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Réaction de la National Space Society France – Air et Cosmos – 1920 – 24/1/04


L’ESA, entre inertie et rêves !

Malgré les promesses du directeur général de l’ESA Jean-Jacques Dordain, les perspectives de l’année 2004 semblent assez sombres pour l’espace habité en Europe. Le budget concernant les vols habités baissera pour passer de 22% à 16% du budget total, dans le même temps, la participation de la France aux recettes de l’agence baissera d’un point. Rappelons que dans l’article de Christian Lardier intitulé ‘’Stabilité du budget de l’ESA en 2004’’parut dans Air et Cosmos N°1920 ; il est mis en valeur, involontairement, les paradoxes de l’agence : c'est-à-dire : de grandes déclarations d’intentions mais de si moyennes volontés relayées par de si faibles moyens. Les problèmes concernant, plus ou moins directement, l’espace habité s’accumulent sur le bureau du directeur général : Un budget des vols habités en baisse dramatique, des financements, déjà annoncés comme difficiles, pour EGAS, Soyouz à Kourou (cf. article dans la lettre N°6), le FLPP, ou l’ATV qui accumule les retards et annulations de commandes, les rechignements des européens à participer pleinement à l’ISS après 2010 (Allemagne) ou encore le mythique programme Aurora à qui il manque une malheureuse rallonge de 26 millions d’euros ! Parallèlement, nous pouvons entendre M. Dordain se plaindre sur le fait qu’il faudrait faire une augmentation du budget de 30% afin de satisfaire son agenda 2007 présenté, en petit comité, aux médias début janvier 2004 et qui lui tient de Vision complètement décalée des réalités du monde actuel. N’est-ce pas le travail du DG de l’ESA de faire ce travail de lobbying industriel et politique afin que Bruxelles et les pays créanciers augmentent leurs budgets ? Alors même que tous à l’agence européenne se félicitent de conserver leurs petits crédits, la Vision de la Direction Générale pour 2007 est déjà oubliée. Paradoxale agence. Le DG de l’ESA va devoir accorder ses budgets à ses paroles s’il veut être enfin pris au sérieux : les budgets réels de l’espace habité sont bien en dessous des rêves de M. Dordain.

2004, une grande année ? Avec un Livre Blanc qui ne parle pas d’espace habité, à peine d’Aurora et ne pense qu’aux applications à court terme, nous sommes loin d’un discours présidentiel si providentiel pour l’agence - L’annuelle mission de l’astronaute téléopérateur Kuipers avec la mission Delta - Une Ariane V/ECA qui va peut-être un jour volée, vers Juin 2004 - Une mission lunaire automatique dédiée à la Science, Rosetta - Une réorganisation structurelle de l’agence en avril 2004 qui ne fera que discréditer un peu plus le leadership au sein même de l’agence - Les discussions de la Commission de l’Union Européenne face aux américains pour éclaircir et définir la place des premiers dans la station des derniers - Une politique spatiale qui ne se limiterait pas à l’utilisation mais favoriserait l’inspiration (cad l’exploration et la Science) – tout en coupant ou ne finançant pas les budgets d’Aurora, d’Eddington, et Beppi Colombo (cad l’exploration et la Science ! ) - Mais trois lignes plus bas de l’article, nous pouvons lire que l’ESA ne sacrifiera pas d’applications au profit de l’inspiration ! Nous pensons qu’il n’est plus et pas le Temps de faire et d’exploiter des applications, même si certaines doivent être effectuées. L’inspiration pourrait engendrer une politique spatiale habitée ambitieuse. Les applications spatiales, seules, ne seront en aucun cas créateurs d’un potentiel d’activité fort. Le temps et la priorité ne sont pas à l’utilisation mais à l’exploration. La National Space Society France rappelle tout de même que l’Europe ne possède pas de lanceurs en service actuellement et ce depuis plus d’un an ! Commençons par maîtriser l’orbite avant de nous attaquer à la Lune ou Mars. Il n’est pas raisonnable, non plus, de penser qu’un programme comme Galileo ou les programmes scientifiques fassent, à eux seuls, ‘’vibrer’’ ou ‘’inspirer’’ une agence ; ils ne peuvent devenir une priorité, ni prendre l’importance qu’ils prennent actuellement. Ce genre d’applications est pourtant fondamentale et normale pour le développement de l’Europe comme puissance politique et stratégique mais insuffisant pour insuffler une ambition et inscrire ce même continent dans l’avenir. Mettre en avant les applications directes de l’Espace, c’est choisir la solution de facilité et, plus gravement, s’entraver toute politique spatiale plus ambitieuse pour le futur. Seule l’investissement au sommet de la pyramide technologique, que peut-être une politique spatiale habitée, permettra d’arroser les restes des applications de ses bénéfices.

‘’J’aimerai qu’un président de la République vienne nous voir pour parler d’espace (habité ?) dans nos murs’’. Tout le dilemme de l’ESA est contenu dans cette phrase : Faire sans ne rien faire. Que l’ESA propose un programme spatial habité raisonnable et suffisamment politique ! Les hommes politiques suivront ! Le travail de l’ESA (et de sa si médiocre – voir article dans le Figaro de C. Vanlerberghe - et contemporaine communication – que ce soit sur Beagle 2, Mars Express, Bush, Aurora ou encore l’ISS) est de faire connaître son action auprès des citoyens mais aussi, et surtout, auprès des décideurs de notre continent ! Nous espérons que l’ESA possède un carnet d’adresse suffisamment gros afin de rentrer en contact avec tous ! Pourquoi l’agence n’était-elle pas présente le soir de l’émission C dans l’Air sur France 5 le 24 janvier 2004 ? N’aurait-elle rien à dire ? N’a-t-elle rien à promouvoir avec Aurora ? Le vrai problème de l’agence spatiale européenne vient du fait qu’elle se refuse à développer une problématique concrète et porteuse d’ambition autour du spatial. Les déclarations de Jean-Jacques Dordain face à l’actualité américaine montrent à quel point l’ESA manque cruellement d’ambitions et dans le même temps, fait si peu d’effort pour sortir du bourbier dans laquelle elle s’est engluée depuis plus de 10 ans. Le Livre Blanc, encensé par M. Le commissaire Busquin ou le DG de l’agence européenne, ne contient aucun mot à propos d’une politique spatiale habitée ambitieuse. A contrario de ce que peut annoncer M. Busquin, nous affirmons que c’est tromper les citoyens, dire que le Livre Blanc est l’équivalent de la déclaration d’intention spatiale américaine de M. Bush. Que cela soit Me Haigneré, M. Busquin, M. Dordain ou M. D’escatha, tous ont rêvés le 15 janvier au matin d’espace habité, tous déclarèrent qu’il fallait faire quelque chose et reprendre les affaires en main, mais aucun ne prit l’initiative de relancer l’Union Européenne sur le rail de l’ambition en parallèle ou en coopération avec les Etats-Unis. Le débat ne prend pas…La passivité de certains, face à des budgets contraints semble montrer l’inertie affolante de l’agence spatiale européenne. Nous craignons le pire pour l’année 2004.

Pour autant, la National Space Society France ne souhaite pas être associée à ses oiseaux de mauvais augures. Nous avons toujours proposés des solutions aux problèmes que nous soulevons régulièrement. Notre démarche constructive nous a permit d’acquérir une certaine crédibilité ; notre indépendance et vigueur d’esprit nous permettent de croire qu’une solution existe. C’est la raison pour laquelle nous appelons l’ESA à convoquer des Etats-Généraux, dans les plus brefs délais, pour ce qui concerne la politique spatiale habitée de cette même agence. Il est temps que cette institution réponde aux citoyens européens de son engagement sur ce sujet. C’est une question qui nous concerne tous, nous souhaitons une réponse crédible et porteuse de solutions constructives. Il nous semble que l’ESA ait besoin d’un leadership politique charismatique, d’une volonté politique accrue (lobbying auprès de toutes les institutions), d’une politique de communication moderne, massive et novatrice envers le public et tous les décideurs politiques économiques, sociaux, scientifiques ou industriels, ainsi qu’une redéfinition complète de la programmation de l’agence suite aux Etats-Généraux qui auront été au préalablement effectués. Ces conditions permettraient dans un premier temps de relancer le débat et l’élan politique de l’agence. Cette dernière doit un avoir un but politique si ce n’est civique, c'est-à-dire servir les intérêts de l’Union Européenne comme entité politique forte. Quelle plus belle politique, qu’une visant à développer l’Homme dans l’Espace, tout en créant de nouveaux potentiels d’activités dans ce même continent pour tous ? Nous le répétons, ici : l’agence spatiale européenne possèdent les armes pour se battre contre cette inertie qui nous ronge de l’intérieur puis qui pousse notre volonté créatrice dans le fossé de paradoxes sans fin. Il s’agit, maintenant, de faire table rase du passé récent pour nous atteler à remettre l’Europe sur la voie d’une politique spatiale habitée ambitieuse qui nous permettra d’acquérir une crédibilité politique, économique, et stratégique inattendue. Cessons de rêver d’Espace ; Battons nous là où nos adversaires ne nous attendent pas, reprenons l’initiative et allons de l’avant. Bâtissons concrètement une Europe spatiale habitée vraiment ambitieuse, forte et déterminée.

La convocation d’assises générales ou d’Etats-Généraux pour redéfinir une politique spatiale habitée doit devenir la priorité de l’année. 2004 devra être une année charnière dans le processus décisionnel qui mènera à cette politique. Tous les partenaires du secteur, des associations civiques ou sociétales, partis politiques, syndicats, groupes de réflexions et de discussions, industriels, financiers, consultants, décideurs institutionnels, ou aux autres opinions en rapport indirect avec le spatial doivent y participer activement. Transformons la situation actuelle en une opportunité qui se représentera rarement ; redéfinissons, ensemble, la problématique d’une politique spatiale habitée ambitieuse. L’ESA doit revenir sur le devant de la scène ; elle en a les moyens, il suffit d’accorder ses dires à ses propos. Cessons de nous larmoyer. Faisons ce pas en avant. Que l’ESA devienne instigatrice d’un mouvement qui ne fera qu’embellir l’avenir de l’Union Européenne. L’Espace par l’Homme et pour l’Homme semble déchaîner les débats et les rêves actuellement, que l’agence spatiale européenne transforme ceux-ci en une réalité concrète mais ambitieuse. Soyons porteur d’avenir pour tous.

Nicolas Turcat
Etudiant en Histoire de l'Innovation en Sorbonne et Président de la National Space Society France.
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