ne vous dirons pas si il faut soutenir Kerry ou Bush. L’un, au pouvoir, a proposé un programme raisonnable mais ambitieux, l’autre ne peut que promettre de s’inscrire dans une perspective d’exploration. Mais de façon paradoxale, l’un n’a pas soutenu son initiative depuis plus de 9 mois, l’autre ne semble pas croire très fermement aux vols habités au delà de l’orbite terrestre et ne semble pas définir de grandes destinées pour l’agence spatiale américaine. Le dilemme est là. Nous sommes conscient que le résultat économique et social de Bush semble catastrophique, mais la marge de manœuvre de Kerry s’avère très faible à la vue de ses idées en matière d’économie. Plus présidentiable que jamais, John Kerry a réussit ses derniers temps à convaincre. Son discours, engoncé dans une logique économique stricte, est désormais plus consensuel. Une politique spatiale requiert un soutien sans faille, régulier et puissant de la part des hommes politiques l’ayant mise en place. L’actuel président a failli à cette tache, le futur présidentiable semble assez pris dans ses propres paradoxes. Le risque pour la NASA est de se retrouver en janvier sans destination, ni même plans pour les prochaines années. Alors que nous avons soutenu Bush toute l’année pour MMI, et uniquement dans cette perspective. Kerry semble moins au fait de pouvoir continuer cette politique de Recherche et Développement en faveur de l’espace. La moitié du travail est déjà fait si Bush est réélu, il ne s’agira que de pousser en avant MMI et d’obtenir sa concrétisation. Le vrai risque tient à la faiblesse de la politique intérieur de George Bush-fils. Si Kerry est élu, il faudra tout remettre sur la table, ce qui pour certains reviendraient (cf. speech de fermeture de Robert Zubrin à la Convention de Mars Society cette année), à revoir les plans de fond en comble en fonction des croyances présidentielles… Quelles sont-elles ? On ne peut les affirmer avec audace. Nous savons que les causes environnementalistes auront la priorité et que la NASA risque de pâtir de cette situation. On peut aussi s’attendre à un probable mise en sommeil de MMI (allongement des dates butoirs, etc.…), et mise en avant des missions robotisées. Bref, une ‘’Clintonnisation’’ du débat ! Ce qui, pour nous, irait dans une mauvaise direction… L’Europe spatiale n’a pas à gagner ou à perdre quelque soit le candidat élu. L’Europe spatiale, nous l’avons déjà dit, doit s’affirmer seul. Les deux présidentiables sont fermement convaincus que l’Europe doit aussi s’engager dans l’exploration spatiale. Pour Kerry, c’est une question de doctrine ; pour Bush, c’est gagné quelques fonds supplémentaires. Un peu comme Clinton en 1993, qui sauva de justesse l’ISS à condition que la coopération soit de mise avec les européens et les russes. On a vu l’échec de cette politique ces dernières années. Il suffit de se replonger dans les Air et Cosmos de l’époque pour comprendre les énormes enjeux rencontrés par les USA, la Russie et les Européens pour faire coopérer tout ce petit monde spatial. Il serait plus judicieux, et nous l’avons déjà dit, de faire un véritable effort au niveau de notre politique spatiale pour développer une infrastructure propre à notre continent afin d’envisager d’explorer l’espace avec les américains. Kerry ou Bush devront dans tous les cas réveiller MMI et le transformer en une nouvelle initiative plus énergique et surtout acceptée, comprise et soutenue par tous. Même si l’on pense qu’avec Bush, le travail de préparation est en partie déjà accompli, voir bien entamé pour certaines phases du projet, Kerry pourrait apporter une nouvelle dynamique au plan si celui-ci venait à s’engager fermement pour l’exploration puis l’exploitation de l’espace par l’Homme. Ce sont ici de vraies positions non-conformistes, avant-gardistes et qui pourrait rappeler la grande époque du parti démocrate. Investir dans l’espace habité, ce serait permettre de faire renaître cette Grande Société dans les meilleures conditions, ce serait aussi se bâtir un leadership incontestable et un brillant avenir social pour les Etats-Unis. Remarquons que l’on n’a pas abordé les fondements idéologiques et économiques de Bush, qui ne sont guère plus encourageants que certains de John Kerry. Par ce texte nous avons essayé de mieux vous faire comprendre la position d’un candidat, qui ne sait franchement pas quoi dire sur le sujet de très innovant mais qui mérite notre attention puisqu’il est le favori de cette élection dans le coeur des Européens. Kerry eut souvent des positions contraires et paradoxales sur l’espace : d’abord contre, puis acquis au minimum, il fut opposé violemment à MMI, puis s’en servit pour démontrer une faiblesse du parti républicain, il semble désormais acquis à un nouveau plan. La situation évolue et personne ne peut dire ce qu’il en sera. Le candidat démocrate devient plus présidentiable, son discours s’affine mais ses positions deviennent plus consensuelles. Miser sur Kerry dans le domaine spatial, c’est jouer très gros, miser sur Bush, c’est se dire qu’il doit beaucoup mieux faire, et que tout le travail que nous avons commencé, doit être concrétisé.

Nicolas Turcat
Président de la NSS France.

 

 
 
 
 
Sommaire
  • Des solutions pour l’Europe spatiale ! Commentaires sur le fascicule d’APM (sept. 04) - Nicolas Turcat

L’association Planète Mars vient de faire paraître sur son site Internet un fascicule intitulé ‘’l’Europe face au défi de l’exploration spatiale’’. Vous pouvez télécharger ce papier sur le site en format .pdf pour ensuite l’imprimer. La volonté de l’association fut certainement d’écrire un texte de fond qui résumait leurs idées sur l’exploration spatiale humaine et la nouvelle donne depuis Janvier 2004. C’est un texte de 16 pages, illustré abondamment, plutôt bien écrit, qui tente d’apporter des solutions et de cerner un peu mieux le point de vue de l’association sur le sujet. Nous applaudissons cet effort pour clarifier les idées ainsi que cette façon de mieux s’affirmer. Le titre même du papier implique des solutions ou tout du moins, des pistes pour commencer à réfléchir sur des travaux concrets. Et c’est bien là le problème du papier ! En réalité, le texte apporte peu de solution si ce n’est qu’Aurora….

Mais avant de faire quelques commentaires sur ce fascicule, essayons d’en résumer, à notre façon, les principales idées. Le titre du document d’APM (Association Planète Mars), courageux, avec des termes comme ‘’face’’ ou ‘’défi’’ engage indubitablement des solutions innovantes et des idées jamais exprimées sur le domaine. Dès son introduction, le papier entend faire le point sur l’exploration spatiale par l’Homme ; nous verrons par la suite que ce n’est pas si évident. Les auteurs du dossier commencent donc logiquement en étudiant la nouvelle problématique que subit le secteur spatial depuis janvier 2003 avec l’accident de Columbia. Selon eux, STS 107 aurait marqué la fin d’une ère où l’on risquait la vie des astronautes ‘’sans grand enjeux compris’’ et ‘’partagé par tous’’. L’Europe doit donc répondre à la réaction américaine de Janvier 2004 et face au ‘’coup d’accélérateur’’ des USA en matière de R&D ou de sciences spatiales. Ils attendent de l’Europe ‘’plus qu’un rôle de simple passager’’, et reviennent dans le même temps sur les raisons d’effectuer un grand programme d’exploration spatiale. On peut subdiviser en quatre parties leur argumentation. La Science et une meilleure connaissance de notre globe, la découverte de nouvelles ‘’nouvelles technologies’’, une coopération mondiale unificatrice, et la motivation des jeunes pour des carrières scientifiques. Dans la troisième partie, nous nous attendons à des solutions. Intitulée ‘’ un défi et une chance pour l’Europe’’, cette partie reprend des arguments pour un développement des activités spatiales en Europe et leur bien fondé. La seule piste lancée, un peu furtivement, semble être Aurora qui, avec trois ans d’avance sur les USA, aurait montré la voie à suivre… Toute la seconde partie de ce texte souligne à nouveau les différents aspects de la conquête spatiale. Par la suite, l’association revient ensuite sur le projet soutenu par leurs partisans, c’est à dire : Mars Direct, tout en le comparant avec la Design Reference Mission de la NASA de la fin des années 1990s. Enfin la troisième partie se fourvoie dans un plaidoyer pour l’exploration scientifique, en postulant la Science comme un objectif incontestable et robuste. Les auteurs jettent à dos, perpétuellement les ‘’infrastructures lourdes spatiales ‘’ à Mars Direct, comme si d’autres solutions n’existaient pas. Le deuxième paragraphe de cette dernière partie se concentre sur les arguments contre le passage par la Lune dans la façon dont ils perçoivent MMI (et nous insistons sur ce point). Le summum est atteint avec cette vindicte implacable, avec laquelle nous ne pouvons qu’être en désaccord : ‘’exploration d’abord, exploitation plus tard, éventuellement, après en avoir démontré le réel potentiel économique’’… Aurora est enfin remis en exergue comme seule et unique solution réaliste…

Après avoir hésité à commenter ce papier, nous décidons de nous lancer dans le débat, au risque de paraître pointilleux, polémiste et parfois un peu triste. Les discussions autour des activités spatiales n’ont quasiment jamais été lancées sur le fond en Europe, il est temps d’y remédier. L’idée générale de ce fascicule est plutôt positive et nous tenons encore une fois à faire remarquer la clarté du texte, ainsi que l’effort consenti pour produire ses idées, il est pourtant temps de revenir sur certains points à propos desquels nous sommes en fort désaccord.

Avant tout, nous tenons à répondre à certains points très précis du texte. Ainsi, les exemples historiques, chaque fois cités, sont plus ou moins biaisés dans leur interprétation. Nous apprenons que le programme Apollo aurait bénéficié de budgets sans contrainte (page 11) : Ce qui est une affirmation fausse, puisque historiquement, à chaque année du programme (y compris les ‘’grandes années’’ comme 1963) Webb devait justifier chaque dollar du programme (Cf. AWST de l’époque). Certes le programme bénéficiait d’un certain degré de priorité au sein de la NASA mais a toujours été discuté du point de vue financier et programmatique que ce soit devant Kennedy, Johnson ou le Congrès. Nous tenons à rappeler que dès FY 1963, des discussions furent engagées entre la NASA et l’exécutif du pouvoir afin de savoir comment limiter le budget d’Apollo. Je renvoie ici les lecteurs sur n’importe quel livre sérieux à propos d’ Apollo (cf. Managing NASA in the Apollo Era, Arnold S. Levine ou même Xavier Pasco, La politique spatiale des Etats-Unis de 1958 à 1995). Un autre exemple historique : 1989 et la SEI sont aussi souvent cités comme le contre-exemple à suivre dans ce fascicule. C’est ici une pensée très commune à Robert Zubrin et aux responsables d’APM de voir la SEI comme l’exemple flagrant de ce qu’il ne faut pas faire. Rappelons tout de même (et sans la soutenir) que la SEI, n’est pas le produit direct de la NASA mais la volonté de la présidence US de l’époque (a contrario de ce qui est affirmé en haut de la page 11). Le chiffre de 450 milliards de dollars pour le projet, avancé, sans preuves sérieuses par les journalistes, s’étalaient sur 30 ans – Marquons aussi que 450 divisé par 30 est égale à 15 milliards de dollars = c'est-à-dire le budget annuel de la NASA, donc en aucun cas un projet si pharaonique ! – Il faut aussi contrebalancer ce prix avec l’acceptation, au niveau de la Mars Society, du programme MMI de Bush-fils qui selon certaines sources s’élèveraient entre 200 et 500 milliards de dollars jusqu’en 2025 (certaines sources journalistiques new-yorkaises ont même avancé le chiffre magique de mille milliards de dollars). Le CBO du Congrès vient d’annoncer dès septembre 2004 que ce prix, sous-estimé pourrait encaisser une inflation d’au moins 10 à 20%.... Alors, modérons les prix avancés et surtout ne faisons pas de MMI, de la SEI ou de l’ISS, les éternels contre-exemples financiers ; ceci s’appelle ‘’faire de l’empirisme’’ … ! Alors qu’APM soulève quelques lignes plus bas, à juste titre, que 80 milliards de dollars ont été levé pour la rallonge budgétaire de la guerre en Irak : modérons encore les chiffres avancés vis à vis des réalités politiques de notre époque. Le soutien politique actuel va à la guerre en Irak et au Homeland Security Departement, il pourrait en être autrement. Il n’est ‘’pas question de faire exploser les budgets spatiaux’’ mais tenons un seul discours : Il y a de l’argent c’est une question de politique et de priorité ! D’autant plus qu’à la page 9, il est dit qu’il y a de l’argent disponible, selon les priorités politiques ; il est aussi dit que ce genre de programme peut être un formidable levier économique : c’est encore une question de priorité… Remarquons que MMI n’est pas le fruit de la volonté des représentants du Congrès, mais d’un consensus au niveau de la branche de l’exécutif américain (cf. le livre de Sietzen). Dans le même style, il peut paraître empirique de dire que l’ISS est sans grand enjeu pour le monde. Parce que nous n’avons pas su développer correctement l’ISS, celle-ci est devenue un fiasco ! L’ISS n’est que le résultat de nos cafouillages et indécisions notoires. Mais en aucun cas, l’ISS est mauvaise en soi… Enfin faisons remarquer que les notions ‘’d’In Situ’’ et de ‘’Living off the land’’, popularisés par Robert Zubrin existent depuis 1963 dans les documents de la NASA pour des travaux martiens sur les projets post-Apollo. Il faut reconnaître à Zubrin qu’il apporta une solution possible pour placer des hommes sur Mars. Pour conclure, le dernier paragraphe de la page 9 à propos de l’Initiative d’exploration spatiale présentée comme un levier puissant est excellent et nous ne pouvons que soutenir et nous associer à l’idée du caractère multidisciplinaire croisée des activités spatiales.

Sur le fond, ce papier n’apporte pas de vraies solutions, si ce n’est un vague programme sous financé par une agence souvent distendue, c’est-à-dire : Aurora. Nous l’avons déjà affirmé dans nos colonnes, il est du devoir des associations comme les nôtres de savoir apporter de idées nouvelles, et non de se faire le strict écho des agences spatiales. La force de la Mars Society tient au fait qu’ils soutiennent MMI mais qu’ils apportent aussi une solution radicalement différente dans le même temps et qu’ils essaient d‘adapter cette solution à MMI en prenant compte des réalités programmatiques et financière américaines. En Europe, nous sommes loin derrière en matière d’espace habité. Mars est encore très loin ! Nous ne pouvons pas apporter à nos adhérents des solutions déjà préfabriquées et si atones. Nous pourrions dire qu’Aurora doit être amélioré, nous pourrions applaudir Aurora si cela nous chante, ou nous pourrions saluer les actions de telles ou telles agences spatiales, mais en aucun cas dire que l’ESA a quasiment apporté toutes les solutions à nos problèmes de ‘’Vision’’ avec Aurora. En l’état actuel, ce programme n’est pas la solution pour débarquer sur la planète Rouge. Non ! Un programme fondé sur le vol humain et une volonté politique forte serait une meilleure solution et ceci mérite d’être mieux défini par des associations comme APM. Un Mars Direct sera peut-être une solution sur le long terme pour les Etats-Unis mais pas Aurora – à chaque pays ses spécificités ! Un dérivé de Mars Direct n’est donc pas non plus la solution à apporter aux européens : nous n’avons pas l’infrastructure pour accomplir, ou même participer à ce genre de mission… Aurora n’est actuellement pas un programme suffisamment sérieux pour que cela serve de référence. Et ce n’est pas tant que cela vienne d’une agence, le vrai problème tient au fait qu’Aurora ne repose aujourd’hui sur RIEN… A ce propos, nous tenons à rappeler qu’Aurora, comme APM le dit dans ses premières pages, est un programme qui ne fait que définir ce que pourrait être un programme d’exploration. Il est, hélas, mal définit en l’état actuel…

Et nous pourrions répondre ici à quelques références que vous avez avancés en faveur de ce programme : ‘’dépouillé’’ ? Oui ! Tellement qu’il n’est pas financé et que l’année 2005 risque de poser de vrais problèmes de budgétisation (cf. nos articles sur le sujet en juillet de cette année, ainsi que le Air et Cosmos N°1950 du mois de septembre), sans oublier les dissensions en interne concernant le programme. Robuste ? En aucun cas ! La robustesse d’un programme tient au fait qu’il soit soutenu par un éventail de partenaires (politique, économique, industriels, agences) … Le programme Aurora a si peu commencé, voir absolument pas concernant le soutien des hommes politiques ou acteurs industriels à l’exploration spatiale par l’Homme. Réaliste ? Non plus ! Il est certain qu’en échelonnant sur 30 ans un programme virtuel, il devient moins réaliste voir irréalisable… (On en revient ici au problème de financement de l’ISS ou de la SEI). Ambitieux ? Faux ! Il est tout juste ambitieux pour les robots que nous enverrons sur l’astre rouge d’ici 2010 (il n’y a pas de définition précise en ce qui concerne les missions humaines) … La véritable ambition pour l’Europe serait de s’engager concrètement et plus immédiatement dans les activités spatiales habitées ! Alors qu’Aurora se refuse à accepter des missions de références de crainte de choquer certains partenaires, ce programme est inefficace voir dangereux, en la forme actuelle, pour la suite des événements spatiaux européens. Aurora aurait montré la voie aux américains ? Laissez nous sourire… Des projets américains pour conquérir la planète rouge existent depuis 1953. La mission DRM adoptée par la NASA en 1997, a déjà 4 ans d’avance sur ce programme européen ; Seulement, le mot ‘’exploration’’ n’avait pas été mis en avant ! Nous savons qu’il est de bon ton de brosser dans le sens du poil l’agence spatiale européenne, mais l’ESA n’a rien inventé avec Aurora. Le scénario n’est pas plus robuste (terme ‘’ESA’’, au passage) que celui de la NASA - bien au contraire ! A ce propos ; l’ESA a t’elle commencé des réformes profondes, lancé l’équivalent de RFI’s pour Aurora, ou bien encore les industriels européens à la manière de leurs confrères US ont-ils adopté une nouvelle ligne de conduite ? NON… L’agence spatiale européenne n’a a peine les moyens de payer les tailles crayons et les planches à dessins… La situation n’est pas très brillante concernant la Vision de l’ESA pour le long terme. Dans le même genre, un soutien politique ‘’robuste’’ manque cruellement à l’agence. Avant tout chose, nous devons sensibiliser les milieux politiques à l’intérêt d’un développement des activités humaines dans l’espace. Il est de notre devoir d’association citoyenne de le faire. Dans un second temps, réclamons plus à l’agence ! Nous sommes persuadés que l’ESA peut mieux faire, et c’est dans cette perspective que nous lui adressons un message de soutien dans cette terrible épreuve que peut être Aurora. Il faut rebooster ce programme, le modifier, le recentrer sur le vol habité, en proposer des alternatives concrètes et ne surtout pas l’applaudir béatement. Sachons rester critique en toutes occasions, surtout quant cela le mérite. Il faut dire à l’ESA que ses dirigeants doivent désormais marquer l’Histoire de façon plus innovante et concrétisent un jour un projet un peu plus ambitieux qu’un remorqueur datant de plus de 15 ans … Il faut réclamer plus car c’est la seule solution pour que l’Europe puisse s’en sortir…

De plus, proposer Mars Direct, DRM ou même Aurora pour l’Europe peut paraître illusoire. Alors que nous n’avons aucune capacité ni connaissance dans le domaine du vol humain, et que lorsque qu’un problème arrive avec le générateur d’oxygène sur l’ISS, c’est un quasi drame, il s’agit d’y aller étape par étape… Revenons sur Terre un instant, et essayons de proposer des solutions plus intelligentes et vraiment réalistes… C’est à dire l’accès à l’orbite basse et une redynamisation du secteur spatial dans un premier temps couplés à un travail politique de profondeur dans cette perspective ! Ce postulat de départ, n’est même pas acquis parmi les membres de l’agence spatiale… Nous entendons déjà le contre argument qui nous dit qu’il n’est pas question pour l’Europe de faire une politique spatiale habitée isolée, ou d’aller sur Mars en solitaire. Nous répondons que nous avons une autre vision de l’Europe : celle d’un continent ambitieux. Et nous partageons cet attrait avec APM. L’Europe s’est construit à travers de vrais défis complets, innovants et uniques. Vous l’avez rappelé, alors définissons les défis de façon concrète et proposons des solutions immédiates à l’Europe spatiale. Dans la même perspective, cessons de jeter dos à dos, les infrastructures lourdes et Mars Direct, il existe un entre deux que vous n’avez visiblement pas entrevu. Sans parler d’hélium 3, ou de SPS, on peut penser, sans excès, que la Lune puisse être un passage obligé pour tester les engins et technologies pour Mars. C’est d’ailleurs dans cette logique que la NASA bâtit son projet actuel - utilisation du terme test-bed - (et non comme vous l’affirmez au début du fascicule). De plus nous insistons sur l’utilité fondamentale de notre satellite dans l’établissement de liens entre Mars et la Terre. Il suffit pour cela de relire le ‘’Creating a Spacerafing Civilization’’ de Robert Zubrin. Notons aussi que ce dernier à cesser de tenir des propos parfois extrémistes à l’encontre de la Lune et qu’il accepte relativement les propositions présidentielles et fit même des propositions pour les ‘’test-bed technologies’’ lunaires intitulées ‘’lunar direct’’. MMI n’est pas sans défauts mais c’est à la NASA, en coordination avec l’exécutif politique, de rediriger le programme vers des buts plus clairs et peut être plus rapides à atteindre. Le cas européen est radicalement différent. Aucun homme d’Etat n’a fait part de ses volontés d’explorer l’espace et avec la nouvelle commission européenne, les chances que cela se fasse risquent d’être encore repoussées…D’autant plus qu’un allemand s’occupera de l’espace (Günter Verheugen) au titre de la commission Entreprise et Industrie... L’ESA nous fait miroiter Aurora comme LA solution à long terme, tout en évitant d’investir dedans. C’est à nouveau une question de choix politique. Début novembre, la nouvelle commission fait sa rentrée en Europe, nous allons avoir beaucoup de travail en perspective à partir de cette date. Le problème de ce fascicule est quelque part ici : le manque de réalisme politique. Le paysage politique n’est jamais figé. La donne peut changer très rapidement. Qui pensait en juin 2001 que les Etats-Unis allaient dépensés plusieurs centaines de milliards de dollars dans des guerres préventives ? Personne. Qui peut dire ce que sera l’Europe spatiale si des hommes politiques s’engagent de façon ambitieuse ? Personne, non plus. Il n’est actuellement pas question d’infrastructures lourdes et qu’il faut apporter des solutions concrètes à court terme pour notre continent (un peu à la manière de nos 15 propositions sur 5 ans), mais dire que cela ne se fera pas avant longtemps c’est accepter un scénario signé depuis plus de dix en Europe…

Il faut aussi revenir sur les raisons énoncées d’aller dans l’espace. Si ces raisons sont bonnes, certaines ne semblent pas aller dans le bon sens pour une politique spatiale habitée. C’est une question de point de vue, certes, mais qui impliquent des idées souvent d’ordre plus général. Ainsi, la NSS France est contre le fait d’énoncer comme première raison la Science. Nous n’allons plus tergiverser : c’est une vision élitiste réductrice et foncièrement rétrograde de dire que l’exploration ne doit être que scientifique mais nous reviendrons plus tard sur ce sujet. Tout le volet économique énoncé dans cette page est très correct et nous en partageons les grandes lignes même si nous aurions insisté plus lourdement dessus. En revanche, l’aspect sociétal est sérieusement ‘’has been’’ et, encore une fois, un peu trop réducteur. Au risque d’en décevoir certains, la conquête de Mars, seule, ne fera pas revenir les jeunes vers les carrières scientifiques. Dans une perspective d’exploration spatiale scientifique de Mars, quelques millions de curieux internautes viendront temporairement voir comme le robot aura découvert de la Vie au fond d’un ravin… Mais jamais un ‘’live’’ de Mars, ne concurrencera une bonne finale de Star Academy ! Les tribulations des aventuriers de Koh Lanta, ou les soirées sur l’île de la tentation sont désormais au cœur des discussions de ce monde… Revenez sur le terrain et sondez par vous même. Je crois qu’à mon travail deux personnes, sur une équipe de 15 savaient qu’il y a des robots qui travaillent sur Mars en ce moment … ! Voyez vous l’intérêt porté à la conquête de Mars. Si nous connaissons tous les prénoms des ‘’Star académiciens’’ par contre, il sera d’autant plus difficile d’imposer une soirée martienne afin de populariser les avancées de l’exploration de cette planète. Le vrai problème vient du fait qu’un mouvement plus vaste est venu englober les télé-réalités, films et autres show télés de notre pays. La perspective scientiste derrière l’exploration scientifique stricte de Mars ne peut générer ce mouvement. Et ce n’est pas démagogique de dire qu’il est ‘’has been’’ de proposer un concept préfabriqué pour la jeunesse de notre continent … Alors cessons de penser pour les jeunes et par les jeunes. Ils sauront comprendre au moment voulu l’intérêt de participer à l’aventure, parce qu’il aura été bâtit un mouvement pro-spatial aidant à l’éclosion de ses carrières, notamment ! Nous n’avons pas à dire que l’exploration scientifique de l’espace relancera les filières du même ordre. Cela viendra naturellement. Un peu comme au milieu des années 60s, il y eut un boom des doctorats scientifiques aux Etats-Unis. L’enthousiasme des trente glorieuses en France ou des années 60s en Amérique est le résultat de deux siècles de dynamisme industriel et intellectuel en Occident, et particulièrement depuis 1945. La combinaison d’Apollo et de cette culture (ou mouvement culturel) permit ce résultat à l’échelle des universités américaines. Depuis 30 ans, a contrario, les notions d’écologisme, l’idée d’anti-progrès, le complexe envers la Nature, les principes de précautions ou plus concrètement, par exemple, la lutte contre les OGM, nous font croire que ce n’est pas parce que l’Homme posera le pied sur Mars épisodiquement que la donne culturelle changera du jour au lendemain. Un mouvement de fond plus lourd doit s’effectuer et seul le champ politique pourra l’effectuer. Le Politique laboure la Culture de sa Cité disait Machiavel. Parce que des Hommes politiques avaient une vision pour leur Société, et pas seulement pour les jeunes scientifiques, et qu’ils entreprirent des actions concrètes pour faire changer la Société : cette Société changea. Parce que depuis quelques mois, les débats politiques, médiatiques et culturels tournent autour des otages en Irak, de la guerre qui s’y déroule, du Moyen-Orient, de la guerre contre le terrorisme ou des hypothétiques armes de destruction massives, que les jeunes peuvent avoir un avis sur le sujet. Il faut ici pousser notre analyse sur le champ politique. La politique, c’est l’action. Ce n’est pas seulement gérer, c’est aussi et surtout proposer un concept à un pays. L’idée présentée par la NSS France est l’extension des activités de l’Homme dans l’Espace. Votre concept proposé est un projet en direction de la planète Mars. Notre vrai rôle est de parler d’Espace, de populariser l’idée politique autour ce projet, de délier les idées et faire naître de nouveaux concepts intellectuels mettant en œuvre nos concitoyens et pas faire le ‘’boulot’’ de la conseillère d’orientation… Cela sera un mouvement naturel, non forcé et surtout cela ne doit pas être un argument pour faire embrasser des carrières dans les filières X ou Y. L’exploration scientifique dans tous les cas (voir plus bas) ne pourra pas faire office de levier suffisamment puissant pour faire embrasser ces carrières. Il est évident, qu’à partir du moment où le projet sera politique, ou que l’exploration spatiale sera engagée : cela concernera directement la jeunesse. L’exploration spatiale est avant tout un projet GENERAL et politique pour la société. Les raisons exprimées doivent donc être beaucoup plus larges et beaucoup plus politique que celles énoncées dans ce papier.

L’avant dernier point que nous souhaiterions relever est le problème majeur de l’exploration à buts scientifiques. Mais pour cela, il faut revenir sur quelques points d’Histoire. Nous le répétons : il n’y eut jamais d’exploration réussie au sens sociétal, et rentable en terme de potentiels d’activités ouverts, avec des buts strictement, ou prioritairement, scientifiques. Pendant l’Antiquité, aucun peuple ou civilisation ne conquit de terre pour des raisons scientifiques. Les phéniciens établissaient, avant tout, des comptoirs commerciaux le long des côtes africaines. Ils permirent de mieux connaître la géographie, et l’ethnologie de ce continent mais ce n’était pas là leur objectif premier. En aucun cas ! Même Phileas le Phocéen, qui explorait les mers nordiques avec de grandes notions scientifiques, cherchait de nouveaux débouchés économiques pour sa cité. Il n’y avait pas non plus de ‘’Science Driven’’ pendant le Moyen-âge ou la Renaissance. Venise, Constantinople, Gênes, ou la Hanse cherchaient, avant tout à se développer économiquement ou stratégiquement. Ni Christophe Colomb, Marco Polo, Vasco de Gama, Cortes, ou Henri le Navigateur ne s’aventurèrent sur l’Atlantique pour mieux connaître les terres américaines ou indiennes. Un nouveau marché s’offrait à eux et ils en étaient parfaitement conscients (en tout cas, leurs bailleurs de fonds l’étaient). La couronne d’Espagne ou le Portugal savaient ce qu’ils faisaient lorsqu’ils développaient leur flotte : du business ! Certains buts religieux ou sociétaux venaient se greffer à ces raisons plus ou moins ardemment selon les exemples mais la Science (portulan, boussole, nouveau bateaux…) n’était qu’un moyen et non une fin. Parce qu’ils choisirent d’aller dans cette direction, la Science y gagna mais non l’inverse. Les explorations dans les mers du sud du XVIIIème et XIXème siècles avec des noms comme Cook, Kerguelen, de Bougainville, La Pérouse ou Darwin, plus tardivement, avaient des visées scientifiques affichées, sans avoir l’ampleur macroéconomique des Grandes Découvertes. Néanmoins, notons aussi que ces vaisseaux affrétés avec des moyens d’Etat, servaient, principalement, à faire des missions de reconnaissance pour le pays créancier (c’est le cas avéré de Darwin). Pour ce qui concerne Cook et Bougainville, il y avait alors, autour des années 1750, 1760s, un mouvement qui croyait qu’il existait un autre continent aussi riche, si ce n’est plus, que l’Amérique (Alexander Dalrymple en Angleterre et Charles de Brosse en France en étaient les pères) - Cf. L.P. Kirwan - . C’était l’Australie et le pôle sud et tout la déception que l’on connaît. La conquête de l’Ouest américain, la colonisation de l’Afrique par l’occident, ou l’extension de l’empire Russe aux terres orientales se sont principalement faites dans le cadre de buts commerciaux, stratégiques, ou politiques. La seule exploration avec des buts scientifiques affichés a peut-être été la conquête des pôles. Les Amundsen ou Paul-Émile Victor ont sûrement été animés par une soif de savoir évidente. Néanmoins il faut modérer les volontés et visées scientifiques des premiers explorateurs qui effectuaient ces missions dans le cadre de défis généraux à relever. Cette exploration fut un échec puisque rien de très rentable, en terme de potentiels d’activités découverts, n’est sorti directement de ces explorations ; si ce n’est quelques stations géologiques ou scientifiques appartenant aux grandes nations. Ne jugeant pas la qualité remarquable des données issues de ces stations, il faut minimiser l’impact de cette exploration sur la sphère économique de nos pays. Cet exemple n’est donc pas remarquable pour l’idée d’exploration spatiale. Nous préférerons l’exemple de l’Alaska. Effectué dans le même mouvement que la conquête des pôles, l’Alaska, parce qu’il y avait un vrai business a effectué (pétrole, agro-alimentaire, gaz naturel…), est devenu un Etat américain qui prospère plus ou moins aujourd’hui. Dans les premiers temps, personne n’a été sérieusement en Alaska pour mieux connaître notre Terre… Historiquement, l’argumentation scientiste en faveur de l’exploration ne semble donc pas si probante. La Science devrait se greffer sur l’exploration commerciale, stratégique, et sociétale, et non l’inverse ! Il est inepte d’avancer le fait que l’exploration scientifique soit une priorité ! L’exploration n’est que la phase de reconnaissance de l’exploitation. Cela irait à aller à contresens du mouvement d’exploration dans l’Histoire de notre civilisation. C’est une vision étriqué, élitiste et surtout scientiste de l’exploration. Etriqué, car privilégiant les quelques milliers de scientifiques sur notre continent concernés par le spatial, élitiste car fermé à une certaine caste et scientiste car y voyant une fin en soi. L’esprit républicain et démocratique qui nous anime nous pousse à refuser cette thèse privilégiant d’abscons scientifiques d’agences (qui sont maintenant à la tête de celle ci et qui par conséquent en dictent la ligne directrice – il est loin le temps des visionnaires dans les agences…) ne souhaitant des crédits que pour leurs quelques expériences embarqués… La sombre vérité est la suivante : les agences poussant pour une politique ‘’science driven’’ sont trustés par des bandes de scientifiques en général, incultes sur les questions d’Histoire, d’enjeux politiques ou géostratégiques. C’est un peu cru, mais il suffit pour cela de les entendre ci et là… Aller sur Mars pour savoir si il y a de l’eau ou pas, si il y a de la vie microbienne ou pas, n’intéresse que peu de monde dans le fond ; à part la petite communauté scientifique concernée. Ce ne seront PAS des ‘’enjeux compris et partagés par tous’’. Le site Internet des MERs martiens était plus fréquenté pour les exploits motorisés des rovers et les belles images produites par ces robots que pour la Science qu’ils y découvraient. ‘’La Terre vu du Ciel’’ (Yann Arthus-Bertrand) est le livre le plus vendu de l’année 2004 à la FNAC dans la gamme des beaux livres : c’est dire la passion des gens pour les belles photos… Faisons un livre sur ‘’Mars vu de la Terre’’, cela nous coûterai moins cher que Mars Direct ou tout autre plan. On en revient, alors, au fascicule d’APM qui parle des ‘’vaisseaux de l’inutile’’ : voici donc ces nefs ! Ces vaisseaux de l’inutile seront les engins qui emmèneront des équipages de scientifiques pour savoir si il y a de la Vie ou de l’eau sur Mars. Inutile car si peu productifs ! Les vaisseaux de l’utile seront les nefs emmenant les premiers colons (au sens bâtisseurs). Dans tous les cas, aux vues des coûts, nous ne pourrons pas justifier les premières missions martiennes par des missions scientifiques. Cette vision scientiste, volontairement élitiste est dangereuse et réductrice pour la continuation de l’exploration. Arthur Thompson (directeur des missions MERs – et symbole de ce mouvement pro science driven) nous prédit que s’il y a de l’eau, il y a aura l’Homme sur Mars, le 16 septembre 2004 dans un communiqué de presse ! Et si il n’y en avait vraiment pas d’eau sous forme exploitable ? Devons nous arrêter ici l’exploration martienne ? Et si la Vie était découverte sur la planète rouge ? Est-ce que les mouvements écologiques lèveraient leur bouclier contre une éventuelle terra formation de la planète rouge ? Et si le principe de précaution nous empêchait d’avoir des contacts avec la planète rouge au nom du risque de contamination ? Arrêterions-nous là tous nos efforts ? Oui sûrement aussi, dans cette perspective pro-scientiste… Jefferson l’avait compris, il ne faut pas donner une part de pouvoir décisionnel à une partie spécialisée, donc ne donnons pas le pouvoir de savoir quelles prérogatives doivent suivre l’exploration de l’espace à des scientifiques à peine au fait politique, économique et stratégique ! C’est ici le rôle de l’Homme Politique. C’est d’ailleurs ce qui choque un peu Robert Zubrin que la commission Aldridge ou le discours de Bush fils ne soit pas assez ‘’scientifique’’ : Mais soyons clair : l’exploration, au sens large, n’a rien de scientifique, c’est de la politique !

Nous en venons au dernier point. La phrase la plus choquante du rapport d’APM se situe en dernière page, peu avant la conclusion, et reflète bien la position de l’association face aux réalités politiques dans la droite ligne du scientisme prôné plus haut. Cette sentence, résumant la pensée des rédacteurs, est plus que choquante, elle est anti-productive, défaitiste, voir nihiliste. La voici : ‘’exploration d’abord, exploitation plus tard, éventuellement, après en avoir démontré le réel potentiel économique.’’ Evidemment nous rappelons que l’exploration, pour les rédacteurs, est scientifique ; Mais c’est sur la seconde partie de la phrase que nous devons porter notre attention. L’extension des activités de l’Homme dans l’espace, selon eux, se déroule en deux temps bien distincts et liés entre eux par des preuves qui prouvent que la prochaine est viable… L’éventualité de l’exploitation, mise en avant par deux virgules entourant le qualificatif, est rejetée à une hypothèse sur le très long terme. La NSS France soutient que l’extension des activités de l’Homme se fera en UN temps seul et unique. Certes ce temps peut-être relativement long et échelonné par étape – On en revient à l’historicité du mouvement exploration/exploitation - L’exploitation de l’espace commencera à partir du moment où l’on aura poser le pied sur la Lune ou sur Mars… L’exploitation de l’espace commencera en réalité dès la mise à feu des lanceurs, voir dès la fabrication des lanceurs ! L’exploitation de l’espace a, hélas, déjà commencé. De plus, opposer, et scinder exploration et exploitation, revient à nier l’existence d’une nouvelle sphère économique liée à l’espace. C’est un couple indissociable. Il faut ici revenir au fondamentaux d’économie : UN MARCHE SE CREE ET NE SE DEMONTRE PAS !!! Keynes, Schumpeter, Ricardo ou Smith l’avaient compris ! Donc Messieurs les rédacteurs, relisez vos manuels d’économie. Sachez dans le même temps : que si le marché se démontre, c’est qu’il a déjà été créé et que vous l’avez déjà manqué ! Vous êtes donc déjà mal placé sur la grille de départ pour faire bénéficier quoi que ce soit à votre entité étatique… La création de nouvelles sphères d’activités économiques doit animer l’exploration dès ses premiers instants, et c’est dans cette perspective que nous soutenons le passage par la Lune comme fondamentale à l’établissement d’une civilisation spatiale. Le potentiel économique ne se démontre donc pas, il se bâtit à travers une série de mesures très concrètes que nous pouvons construire dès maintenant. Croire que la viabilité d’un marché peut être démontrée est le symbole d’une inertie économique alarmante et surtout emprunt d’un conservatisme sévère. L’intérêt de l’exploration est de créer ce marché, de le découvrir, d’y prospérer et d’en tirer le meilleur parti pour ses concitoyens. Nous sommes au cœur de l’idée de création de potentiels d’activités, ce que vous avez appelé ‘’les leviers puissants’’ (page 9). C’est ici la justification principale et suffisamment globale que nous faisons de l’extension des activités humaines dans l’Espace. Le caractère multidisciplinaire croisé, mis en avant par APM, découle directement de la création de ces nouveaux potentiels d’activités. Sans la création de cette nouvelle sphère économique, rien de tout cela ne sera engendré pour l’économie européenne. Le marché se domine, se crée, se termine, mais il n’y a, en aucun cas, un esprit invisible qui habite le marché et qui fait que celui-ci soit mauvais ou bon. Le marché économique, c’est avant tout la volonté de l’Homme de faire plus et mieux. La création de ce marché est le résultat des axiomes politiques aidés par un projet commun pour la Société. Ce sont des règles essentielles dans la création d’un marché et dans l’établissement d’une croissance économique bénéfique à notre Société. Parce que l’exploration peut conquérir à ces effets et les mettre en valeur, l’exploitation doit être associée comme but premier de l’exploration.

Vous l’avez vu, nous sommes en désaccord sur de nombreux points à propos de la doctrine de base guidant la rédaction de ce fascicule d’APM ; le débat reste ouvert et nous respectons tous les avis. Nous tenions à éclaircir nos positions vis à vis de ces affirmations. Ce papier permet de mieux comprendre une partie de la communauté spatiale européenne et les raisons qui les poussent à soutenir un programme comme Aurora. Le fatalisme ne peut que nous conduire à entretenir des programmes si peu financés et voulus - Notons que dans Air et Cosmos n°1950, page 8, le programme Aurora semble, encore une fois, en difficulté pour rassembler les fonds français notamment, en sachant que nous étions les premiers donneurs de leçons sur le sujet - Aurora n’est pas une solution, en tant que telle, et même une version ‘’boostée’’ d’Aurora, trop axée sur la Science irait à contre sens du mouvement historique d’exploration que nous avons essayer de vous décrire. La robustesse et la viabilité de ce programme n’ont pas été prouvées, et risquent, très fortement, de ne jamais l’être… ! Dans le même temps, le problème majeur d’Aurora est de ne pas être soutenu politiquement au niveau européen. Laisser penser que l’exploration doit être absolument scientifique, revient à mettre l’exploration de la planète Mars dans une impasse inéluctable sur le long terme. La Science, seule, unique, et monolithique ne peut permettre l‘exploitation concrète et permettre les retombées espérées. L’exploration scientifique, isolée, n’a jamais été créatrice de nouveaux potentiels d’activités. Bien au contraire ! Rejeter l’éventualité de l’exploitation à des années de l’exploration est tout aussi nihiliste pour la suite des activités de l’Homme dans l’espace. La volonté du fascicule est de faire avancer le débat sur l’Homme dans l’espace, il ne le fait pas correctement et n’apporte pas de solutions innovantes. La difficulté avec ce fascicule tient aussi au fait qu’il soit apolitique et extrêmement conservateur dans son fond. Il n’y a pas de volonté politique dans le discours tenu, ni même de réalisme dans le même domaine. L’élitisme de certains propos est aussi discutable afin d’apporter des vraies solutions politiques. Tout juste bon à justifier Aurora, auprès de l’ESA, le fascicule manque sa cible. L’exploration strictement scientifique peut se contenter d’être robotisée, l’exploitation de l’espace rejeté à des années lumières des défis de notre siècle, une vision politique pour nos sociétés complètement trustés par de somnolant discours d’agences…Alors que Serge Plattard de l’Institut Européen de politique spatiale, dans Air et Cosmos N°1952, page 39, nous rappelle que ‘’l’Europe n’a pas de Vision à long terme’’, il s’agit désormais de définir ce que nous voulons concrètement pour l’Europe dans les 5 ans qui suivent (temps de la nouvelle commission). L’illusion scientiste nous guette et, en aucun cas, permettra de subvenir au besoin d’un nouveau marché multidisciplinaire. La Science comme fin ne saurait être un formidable potentiel d’innovation technologique et industriel pour l’Europe. Nous ne soutenons pas une vision ‘’ultra infrastructures spatiales’’ mais nous croyions que l’Europe doit acquérir un niveau spatial suffisamment élevé pour se lancer dans l’aventure martienne. Néanmoins il existe une voie médiane où les infrastructures bâties seront utiles à l’exploitation de l’Espace avec l’Initiative spatiale européenne. Le phénomène économique entourant l’idée d’innovation tient à ce fait : créer une nouveauté pour en tirer des bénéfices. Cela revient à dire : investir dans l’exploration et l’exploitation spatiale pour créer de nouvelles sphères d’activité. Souvenez-vous que le besoin se crée de toutes pièces : le besoin d’exploiter l’espace peut donc se créer rapidement et s’inscrire dans le même temps qu’explorer la planète Rouge.

À bas les illusions.

Nicolas Turcat
Président de la NSS France

Sommaire
  • L'apport des astéroïdes à la conquête du Système Solaire. Part. 2 – Philippe Jamet
 

Il est tout à fait évident que si nous voulons conquérir le Système Solaire, considéré par l'Homme comme une extension de sa biosphère, nous devrons faire appel aux ressources des astéroïdes et pas seulement pour les centrales solaires SPS comme l'envisageait O'Neill. Peu de spécialistes ont encore compris combien les découvertes effectuées dans l'astronomie des petits corps ont complètement modifié les données relatives aux programmes de conquête spatiale qui étaient envisagés dans les années soixante et 70 en mettant définitivement â bas la notion de ressources rares à usage alternatif. Dès que nous nous tournons vers les astéroïdes, on ressent plutôt un sentiment de profusion à cause duquel nous serions embarrassés de faire un choix étant donné la quantité de matériaux et de minerais utilisables. L'utilisation des astéroïdes peut bien sûr être bénéfique pour compenser ce qui manque à la Lune, construire des bases avancées dans le système solaire mais ne sera pas compétitive avec les matériaux lunaires pour la construction et l'assemblage de structures en orbite circumterrestre ou cislunaire. Pour ce qui concerne l'implantation sur Mars, l'apport des astéroïdes ne peut jouer qu'un rôle marginal du fait que la planète rouge possède en elle-même tous les ingrédients indispensables à un programme de colonisation, fait qui a été très bien compris et souligné par Robert Zubrin et l'association Mars Society. Par contre toutes les technologies que l'on aura acquises grâce à l'utilisation des ressources des objets Apollo-Amor (et pour la construction des centrales solaires SPS selon O'Neill et O'Leary) nous permettront également de nous implanter dans la grande barrière d'astéroïdes située entre mars et Jupiter en construisant des cités mobiles, fonctionnant grâce â la fusion thermonucléaire, et du type des Androcells de Krafft Ehricke,Parallèlement il serait possible également d'établir des bases et des complexes miniers sur les satellites de Jupiter, Ganymède et Callisto et d'envisager de petites bases scientifiques sur les satellites de Saturne, Uranus et Neptune avant de passer à des choses plus sérieuses canne le couple Pluton-Charon et le nuage cométaire de Oort: d'ici cette époque auront été mis au point les moteurs à propulsion à fusion thermonucléaire et peut-être plus vite qu'on ne le croit (selon Jean-Pierre Petit (dans son livre "Ovnis et armes secrètes américaines") – NDLR : ces propos n’engagent que l’auteur du texte - les moteurs à propulsion matière-antimatière qui nous permettront les premiers voyages interstellaires à partir de bases situées précisément dans le nuage de Oort. Bien avant ces étapes prestigieuses de la colonisation humaine du Système solaire, il nous faudra nous tourner vers les ressources des astéroïdes parallèlement à celles de la Lune car celles-ci sont complémentaires non seulement à cause des éléments qui manquent à la Lune, mais peuvent également fournir de juteux bénéfices au marché terrestre avant d'être compétitives avec les ressources lunaires comme le pensait, avec juste raison, Gerard O'Neill:certaines études effectuées à sa demande ont en effet conclu que l'option extraction à partir des astéroïdes pouvait être compétitive avec l'option extraction à partir des éléments lunaires pour les usines spatiales et une autre conclusion est que les astéroïdes classés chondrites carbonacées procurent un avantage par rapport aux fournitures terrestres en matières premières. Il n'est pas inintéressant de noter que ces études datent de 1976 (NASA Ames Summer Study on Space Settlements) et que leurs conclusions restent toujours valables aujourd’hui. O'Neill proposait que les matériaux de la Lune et des astéroïdes soient exploités de façon économique pour les habitats en orbite haute et les centrales énergétiques solaires et considérait qu'il était possible de commencer l'exploitation des astéroïdes avec un budget comparable à celui du programme Apollo: à notre avis ce raisonnement n'est valable que si existe préalablement une industrie développée sur notre satellite capable de construire, à partir d'éléments lunaires, des vaisseaux en orbite cislunaire pour ces astéroïdes. Une chose est certaine, la découverte ( avec une probabilité de 99%) de glaces d'eau aux pôles lunaires par Lunar Prospector tarit pour les astéroïdes le marché lunaire en importation d'eau, en permettant à notre satellite de devenir une porte ouverte directe vers la colonisation du système solaire tout entier et également de permettre la possibilité, grâce à cette eau lunaire, de construire des citernes contenant de l'oxygène et de l'hydrogène liquides sur ces orbites cislunaires, géostationnaire ou circumterrestres basses. Avant Lunar Prospector et ses étonnantes conclusions, on pensait qu'il faudrait faire venir de l'eau sur la Lune au moyen de grands containers placés dans la soute de dérivés de la navette (Shuttle-C, SDHLV) ou bien encore de SSTD lourds ou des HLLV (Heavy Lift Launch Vehicle) capables de placer 400 à 500 tonnes en orbite basse et, pas seulement de l'eau, mais également de l'octane C$H18, solution qui aurait eu pour avantage d'amener également le carbone nécessaire pour la nourriture des plantes lunaires cultivées sous serre. A partir de cette orbite basse, des vaisseaux relais comme des TUGS, des OTV (Orbital Transfer Vehicle) ou le puissant LLTV (capable d'amener 81 tonnes à la surface de la Lune) auraient pu convoyer cette eau jusqu'en orbite lunaire avec transfert de celle-ci par des systèmes de rétrofusées ou, mieux encore et ultérieurement, par 1a fameuse navette à alunissage glissé conçue par Krafft Ehricke. Pour les astéroïdes, si le marché de l'eau et de l'hydrogène est tari par les découvertes lunaires, il n'en est pas de même bien sûr pour l'azote et 1e carbone qui sont pratiquement inexistants sur notre satellite. L'azote moléculaire servira, en le combinant avec l'oxygène local, à la production d'air respirable pour les bases lunaires et à la fourniture d'engrais à base d'oxydes d'azote pour les plantes lunaires cultivées sous serre. Cette agriculture lunaire aura également besoins de carbone de même que les industries chimiques faisant appel à des générateurs de plasma très consommateurs de cet élément. Importer l'azote et le carbone à partir de la Terre ne doit être qu'une solution provisoire car il est impératif, pour des raisons politiques évidentes,de ne pas faire reposer trop longtemps, une fois passé le cap des investissements de départ, le développement lunaire sur des importations de matières premières venues de la Terre qui doit seulement fournir des astronautes spécialisés et du matériel sophistiqué. Il faut également se donner les moyens d'éviter sur la Lune un système indéfiniment reproductible sur lui-même, critique qui peut être faite à la stratégie lunaire de Gerard O'Neill qui limitait le rôle de notre satellite â celui de simple mine d'extraction pour les éléments nécessaires à ses concepts de villes de l'espace. Nous nous proposons de démontrer que ce problème de coûteuses importations disparaît dès lors que nous ne raisonnons plus en termes de ressources lunaires en étendant la notion d'espace utile à la colonisation des astéroïdes Apollo-Amor. Pour cela nous définissons deux objectifs économiques:

-une réduction,dès les premières étapes, du coût des premières implantations lunaires en amenant à partir des astéroïdes les éléments rares ou manquants sur notre satellite très peu de temps après l'étape de débarquement lunaire massive proprement dite.

-la réalisation de bénéfices importants, dès la première décennie comptée à partir de la première implantation lunaire par la création d'un nouveau moteur de développement spatial: l'importation sur Terre des éléments rares ou dont le coût d'exploitation est prohibitif sur notre planète mais qui existent en grandes quantités sur ces astéroïdes. Une partie des bénéfices ainsi réalisés (qui pourraient également attirer des investisseurs privés) pourrait être affectée au programme lunaire proprement dit et aider aussi au financement du programme de débarquement et d'implantation martien.

De notre point de vue l'utilisation des ressources des astéroïdes Apollo-Amor, plus accessibles en temps que ceux de la grande barrière située entre Mars et Jupiter,nous amènent également à penser que des actions correctrices préliminaires à la mise en oeuvre de projets lunaires d'envergure (comme celui d'Ehricke) nous permettraient de gagner une bonne dizaine d'années par rapport aux meilleures options retenues pour l'industrialisation du système Terre-Lune et de raccourcir par là même d'autant l'étape de maturation du processus auto cumulatif de croissance:mais grand est l'effort à entreprendre pour convaincre, non seulement les politiques,mais aussi un certain nombre de scientifiques de l'impérative nécessité de l'effort à fournir ..... et il est évident que celui-ci est incompatible avec les réductrices fourches caudines du libéralisme ! Le problème de la conquête de l'espace est éminemment politique même si nos"responsables" ignorent qu'un astéroïde de type "Stony Iron" d'un kilomètre de diamètre peut contenir 7 milliards de tonnes de fer et un milliard de tonnes de nickel! Sans compter également le cobalt, un tel type d'astéroïde pourrait satisfaire les besoins terrestres pendant 3000 ans en se basant sur les chiffres de la consommation actuelle. Il est évident que si nous démultiplions les opérations de ce type(en choisissant préférentiellement ceux qui peuvent être dangereux potentiellement pour la Terre à cause de leurs orbites), il arrivera un moment où grâce à la baisse considérable des coûts, nous pourrons sans peser sur les ressources terrestres, tout f ire dans l'espace:vaisseaux gigantesques, centrales solaires SPS de plusieurs dizaines de kilomètres dotées d'une propulsion électrique, usines spatiales de grande taille, chantiers de construction de vaisseaux martiens en orbite lunaire, grandes stations spatiales 7 à $ fois plus grandes que la station ISS, cités de l'espace en rotation pouvant contenir plusieurs dizaines de milliers d;habitants, bases humaines totalement autarciques dans les parties externes de notre système solaire ainsi que d'autres applications qui n'apparaissent pas encore vraiment tout simplement parce que, si le progrès technologique peut être orienté, il peut également avoir un effet imprévisible sous forme "d'invités inattendus"

Le choix des moyens et des stratégies à mettre en oeuvre.

Des centaines de milliers d'astéroïdes orbitant dans la ceinture située entre Mars et Jupiter mais, pour des raisons de distance et de durée des missions, il sera plus rationnel de nous attaquer d'abord aux géocroiseurs et aux astéroïdes Apollo-Amor malgré l'intervalle énergétique qui nous sépare d'eux:celui-ci est dû à l'excentricité de leur plan orbital par rapport au plan orbital terrestre. Cet intervalle énergétique nous rend difficiles à atteindre un grand nombre d'entre eux qui coupent régulièrement l'orbite terrestre à des distances relativement proches. Il existe toutefois quelques-uns de ces astéroïdes (ici de type Apollo) qui sont accessibles avec un Delta-V propulsif se situant à la limite de ce que nous pouvons faire en matière de techniques spatiales. Nous en dressons la liste suivante en donnant entre parenthèses leur inclinaison en de grs sur l'écliptique: ce sont les astéroïdes 1976 UA (5,9),1977 HB (9,4), TORO (9,4), 1973 EC (8,7), EROS (10,8), ADONIS (1,4), APOLLO (6,4), GEOGRAPHOS (13,3), AMOR (11,9), IVAR (8,4), QUETZALCOATL (1,3) et 1980 DB (1,2). Sur ces 11 astéroïdes, 5 d'entre eux peuvent être atteints par un vaisseau terrien au prix d'une trajectoire énergétiquement et économiquement comparable à une trajectoire lunaire. Malheureusement, sauf pour ce qui concerne 1980 DB, l'analyse spectrale a révélé que ces proches candidats n'étaient pas les plus intéressants pour une exploitation de masse car ils sont probablement des noyaux résiduels de comètes dégazées. Il faudra donc chercher ailleurs et, pour parvenir à cet "ailleurs" se donner les moyens en termes de logistique et de propulsion, autrement dit se doter d'une politique spatiale digne de ce nom et encore plus ambitieuse que ce qui a été fait avec le programme Apo11o.L'orbite particulière des candidats Apollo-Amor,plus intéressants en contenu de matériaux que ceux que nous venons de citer, nous oblige à raisonner sur les notions d'intervalle énergétique et de Delta-V propulsif qui doivent être utilisés lors de fenêtres d'interception:tous les astéroïdes Apollo-Amor ont au cours de leur parcours orbital, pour des raisons d'inclinaison ou d'excentricité, une phase au cours de laquelle ils sont plus accessibles à des vaisseaux venus de la Lune ou de l'orbite basse terrestre. Ce maillon faible peut être utilisé au prix de savants calculs de temps et de trajectoires canine l'ont fait les travaux des pionniers américains David Bender, R.Scott Dunbar, David J.Ross et Robert Salkeld: ce dernier est également connu pour avoir imaginé 4 types différents de navettes géolunaires qui furent présentées dans un document distribué lors du colloque annuel IAF 2001 qui s'est déroulé en Octobre de la même année à Toulouse. Premier point à souligner,ces études montrent que les ressources de certains astéroïdes peuvent être compétitives avec les ressources lunaires et confirment sur ce point les analyses de Gerard K. O'Neill et de Brian O'Leary. Second point à souligner, à part pour quelques rares astéroïdes à intervalle énergétique proche, il nous faudra renoncer à utiliser la propulsion cryotechnique (même avec l'apport de moteurs â méthane) pour nous tourner vers d'autres solutions canine les accélérateurs électromagnétiques de masse et la propulsion nucléaire (nucléothermique ou nuclëoélectrique) dans un premier temps puis vers la fusion thermonucléaire avec tous les avantages que cela comporte en matière de médecine du fait de la réduction considérable du temps des missions.

Rappelons qu'un des objectifs, mais pas le seul, de l'utilisation des ressources des astéroïdes est de fournir à a Lune les éléments qui lui manquent (azote et carbone) et, selon l'ingénieur américain Jesco Von Puttkamer et l'astrophysicien 0'Leary, l'option Apollo-Amor, plus proches géographiquement mais pas toujours énergétiquement par rapport aux astéroïdes situés entre Mars et Jupiter, s'impose pour un temps assez long par rapport à ces derniers: l'utilisation de leurs ressources, ~faisant appel à des concepts de propulsion révolutionnaires, nous permettra ultérieurement d'asseoir sur des bases solides la conquête par l'Homme du Système Solaire.
Autre problème au moins aussi important que les différences de plans orbitaux, les astéroïdes Apollo-Amor se déplacent sur leurs orbites propres à des vitesses différentes de celle de la Terre (plus ou moins vite selon que l'astéroïde est plus ou moins éloigné du Soleil par rapport à notre planète).Ceci implique pour notre vaisseau de franchir déjà deux fois cette distance pour les phases d'aller et retour et de modifier d'un même nombre de fois son orbite en dépensant un supplément d'énergie important pour passer du plan vertical moyen de notre système Terre-Lune à celui des astéroïdes et vice-versa. Comme nous l'avions souligné, sur le plan technique, il est évident que pour utiliser à un coût acceptable les ressources de ces astéroïdes "proches" mais éloignés en termes d'intervalle énergétique, il faut utiliser des systèmes de propulsion adéquats et novateurs. Cet impératif est toujours vrai même si, dans certains cas, il serait possible de diminuer la dépense énergétique et d'augmenter la masse d'emport par le biais de la gravité de la planète Vénus selon la technique classique du levier gravitationnel utilisée notamment un niveau de Jupiter par la sonde solaire polaire Ulysse.

Pour atteindre et utiliser les ressources des astéroïdes, il faut être capable d'amener sur place de grandes quantités de matériel de forage ou minier, offrir un maximum de confort de grande qualité aux astronautes qui participeront aux missions, posséder des tankers capables de ramener vers les bases en orbite lunaire ou terrestre les matériaux recherchés, emporter un important matériel robotique car le travail d'extraction se fera au prix d'une association homme-robot, et choisir des solutions propulsives associées à des parties en rotation ( pour permettre une forme de gravité artificielle) tout en faisant les bons choix pour minimiser la durée de la mission. Il n'est pas inutile de rappeler que le record de durée et de travail dans l'espace est détenu par le médecin et cosmonaute russe Valeri Polyakov qui a effectué deux séjours sur la station MIR dont le deuxième (du 10 Janvier 1994 au 22 Mars 1995) lui a permis de devenir le détenteur humain incontesté de temps de présence dans l'espace avec 437 jours et 18 heures. Les résultats de cette expérience sont les suivants: un astronaute parfaitement entraîné peut s'adapter à un travail de longue durée dans l'espace ou dans une station mais il y a une limite au delà de laquelle il ne faut pas aller sous peine de conséquences graves pour les organismes. Cette réalité nous interpelle pour ce qui concerne l'exploitation des ressources des astéroïdes et il faudra, outre des mesures de gravité artificielle, minimiser les temps de missions par des solutions novatrices: cet aspect du problème nous semble avoir été négligé lors de certains scénarios imaginés notamment par O'Neill pour ce qui concerne la solution de l'accélérateur électromagnétique spatial chargé d'assurer le transport et vice-versa entre les Points de Lagrange d'équilibre du système Terre-Lune L4 et L5 (où il souhaitait installer ses prodigieux projets de villes spatiales) et la zone des astéroïdes situés entre Mars et Jupiter que, contrairement à O'Leary, i1 préférait aux astéroïdes Apollo-Amor. Selon O'Neill: "Mesurée en termes d'énergie, la distance entre L5 et les astéroïdes est presque exactement la même que celle qui sépare L5 de la Terre." Ceci est vrai mais il faut tenir compte du temps de poussée nécessaire sur lequel il ne s'étend pas trop longuement même s'il reste lucide sur la complexité des manoeuvres à effectuer:" Pour un ingénieur en astronautique, cet intervalle énergétique se mesure par les changements de vitesse qu'il faut opérer pour modifier le rayon de l'orbite et passer du plan de l'orbite de l'astéroïde à celui du système Terre-Lune. En moyenne un astéroïde parcourt son orbite à la vitesse de 24 kilomètres par seconde. La Terre, plus proche du Soleil, et par conséquent plus fortement attirée par lui, doit se mouvoir plus vite, à environ 30 kilomètres par seconde, pour ne pas tomber vers l'étoile. Que l'on aille vers un astéroïde ou que l'on en revienne, on doit franchir cette différence de 6 kilomètres seconde. Il faut ensuite modifier sa vitesse pour compenser l'excentricité (défaut de circularité) de l'orbite de l'astéroïde. La plupart d'entre eux se déplacent dans des plans inclinés par rapport au plan de l'orbite terrestre ( ou écliptique).Il faut enregistrer un changement de vitesse de 0,5 km-seconde pour chaque degré de l'inclinaison d'un plan sur l'autre. Si l'on recherche parmi tous les astéroïdes ceux dont l'orbite est propice et si l'on calcule l'intervalle global qui les sépare de L5, on trouve presque dans tous les cas un chiffre avoisinant 10 kilomètres-seconde. L'intervalle de vitesse séparant la surface terrestre de L5 est tout à fait comparable puisqu'il
se situe à 11,4 km-seconde."

O'Neill, malgré ses qualités et ses talents de visionnaire, était obsédé par ses idées antinucléaires, en matière de propulsion et aussi pour ce qui concerne l'énergie de fusion à laquelle il ne croyait guère. Il ne faut pas s'étonner de ses choix en matière de propulsion pour ce qui concerne les astéroïdes et ses penchants pour la solution de l'accélérateur électromagnétique spatial dérivé de l'accélérateur électromagnétique envisagé pour envoyer les produits lunaires sur une orbite cislunaire basse au moyen d'un incrément de vitesse de 1,7 kilomètre-seconde. En matière de colonisation et d'industrialisation des astéroïdes, la stratégie suivie par 0'Neill n'est pas ce qui se fait de mieux, elle pose problème pour ce qui concerne son insertion dans le processus de développement lunaire et il existe , de notre point de vue, des solutions plus porteuses qui nous feraient gagner plus de temps.

Le premier projet présenté d'accélérateur électromagnétique de masse spatial consistait en un véhicule de transfert orbital utilisant comme masse de réaction les matériaux concassés de l'External Tank (réservoir de la navette) et utilisé comme étage supérieur ë partir de l'orbite basse: le grand inconvénient du système (envisagé pour la transfert de matériel en orbite géostationnaire ou haute) était de polluer l'orbite basse et les plus élevées par des débris qui peuvent se révéler dangereux pour les missions spatiales. Autre inconvénient,du fait que les missions spatiales de navettes ne se produisent pas â intervalles réguliers, le nombre de possibilités de lancement n'est pas très élevé et, de ce point~E de vue, reste moins intéressant qu'un vaisseau interorbital à propulsion chimique de type TUG. Déjà à ce niveau apparaît une impasse technologique et économique mais qui ne remet pas en cause le principe de fonctionnement des accélérateurs électromagnétiques.

Dans son étude datant de 1976, et dénommée "Ames Summer Study on Space Settlements’' ,la Nasa a élaboré divers scénarios faisant appel à des accélérateurs électromagnétiques de masse pour mettre en oeuvre les premières missions d'exploitation des matériaux des astéroïdes. Les conclusions sont les suivantes:les performances de ces accélérateurs électromagnétiques de masse pourraient nous permettre d'atteindre en 6 mois les objets Apollo-Amor offrant le plus faible intervalle énergétique mais également que la plupart des missions sur des objets à intervalles plus élevés ne nous seraient accessibles qu'au prix d'une mission s'étalant sur 2,5 à 3 ans en incluant le temps de retour. Les mêmes études, effectuant des investigations sur la conception de nouveaux équipements miniers, le traitement des éléments volatils et des métaux libres sur les astéroïdes eux-mêmes, en incluant toutes les variables et paramètres identifiés, concluaient que l'option extraction à partir des astéroïdes était compétitive avec l'option extraction à partir des éléments lunaires pour les usines spatiales et les centrales solaires SPS. Une autre conclusion était que les astéroïdes classés "chondrites carbonacées", même dans le cadre du système technique émergent, procureraient un avantage par rapport aux fournitures terrestres en matières premières comme l'azote, l'hydrogène et le carbone. Toujours selon le même document, il était prévu un scénario de développement d'un accélérateur électromagnétique de masse de 100 N1W assemblé dans l'espace avec environ 50 vols navette, et qui aurait été â la rencontre d'un astéroïde avec des propulseurs ioniques dans le but d'extraire environ 22 % d'un astéroïde de 200 tonnes de diamètre ( 1 x 10 puissance 7 tonnes métriques) par le biais d'un accroissement de vitesse de 3 kilomètres-seconde pendant 5 ans. Tout ceci est fort déraisonnable et idéaliste dans le mauvais sens du terme car il nous faut une plus forte poussée et réduire le temps de voyage permis par ces accélérateurs de masse dénommés MDRE (Mass Driver Reactor Engine)

Il faut également éviter cette solution inconséquente d'utiliser un NDRE comme étage supérieur de la navette pour atteindre les astéroïdes les plus proches énergétiquement et de croire qu'il soit possible, par ces moyens, de commencer l'exploitation des astéroïdes avec un budget comparable à celui du programme Apollo ou bien encore, comme O'Neill et toujours avec les mêmes moyens,de penser qu'il soit possible d'exploiter de façon économique les matériaux des astéroïdes pour les habitats en orbite terrestre haute et les centrales énergétiques solaires.

Le problème fondamental de l'exploitation des richesses des astéroïdes se résume à 4 points:

1) atteindre l'astéroïde dans le minimum de temps

2) extraire le maximum d'éléments intéressants de celui-ci en bénéficiant d'un moyen de transport à grande capacité et assurant le coût au kilo le plus bas possible grâce à l'importance de la masse d'emport.

3) autre solution:être capable,en installant sur l'astéroïde un système de propulsion,de déplacer celui-ci vers une orbite terrestre ou lunaire avant exploitation en utilisant la masse de l'astéroïde par réaction au moyen d'un MDRE ou de sa variante dite conducteur de masse et dotée d'énormes panneaux solaires.

4) posséder un système de remorqueurs pour la phase départ vers l'astéroïde et la phase retour: ce fait a été bien vu par Gerard O'Neill mais son raisonnement pêche par le fait qu'il ne nous dit rien de la base (et des astronautes) d'où doit partir ce remorqueur pour la phase retour, ni des conditions de vie imposées à ces astronautes. Pour nos lecteurs, il convient de retenir que l'accélérateur électromagnétique, excepté pour les deux phases aller et retour de remorquage, fonctionne automatiquement dans l'espace pour le trajet qui va l'amener vers une installation dénommée SMF (Space Manufacturing Facility).

Sur le point 1, l'accélérateur électromagnétique spatial est bien moins performant qu'un vaisseau à propulsion nucléaire:certaines études montrent que pour la même mission vers un astéroïde il faudrait, pour un accélérateur électromagnétique de masse, une durée de voyage aller et retour de 2 ans et demi contre 12 â 18 mois pour un vaisseau à propulsion nucléaire fonctionnant sur le principe du nuclëothermique (dont l'impulsion spécifique est de 900 secondes contre 450 pour les meilleurs moteurs cryotechniques) et qui pourrait être alimenté par l'hydrogène trouvé sur l'astéroïde et liquéfié. Avant que la fusion ait été mise au point, il serait possible d'opérer avec des réacteurs de type NTR (conçus par Stanley Borowski) qui auraient en outre pour particularité de pouvoir fournir de l'électricité aux systèmes robotiques destinés à l'extraction et au traitement des matériaux des astéroïdes. En partant des connaissances et de l'acquis que nous possédons, il faudrait un peu moins de 10 ans de recherche-développement pour aboutir à la mise au point d'un tel réacteur qui pourrait être disponible bien avant les débuts de la colonisation lunaire !

Sur le point 2, il n'y a aucun avantage d'un des deux systèmes par rapport à l'autre pour ce qui concerne la capacité d'emport qui sera, dans l'un et l'autre cas, élevée. Il y a toutefois avantage pour le nucléaire qui n'éjectera dans l'espace que de l'hydrogène hyper chaud alors que le MDRE polluera sa route aussi bien à l'aller (scories et déchets lunaires) qu'au retour (Masse de réaction obtenue avec de la matière provenant de l'astéroïde) avec des petites pierres et des quantités énormes de poussières qui, sur un laps de temps très long, pourraient constituer un danger à prendre en considération pour la navigation interplanétaire.

Sur le point 3, ramener un astéroïde en orbite lunaire ou terrestre ou au SMF (qui selon H.H. Koelle, et pour être rentable devra pendant un traiter au moins 30000 tonnes de matériaux lunaires ou venus des astéroïdes) les critiques que l'on peut faire au NDRE sont les mêmes que pour le point 2. Il serait en outre également facile d'installer des moteurs nucléothermiques à hydrogène ou même des moteurs nucléoélectriques pour pousser ces astéroïdes sur des orbites terrestres après les avoir harponné puis ficelé avec des câbles: ceux-ci pourraient financer la plus grande part des projets de colonisation lunaire et martienne en amenant de plus les éléments qui manquent à la Lune.

Sur le point 4, l'avantage est incontestablement au nucléaire qui n'a pas besoin de remorqueurs pour les phases aller et retour, et peut offrir à l'équipage des conditions de vie acceptables grâce à une partie rotative. Les barges de transport, qui pourraient atteindre 10 à 15 kilomètres de long, seraient construites avec des matériaux lunaires dans un premier temps avant que le relais soit passé aux ressources des astéroïdes. Avec une politique audacieuse nous pourrions faire beaucoup mieux et plus rapidement que la stratégie d' 0’Neill qui était focalisée à l'extrême sur le fait que les premières expéditions vers les astéroïdes devraient attendre que les premières usines spatiales aient été installées à L5 :Il est vrai que sa stratégie était concentrée sur ses concepts de villes de l'espace et de construction de centrales solaires SPS pour assurer la viabilité économique de ses cités. Il serait également possible, grâce à l'installation de propulseurs nucléaires sur ces astéroïdes, de désorbiter progressivement ceux-ci au prix d'un Delta-V élevé et de les amener sur des orbites lunaires ou terrestres où ils pourraient devenir des centres d'extraction permettant de juteux bénéfices. La colonisation et l'industrialisation des astéroïdes vont nous permettre également d'intégrer de nouvelles compétences dans notre stratégie de conquête de l'espace. Parmi les objets qui coupent régulièrement l'orbite terrestre à des distances proches (membres du groupe Apollo comme Apollo lui-même, ou 2101 Adonis (diamètre de 2 kilomètres) "perdu" en 1937 puis "retrouvé" en 1977, 433 Eros (d'une masse de 7 x 16 x 35 kilomètres), il est une caractéristique compliquant, à savoir que ces astéroïdes effectuent une rotation sur eux-mêmes en un peu plus de 4 heures. Que l'on veuille transférer ces astéroïdes vers une orbite terrestre ou cislunaire ou les exploiter sur place, nous devons faire face â une délicate phase de harponnage qui implique un très long câble afin que celui-ci ne soit pas tendu au point que la rotation de l'astéroïde contribue à casser celui-ci. Une des solutions possibles est qu'un vaisseau à propulsion nucléaire, équipé très sophistiqué et disposant d'une super équipe d'astronautes habitués aux sorties extravéhiculaires, dépose à la surface de l'astéroïde toute une série de piolets reliés à des câbles: Plus ceux-ci seront nombreux, mieux cela vaudra car l'astuce, ici, consiste à utiliser la rotation de l'astéroïde pour progressivement l'immobiliser en tirant dans le sens opposé à celui-ci. Une fois celui-ci ficelé, il sera alors possible de l'immobiliser et de déposer à sa surface équipements miniers semi robotisés, d'y extraire l'hydrogène, l'eau et les métaux qui seraient séparés des minerais au sein desquels ils se trouvent par des fours solaires. La colonisation du système solaire repose sur 3 matrices incontournables:l'industrialisation de la Lune, celle des astéroïdes et le nucléaire spatial qui, entre autres missions, pourrait permettre de pousser efficacement ceux-ci vers le système Terre-Lune sans créer de dégâts pour l'environnement interplanétaire. Il nous semble évident, comme ce fut le cas pour René Pellat qui exerça des fonctions importantes au CEA et au CNES, que si l'opposition catastrophique liée au refus de la propulsion nucléaire était adoptée, la possibilité d'une présence humaine permanente dans l'espace ne serait guère envisageable qu'en orbite terrestre basse ou sur la Lune, et ce à un niveau limité:dès lors il serait présomptueux de parler sérieusement de conquête de l'espace. Comme l'a écrit René Pellat: "Il faudra améliorer l'accès à l'espace par des solutions techniques nouvelles, condition indispensable à la colonisation de la Lune ou de Mars. Il est compréhensible que certains voient dans une station spatiale internationale un symbole d'une civilisation à l'échelle planétaire mais c'est aussi un constat de nos limites techniques actuelles. Le jour où l'humanité aura surmonté techniquement, et surtout politiquement, ses inquiétudes sur l'emploi de l'énergie nucléaire, d'autres perspectives s'ouvriront."

Philippe Jamet

Journaliste freelance.

NDLR : les propos tenus dans ce texte n’engagent que l’auteur.


 

Sommaire
 
 
 
  • Les 15 nouvelles propositions sur 5 ans pour une Initiative Spatiale Européenne.
 
 



1. Exprimer les raisons d'entreprendre un programme spatial habité ambitieux et vital pour l'avenir et notamment celui de la jeunesse européenne.

2. Traduire ces concepts en une volonté politique, économique, culturelle et stratégique.

3. Mobiliser les entités communautaires concernées, inciter la puissance économique et le secteur industriel à participer à cette entreprise.

4. L'Université, la Recherche, l'Education doivent être des partenaires privilégiés, dynamiques de cette Initiative Spatiale Européenne.

5. Coordination des moyens, des capacités, du savoir faire et des objectifs des pays européens participants. Une coopération internationale équilibrée est concevable.

Un moyen d'accès habité européen indépendant à l'espace avant la fin d'un quinquennat :

6. Développer un lanceur classique capable placer un module habité en orbite basse et en toute sécurité (surveillance intégrée de l'état des systèmes du véhicule).

7. Exploitation du cargo automatique ATV.

8. Mise à l'étude d'un module habité (capsule, corps portant, semi portant ou engin ailé) dans le but d'acquérir le plus rapidement possible la capacité de d'envoyer en orbite basse et de faire revenir 2 ou 3 astronautes 6 à 7 fois par an.

9. Exploitation du module d'expérimentations européen Columbus sur L'ISS. Renégociation des accords pour une utilisation plus large de cette infrastructure. Participation plus dynamique au programme ISS.

10. Après un délai de réflexion, le point 8 ayant été éclairé, développement industriel de ce qui fut choisi en tant que module habité pour le lanceur.

11. Apprentissage et maîtrise des opérations dans l'Espace. Utilisation de l'ISS et des annexes développées pour «apprendre» l'espace dans tous les domaines: Sciences, Applications, Banc d'essai, ou Université spatiale.

12. Utilisation de toutes les ressources des sciences commerciales et du management afin de créer un marché et d'inciter à la naissance d'entreprises privées dans l'espace.

Poursuite des études et travaux préparatoires pour l'Initiative Spatiale Européenne à moyen et à long terme :

13. Un système de transport au long court (équivalent du CEV US) de l'orbite basse vers la Lune, les points de Lagrange et au delà, ainsi que développement du le nucléaire comme propulsion et source d'énergie dans l'espace doivent être envisagés dès maintenant.

14. Une civilisation étendant ses activités à l'orbite basse et au-delà a besoin d'un système de transport efficace, trois pistes de travail peuvent se dessiner : Une plus classique avec des véhicules réutilisables SSTO, TSTO – Ou comme la Magnétohydrodynamique (MHD) – Ou l’ascenseur spatial. De cet ensemble, il faut trouver le moyen le plus efficient et opérationnel pour atteindre l'orbite basse terrestre et débuter les travaux sur le système d'accès le plus prometteur.

15. Resserrer et préciser toutes les études concernant l'exploration et l'exploitation de la Lune, Mars ou des astéroïdes.

Commentaires sur les modifications.

Les 15 propositions sur 5 ans ont été modifiées afin de les rendre plus percutantes et surtout plus efficaces. Vous l’avez sûrement constaté, le style a été épuré, des exemples précis retirés et le trait volontairement stylisé. Avant tout, nous avons souhaité insister sur l’aspect politique de ces propositions, d’où la mise en avant des 5 premiers points. La réorganisation du papier découle de cette mise en avant volontaire – des prérogatives politiques et plutôt générales, une partie programmatique sur le court terme (accès habité en LEO), et une dernière partie préparant le long terme - Dans la même perspective, nous avons retiré les exemples précis qui illustraient le texte précédent comme les projets industriels (pre-X, Hotol…) ou les divers programmes d’agences. Il s’agissait de rendre le texte plus perceptible politiquement et moins technique. Aux agences, et institutions concernées de trouver la technicité à déployer afin d’accomplir les points proposés ! Il s’agissait donc de rester suffisamment général pour que les points soient accessibles à tous, et suffisamment précis afin de mieux guider notre volonté et éclairer notre position sur le sujet de manière réaliste et objective.

Le premier grand changement concerne les 5 premiers points. Regrouper ces 5 points comme postulat de départ à toute politique permettra de mieux concrétiser les activités de l’homme dans l’espace. Notons que ce n’est pas qu’une introduction, ce sont de véritables prérogatives d’ordre politique, économique, structurel et culturel afin de préparer le reste des propositions. Un effort fut aussi porté sur l’effacement de structures nationales au profit de l’Europe. L’université, la recherche et l’Education ont été mises sur un pied d’égalité afin de rendre ce mouvement plus probant politiquement, ce dernier triptyque est crucial pour rendre accessible à la société civile le programme spatial européen. L’aspect industriel et d’entreprise privé a été divisé en deux parties ; la première regroupée au point 3, dans cadre de la mobilisation pour une politique spatiale, le deuxième dans le point 12, à la suite du programme à court terme, afin d’insuffler un vent nouveau et commercial sur le mouvement engagé par les 15 propositions. L’effort politique porté sur ce projet sera une des clés du succès de ces propositions.

Le second grand changement concerne Ariane V. Nous avons supprimé les références à ce lanceur, afin de rendre plus probables les 15 propositions. En effet, nous avons constaté que l’utilisation du terme ‘’lanceur classique capable de placer un module habité en toute sécurité’’ était suffisamment large pour intégrer Ariane V, une Ariane VI ou toutes autres idées de lanceur européen. Nous sommes, que trop, conscients des problèmes inhérents à Ariane V. Sa fiabilisation, le fait de la rendre habitable, la remise à niveau informatique, ou les coûts financiers induits ne font qu’ajouter des problèmes à la situation actuelle. Trop souvent, nous avons entendu que ce lanceur était tout juste bon qu’à faire des lancements doubles de satellites et que le rendre man-rated poserait plus de problème qu’il n’en résoudrait. Nous avons donc décidé de styliser ce lanceur en ne le dénommant plus. Cela pourra être une Ariane V man-rated (comme nous l’avions déjà proposé), une Ariane VI, ou tout autre lanceur fabriqué par les Européens (et nous insistons sur ce dernier point : cf. notre position sur Soyouz à Kourou). Dans la même perspective, nous avons stylisé le module habité proposé tout en en lui spécifiant les buts de sa mission (2-3 astronautes, 6 à 7 fois par an, corps portant, semi-portant, capsule ou véhicule ailé).

Enfin la troisième partie a été rendue plus générale et moins précise dans ses caractéristiques, néanmoins, les objectifs sont inchangés : la Lune et/ou Mars.

Vous l’avez compris, nous avons souhaité rendre le papier plus générique et surtout plus politique. L’état actuel des propositions les rend quasi intemporelles ce qui est fondamental pour une feuille de route politique.

L’acquisition d’un moyen d’accès habité européen à l’espace avant la fin d’un quinquennat constitue la première partie de cette initiative, elle est estimée à 30 milliards d’euro sur cinq années et permet de parvenir à la possibilité d’ouvrir de nouveaux potentiels d’activités en orbite basse : Quelques chiffres relativisent ce qui pour certains paraît énorme ! Cela représente 4 fois le prix des jeux olympiques d’Athènes en 2004, 1/3 du budget prévu pour la loi de programme militaire française de 2003-2008, en 2003 Bruxelles parlait de 22 projets infrastructurels pour 250 milliards d’euro ! Quid ? L’Etat français disposerait de plus de 100 milliards d’euro de recettes avec les privatisations prévues !, etc. etc. etc. Ou si vous préférez, cela peut se concrétiser par 14 euro par an par membre de la Communauté Européenne pour réussir un avenir !

D’autres, enfermés dans leur logique, prétendent que cet argent serait mieux dépensé dans l’environnement ou dans la lutte contre la pauvreté. Nous pensons différemment : l’imagination, le progrès et la créativité doivent être à l’ordre du jour pour concevoir un système économique humain, capable de proposer à tous des potentiels d’activités dignes, intéressantes, correctement rémunérées et librement choisies. De facto, un défi de haute volée - exigeant un apport de toutes les disciplines scientifiques, des capacités économiques industrielles et d’éducation pour être mener à bien - produit ces potentiels et leurs dérivées qui fourniront des solutions à la maladie, à la misère et à l’état de la planète.

Enfin le problème à résoudre n’est pas de savoir si tel ou tel « Spécialiste » impliqué dans le spatial juge cette initiative chimérique ou irréelle par rapport à ce qu’il perçoit du contexte économique actuel ; de même qu’il est évident que la Commission Européenne actuelle, d’idéologie libérale et ne croyant pas dans l’espace habité, ne financera pas un grand programme de ce genre. La seule solution, longue, ardue, demandant de la perspicacité, mais finalement donnant un sens à la vie, consiste à recréer un mouvement politique de citoyens concernés par l’avenir de leurs enfants, en faveur de cette hypothèse spatiale. Une civilisation étendant ses activités à l’espace est la seule voie offrant un avenir décent et enthousiasmant à Tous. Le combat politique est là, ces propositions l’amorcent !

La rédaction.


Sommaire
   
 
  • Paradoxes ! - AT.
 
 

Cette fin d’été nous réserve quelques beaux spécimens d’anthologie de politique spatiale !

Le premier apparaît avec la navette, en effet cette dernière après ses multiples améliorations aux coûts les plus élevés revolera peut-être en 2005, mais toujours, comme n’importe quel engin, avec un risque d’accident non nul. Et pourtant quelle leçon, complètement ignorée, pour les fanatiques du « cheaper » avant l’heure, qu’étaient ces décideurs du début des années 1970 ! Une petite lettre parue dans la revue Aviation Week & Space Technology du 16 août 2004 intitulée :« Retain shuttle workhorse » d’un ingénieur impliqué dans le programme nous remémore la gabegie qui présidait à sa création. Rappelez vous à l’époque l’on disait à la Nasa que le General Accounting Office était le véritable « ingénieur-concepteur » de la configuration de l’engin. Après 25 ans, deux accidents, une centaine de missions dont la diversité se rétrécit de plus en plus, quel est le prix de ces décisions politiques d’amateurs ? Et cela continue avec le chemin de croix de l’ISS !!!

Un Président propose une initiative spatiale cohérente mi-janvier 2004, puis volontairement ou pas, ne la défend plus, n’en parle plus et l’ignore pour le reste de son mandat ! Le summum est atteint avec la plateforme Républicaine édition 2004 qui se résume à deux lignes de banalités sur l’espace issues d’un texte vieux de quatre ans !!!

Au Congrès, certains Sénateurs « ténors pro-spatiaux » demandaient depuis des années à corps et à cris un objectif pour la NASA, elle devait sortir de « ce morne manège orbital » (l’expression n’est pas d’un élu américain, mais d’un autre ‘incontournable’, opposé à l’homme dans l’espace, de ce côté ci de l’Atlantique). Ce fut fait avec l’initiative proposée le 14 janvier. Au moment d’allouer quelques crédits mineurs permettant de débuter timidement les travaux, ces mêmes parlementaires, pour des motifs futiles ou des arguments comptables méconnaissant le fonctionnement d’entreprises à long-terme, provoquent le blocage du processus !!!

Pendant ce temps, avec Hubble, l’Administrateur de la NASA Sean O’Keefe, se dit prêt à investir 1 milliard à 1,6 milliards ( certains estiment le coût de l’entreprise jusqu’à 2,3 milliards) dans une mission de maintenance automatique incertaine d’un engin dont il ne reste que quelques années à observer l’univers et dont les découvertes lointaines peuvent encore patienter quelques instants !!! Comment, d’un côté, refuser 1 milliard de dollar à l’initiative présidentielle pour des raisons de déficit budgétaire ou manque de justesse dans les estimations et vouloir faire accepter de l’autre une mission complétement aléatoire avec une imprécision sur les coûts encore plus grande ! Comment vouloir conquérir la Lune et Mars, si l’envoi d’astronautes à 300 kilomètres, sur une mission déjà effectuée deux fois est jugé incertain donc insoutenable ! (Remarquez que la NASA supporte un jeu vidéo « éducatif » où la conquête de Mars se réalise sans aucun risque comme dans un monde virtuel !). Ce soutien émotionnel, très médiatisé et quasi unanime au télescope spatial reflète quelque part une réaction primaire envers d’autres choix gouvernementaux adoptés par le président Bush et son administration, mais cache surtout une lourde erreur induite par des concepts politiques et économiques menant à une impasse : l’exploration (et son annexe, la recherche de la vie) serait le seul motif fondamental pour une aventure spatiale future ! Et pourtant, ni les phéniciens, ni les grecs, ni les vénitiens, ni les portugais, ni les anglais, et ni ceux qui organisèrent Apollo, ne partirent et ne le firent uniquement pour l’exploration. C’est l’esprit humain qui imagine, que là-bas, ailleurs, (sur le côtes d’Afrique, en Amérique, sur la Lune ou sur Mars, et au-delà) il soit possible d’y mener une activité qui rapporterait quelque chose en fonction d’un intérêt, d’une culture, où tout serait meilleur : peut-être, entre autres la science, mais aussi et surtout les « affaires ». C’est ce processus global, mélange d’imagination, d’espoir, de curiosité, d’intérêts, de pressentiment d’opportunités qui incite à construire des moyens pour ouvrir de nouveaux potentiels. (Dans le cas d’Apollo, il s’agissait de redynamiser l’économie américaine par le procédé classique « rooseveltien » du grand programme, la Guerre Froide exigeait des résultats, le vol de Gagarine ne fut que le déclencheur d’une idée qui avait ses racines bien avant 1961). 50 milliards de dollars dans une mission martienne pour ramener quelques échantillons et des photos seraient un gâchis, ce même montant inscrit au compte d’une volonté d’établissement de l’homme en orbite basse, puis sur la Lune et vers Mars, afin d’y créer des potentiels d’activités futures - dont l’exploration et les sciences bénéficieraient – mais aussi l’industrie, les affaires etc… est un investissement rentable. En conséquence, paradoxalement, nous réaffirmons que l’exploration pure, n’est pas « driven », si elle veut perdurer, elle doit « embarquer avec » une impérativité du développement des activités de l’homme dans l’espace pour des raisons économiques et sociétales ; la seefaring ou la spacefaring civilization ont ceci en commun. Donc, la Raison exigerait qu’Hubble soit entretenu par les astronautes comme il était initialement prévu. Une proposition faite dans la revue Aviation Week & Space Technology du 6 septembre au courrier des lecteurs - d’utiliser un module de propulsion existant pour transférer le télescope de son orbite à celle de l’ISS où les opérations de maintenance s’effectueraient en sécurité et ensuite de le remettre à sa place - mériterait d’être étudiée, de plus elle rendrait à la station un rôle fondamental qui lui fut confisqué. Si la frilosité envers la navette prédomine, qu’Hubble s’éteigne, les 1 à 2,3 milliards seraient affectés à l’Initiative Spatiale, ils forceraient l’indécision, et lorsque nous reviendrions sur la Lune nous aurions pu y mettre tous les télescopes imaginés, et y acquérir toutes les potentialités scientifiques et économiques encore insoupçonnées.

Le dernier point est européen. Saluons la belle étude « Human Missions to Mars » réalisée par l’ESTEC et félicitations pour l’avoir rendue accessible à tous par Internet. Malgré les précautions insérées dans l’introduction nous ferons deux remarques :

Tout d’abord, cette mission humaine vers Mars, peu importe ses options technologiques, doit être inscrite, nous le répétons, non pas dans une élucubration édulcorée d’exploration, mais dans la stratégie beaucoup plus globale du développement des activité de l’homme dans l’espace afin de s’y assurer un avenir décent. Cette approche, génératrice de potentiels d’activités futures - dans laquelle s’inscrivent l’ISS et le retour sur la Lune - doit être travaillée, expliquée et comprise, afin que les citoyens européens et les grands groupes économiques, y voyant d’autres intérêts que l’aspect comptable ou culturel marginal, puissent la soutenir activement et politiquement. En dehors de cette stratégie incontournable, exigeant la reconstruction d’une ambiance politique, nous ne pensons pas que le système de pensées actuellement au pouvoir financerait une projet de cette ampleur pour envoyer pendant 900 jours quelques spationautes à l’autre bout du Système Solaire même pour y trouver un embryon de vie !

Bien sûr ce projet du CDF n’est qu’une ébauche, mais nous sommes un peu lassés de voir réapparaître l’eternel « Energya » accomodé décidément à toutes les sauces. Ce lanceur est « has been ». L’Europe peut et doit faire un lanceur « man rated » qu’elle dérivera en lanceur lourd, elle en a les capacités ! Qu’elle coopére avec les Chinois, les Indiens ou les Russes n’est pas le problème, mais elle doit être maître d’œuvre et décideur de l’utilisation de ce moyen d’accès à l’espace lui faisant actuellement défaut. Si nous souhaitons vraiment créer de nouveaux potentiels d’activités et enthousiasmer nos jeunes, commençons par créer ce premier outil fondamental pour la suite des événements, et évitons d’aller acheter fort cher, ailleurs, ce que nous pouvons construire en plus moderne et efficace !

En dehors de ces quelques remarques, Messieurs du CDF, continuez, vous sortez de la banalité et êtes sur la bonne voie !

AT.

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  • Un travailleur social plaide pour Mars - Rollie Lobsinger.
 
 

Présentation faite à la Conférence de la « Mars Society » à Chicago le jeudi 19 août 2004. Au-delà de l’aspect exploration de Mars, ce texte exprime parfaitement les enjeux incontournables auxquels nous devons faire face et propose une réponse adéquate par le développement de l’humanité dans l’espace. Nous devions le traduire afin qu’il connaisse une plus large diffusion :

Texte :

« Quand il n’y a plus de vision, le peuple périt » Proverbes 29 : 18.

L’exploration de Mars est une question de justice sociale exactement comme le sont la science et l’économie car le processus canalise les ressources humaines et l’intelligence pour créer de nouvelles possibilités pour tous – y compris pour les privés de droits.

Pourquoi devrions-nous aller vers Mars ? En tant que travailleur social on m’a dit que je ne peux pas plaider en faveur de l’exploration de Mars sans être en contradiction avec mes valeurs et ma profession. On me dit que nous avons besoin de nous concentrer sur les problèmes auxquels nous faisons face ici sur Terre et que la colonisation de Mars est un luxe que nous ne pouvons pas financer sans nuire à la lutte pour la liberté et la dignité engagée par les minorités, les femmes, les émigrants et les pauvres. Le message est le même venant de mes collègues ou du public. Nous avons des conflits ici, nous ne pouvons pas détourner de l’argent ou notre attention d’eux.

On attribue seulement à l’exploration de l’espace l’épuisement des ressources des programmes faits pour la lutte contre la pauvreté, pour la santé, l’éducation, les soins et la justice sociale. Ceci n’est pas seulement faux ; c’est l’opposé de ce que notre histoire nous montre. L’établissement d’un nouveau monde permit aux personnes réprimées et appauvries de l’ancien monde des opportunités inimaginables pour l’accession à la propriété privée, aux activités gouvernementales, à la création de nouvelles formes d’art et de contester les limitations qui leurs étaient imposées.

Nous devons aller sur Mars pour créer de nouvelles opportunités économiques et sociales pour les pauvres et les oppressés de la Terre. La colonisation de Mars engendrera des ouvertures inconnues en lançant une ère nouvelle d’innovations et de croissance qui est soutenable et indépendante des technologies brevetés ou des marchés conduits par le profit. Mars créera des occasions sociales ou économiques, pour les privés de droits, qui ne seraient jamais possibles avec les ressources limitées ici sur la Terre et la hiérarchie établie entre ceux qui possèdent et les démunis.

D’où pourront venir les situations nouvelles et de qualités dans le monde économique ? Certainement pas d’une économie globale de consommation qui doit continuellement déqualifier le travail et automatiser le production des biens et des services pour compenser les coûts.

Le travail humain continuant de perdre sa valeur et devenant de moins en moins cher ainsi que la composante la plus négociable de l’économie globale, nous devons nous demander d’où peut venir la volonté politique pour mettre un terme à la pauvreté. Nous avons besoin d’une nouvelle frontière pour hisser la valeur de chaque individu afin que des choix économiques soient faits pour investir plus dans le bien-être humain.

Le plus puissant des résultats négatifs provenant de la dévaluation globale des gens est le désespoir. Cela est démontré chaque jour par l’abus mondial de drogues, l’extrémisme religieux, l’expansion des budgets militaires et la croissance du séparatisme social. Aux Etats-Unis, des générations de jeunes noirs se sont autodétruites car la participation à la culture de gang est la seule option paraissant accessible. Ce schéma est répété dans le monde partout où la valeur des gens est réduite à zéro et où ils n’ont aucune raison de croire qu’ils peuvent progresser dans les circonstances présentes.

Ce manque d’espoir est révélé par une absence d’engagement envers les valeurs de la culture plus générale et n’est pas seulement visible dans les minorités privées de droits mais aussi parmi les jeunes des classes moyennes et supérieures. Y-aurait-il tant de jeunes impliqué dans la promiscuité, l’abus de drogues, la violence et le crime s’ils avaient quelque chose donnant envie de s’engager ? La dépression serait-elle la maladie mentale la plus communément diagnostiquée dans le monde occidental si plus de nos jeunes croyaient que leurs efforts étaient significatifs et productifs ? Carl Sagan, dans « The Pale Blue Dot », déclare que sans un « télos » une (mission sacrée) nous sommes abandonné sans espoir de transcender nos circonstances. Ceci paraît être le cas parmi nos jeunes et nos pauvres.

L’expansion globale de l’extrémisme religieux et politique est un autre indicateur du manque d’espoir et de direction. Tous nous cherchons une signification à nos vies – en l’absence d’alternatives positives, des choix violents et destructeurs peuvent devenir plus acceptables, spécialement parmi ceux qui se sentent impuissants à agir. Ce siècle nouveau a déjà été entaché par des génocides et la purification ethnique. Il semble peu probable que cela finisse si nous ne pouvons créer un véritable espoir et de véritables opportunités.

Sans aucun doute il y aura des problèmes sociaux sur Mars, mais il y aura aussi de nouvelles ressources, de nouvelles technologies, de nouvelles structures sociales et une nouvelle énergie qui nous permettrons de les aborder. Nous trouverons de nouvelles manières pour résoudre les problèmes existant sur Terre aussi bien que de nouvelles raisons pour vivre, apprendre et croître sur Mars. Nous ferons aussi des découvertes et rencontrerons des problèmes auxquels nous n’avons jamais pensé. Finalement, nous pouvons même trouver, que les différences entre les membres de la famille humaine sont sans importances comparées aux défis de la colonisation et à l’immensité de la nouvelle frontière.

Comment le futur nous jugera-t-il ? Comme des visionnaires ou autrement ? Les générations à venir peuvent demander pourquoi n’avons nous pas agi ? Et qui aurait-il eu de plus important que notre obligation morale pour le futur ? Serons nous condamnés pour notre pensée à court terme ?

En tant que travailleur social je sais que le changement personnel ou social n’est pas possible sans espoir. Espoir de vivre, pour la dignité, pour un standard de vie décent, pour le futur de nos enfants.

La fortune favorise le brave.

Rollie Lobsinger

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  • La Lune peut-elle être un arsenal ? - AT – Reprise des 2 premières parties.
 
 



Pour cette lettre, l’étude ‘’la Lune peut-elle être un arsenal ?’’ que vous pouvez retrouver ici a uniquement été enrichi de nombreuses autres références pour la période 1950-1963.

A.T.

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