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Par Georges Ballini - Auteur dramatique.

INTRODUCTION A L’ESPACE

S’il vous plaît, ne vous exposez pas à la lecture de la présente introduction dans le cadre des affaires du jour. Réservez-la plutôt pour un instant de répit. C’est à l’adepte de l’ouverture que je m’adresse.

Je fus pilote de ligne pendant trente ans et suis entré dans la vingt-huitième année de ma retraite. Au lendemain de la guerre, j’ai eu le privilège d’effectuer la traversée du Sahara pendant plusieurs années consécutives. Je pilotais alors un « Constellation ». Pour ce qui est de la navigation, la seule ressource était alors le sextant. Cinq ou six fois par mois, dans mon astrodôme, le ciel basculait d’un bord à l’autre de la nuit. Cinq ou six fois par mois, la Croix du Sud se levait et se couchait, suivie de près par le Centaure. Routine, assurément. Mais aussi, saine pratique. Ce faisant, Proxima du Centaure cessait d’être un point lumineux utilisé comme un phare répertorié, comme une balise utilitaire, et reprenait sa véritable dimension de corps céleste situé à une distance de quatre virgule deux années de lumière. Alors, le ciel s’ouvrait. Et sans scrupule, je faisais l’école buissonnière. Proxima, la plus courtisée, était volontiers l’objet de mes avances. Trois cent mille kilomètres par seconde ? Einstein nous transformait en rayonnement ! Trente mille seulement ? Démentiel et sans rémission ! Eh bien, va pour trois mille : il y faudrait seulement 420 ans… L’homme fut souvent, au cours de son histoire, capable de partir sans retour : les Malais ont ainsi peuplé le Pacifique ; de même les Vikings en Atlantique.

Ce voyage sans retour, personnellement, je l’ai effectué plusieurs centaines de fois au cours de mes nuits sahariennes. Dans un hebdomadaire qui m’ouvrait alors ses colonnes, l’un de mes exploits s’intitulait : « L’homme quittera la Terre ». Et moins de dix ans plus tard, à Dieu ne plaise, le pas fut franchi. Cela venait de loin. Spoutnik était sorti du puits. A force de vouloir - et il voulait contre vents et marées depuis vingt-cinq ans - Korolev avait établi un satellite artificiel de la Terre sur orbite basse. Ah la bonne heure ! Plus de barrière ! Le ciel, le ciel physique s’ouvrait. Bip, bip… pas seulement à nos rêves mais à nos investigations. Face à une telle situation et à seule fin de rester conséquent avec moi-même, je me suis aussitôt porté volontaire pour l’espace et, de la même main, ai rédigé une pièce de théâtre en cinq actes : deux-cents minutes, douze protagonistes, deux décors. Cela m’était venu comme un cri (1).

Depuis l’éclosion copernicienne, une saine pratique du doute scientifique nous conduit à la réserve la plus expresse à l’égard de tout dogmatisme. Déjà, se fondant sur l’épaisseur des sédiments, Buffon avait remis en question l’âge arbitraire de notre planète (les 6.000 ans bibliques de l’évêque Usher). De même, soixante-dix ans avant Darwin, Lamarck avait opposé sa généalogie unique au dogme de la création indépendante des espèces enseignée par l’autorité dominante. Tout le XIXe siècle et la première moitié du XXe s’étaient ainsi déroulés sous le signe de la contradiction la plus vive entre le cheminement rationnel et la vérité révélée. Nourri de ce miel, et cheminant déjà sur un sentier balisé, j’ai tout naturellement perçu le lancement du premier satellite artificiel de la Terre comme une étape décisive, comme une prolongation hautement signifiante des quatorze milliards d’années d’avatars qui figurent aux rubriques de l’astrophysique, de la géologie, de la biologie, de la paléoanthropologie, de la préhistoire et de l’histoire dans un enchaînement implacable. J’en ai conçu un grand émoi mais je me suis efforcé de rester lucide. A n’en point douter, cela se situait tout au bout du long train de l’évolution subdivisé en maints chapitres en maints wagons, tout au bout de l’intelligence et de l’action.

Dès lors, moi, l’homme, l’âme, essence infra-particulaire, infinitésimale fraction d’énergie hautement personnalisée, insignifiante composante de l’Univers, ma foi, je me sentis concerné. En raison de mon statut d’aviateur, sans doute, et ainsi adonné à la troisième dimension, je me découvris des devoirs. Quelques jours après le lancement de Spoutnik, j’écrivis à Pavel Mikhaïlov, chef-pilote de l’Aeroflot : « Félicitations, si vous avez besoin d’un pilote interplanétaire, comptez sur moi ». Ce fut transmis à l’Académie des Sciences. D’une manière informelle, je fus en quelque sorte le premier candidat français pour l’espace. Aucune chance de succès, naturellement. En France, le recrutement n’a commencé qu’après un délai de dix-huit ans. Hélas, j’étais à la retraite.

Il reste que l’événement aura marqué ma vie entière. Pour moi, une nouvelle page de l’évolution globale était tournée ; une nouvelle page de la prodigieuse aventure à l’issue de laquelle l’homme, apparu sur notre planète depuis peu et qui, déjà, en modifiait gravement les données, se présentait au guichet en situation de partie prenante, de courroie de transmission, de tête pensante, de catalyseur, d’élément perturbateur, de messager. Dès lors, une nouvelle perception s’établit en moi. L’homme évoluable et évolutif, celui qui tient en réserve tout un lot de neurones inutilisés et de synapses en devenir, celui que nous traquons à travers les quelques millions d’années d’un passé récent grâce au jalonnement de l’anthropologue, avait un rôle à jouer dans les plus lointains retranchements de l’espace. Indubitablement. Les distances sont considérables ? Soit. Nos moyens le sont également. Restait à mettre en œuvres les ressources de notre savoir. Nouveau défi, ère nouvelle. A ce petit jeu, le champ d’action de l’espèce humaine s’étendait à l’ensemble du système solaire et, à l’occasion des plus prochaines avancées scientifiques et technologiques, à notre galaxie, la Voie Lactée. Bip, bip ! Cette petite boule m’aura captivé. En ce 4 Octobre 1957, le ciel, le ciel physique s’ouvrait. L’homme, l’homme évolutif, prenait pied dans l’éternité.

Six ans plus tard, de passage à Paris, Youri Gagarine s’était aventuré sur une estrade dressée dans les vastes volumes de l’Hôtel Lutetia. La raison de son exposition sous les projecteurs, cerné par une foule en délire, au cœur même de l’immense acclamation provoquée par sa seule présence, était la remise du Prix Galabert qui lui était décerné. J’ai gardé en mémoire une ovation intense et de longue durée, quelque chose qui n’en finissait pas de rebondir et de s’amplifier. Les organisateurs n’avaient sans doute pas prévu un accueil aussi chaleureux, aussi houleux, à la limite de ces tumultes incontrôlables qui jaillissent parfois des foules exaltées par l’ampleur même des sentiments qu’elles manifestent. Oui ; j’ai gardé le souvenir d’un accueil extrêmement enthousiaste et, lorsque Galabert en personne, qui venait de remettre à Youri Gagarine le prix qui lui revenait, se mit en tête de gratifier le récipiendaire du célèbre baiser russe qui, sans doute, à ses yeux de néophyte, s’imposait par respect de la tradition, il se vit opposer une résistance brève et sans réplique qui le mit hors de combat en un tournemain. Et comme la foule, ravie du spectacle, s’ébaudissait, Gagarine quitta l’estrade et, d’un pas vif, se mit en fuite à la recherche d’une issue de secours. J’étais là sans invitation : je rentrais de courrier et donc, en uniforme, avais accédé au lieu par une porte de service en compagnie de ma femme qui venait de me cueillir au Bourget. Je fis signe à Gagarine : « Par ici ! » et lui ouvris la porte qui conduisait à une galerie. Cela ne dura qu’un instant ; mais j’ai conservé le sourire et le geste de connivence de cet homme capable de toutes les bravoures qui me remerciait de le délivrer d’une foule en délire.

C’est pourquoi, en hommage à ce valeureux ouvreur de l’espace ainsi qu’aux sept compagnes et compagnons de l’équipage de Columbia et à tous ceux qui ont péri dans la conduite de cette nouvelle aventure, j’ai à cœur de murmurer ici une incantation, de la nature de celles qui nous viennent, grâces extrêmes, du fin fond de la néo-genèse :

Le hurlement fondateur qui se module comme une prière se distingue déjà du bruit de fond,
En remontant les méandres de l’évolution
Dans les parages du loup, proche parent,
Assis au creux de sa clairière,
La truffe pointée vers la voûte peuplée d’étoiles,
Exprimant déjà son angoisse première
En quête de réponse à un impérieux besoin de communion
A la recherche, déjà, d’un lien
Entre l’individu qu’il est en marge de sa meute et la voûte étoilée qui l’oppresse.

Ce lien, cette religion, ce rapport souverain entre l’individu et le tout, donnera naissance, un peu plus tard, au sein d’une espèce un peu plus évoluée, à l’expression de divers mythes défiant les lois de la pesanteur (tentative d’Icare, lévitation du moine de Cupertino, trait de Peter Pan chevauchant son rayon de lune) et bientôt, l’envolée, le brame sublime et la pulsion poétique s’épanouiront à leur tour en réalisations pratiques. Le miracle tient à ce que nous sommes entrés dans un âge de jaillissement qui eut le grand Léonard pour chef de file, à la fois artiste et ingénieur, chantre et héros. Dès lors nous décollons, nous assistons à une série d’élévations ; et puis, soudain, venant du fin fond des millénaires, à une véritable extraction. A l’évidence, nous ne sommes plus au creux de la clairière. Depuis dix ou douze décennies, un petit nombre de grands inspirés issus en ligne directe du creuset des Lumières se sont livrés à des calculs savants et vlan, d’un coup d’un seul, ont établi un engin sur orbite.
Ce n’est encore qu’un relais mais il est prometteur.
Prometteur en ceci qu’il donne accès à l’espace hier encore interdit
En ceci qu’il s’inscrit dans une dynamique irréversible
En ceci qu’il nous garantit, à brève échéance, la conquête de l’ensemble du système solaire.
Sans préjudice pour les développements ultérieurs dans les domaines du spatio-temporel et de l’énergie-matière.

Tout un programme !
Qui dépasse le cadre de l’histoire humaine, simple jalon,
Qui s’inscrit dans un processus d’évolution biologique comparable à celui qui nous a précédé,
Qui nous projette, cul par dessus tête, hors des sentiers coutumiers.

Quarante-six ans, déjà.
Au cours de la deuxième quinzaine de janvier 2002, la sonde « Mars-Odyssée », lancée quelques mois auparavant, a reçu les dernières directives pour affiner sa trajectoire autour de notre petite voisine afin d’en étudier la composition chimique. Et d’abord celle de son atmosphère souvent envahie par une poudre que des esprits soupçonneux donnent comme extrêmement pénétrante et nocive.

Nous en sommes là. Dorénavant, tous les 26 mois (durée entre deux oppositions), un nouveau jalon sera établi sur la planète rouge : véhicules d’exploration, relais de communication, module de fabrication de propergol, satellites de navigation, engins fouisseurs, laboratoires d’analyse et autre agencements hautement élaborés. A ce petit jeu, dans vingt ou trente ans, nous aurons pris pied à bord de notre plus proche voisine.

Dans quelle intention, dira-t-on, et à quoi bon ?

A ce questionnement, l’homme de vigie est tenté de répondre :
Il y a plus ou moins trois millions d’années, un bipède est sorti de la vallée de l’Omo. Il provenait d’une phylogénie apparemment pugnace et évolutive. A l’heure actuelle, nous
pouvons apprécier le résultat : l’humanité que voilà. Extrapolons sur une durée identique. A la vitesse de trois mille kilomètres par seconde (qui figure déjà dans nos dossiers, celle, ma
foi, que j’adoptais, cap sur le Centaure, il y a une cinquantaine d’années), nos descendants auront quitté leur village d’origine, la Voie Lactée.

Il n’y a pas d’autre réponse à cet « à quoi bon ». A quoi bon l’espace, à quoi bon Mars, première élue offerte à notre ambition ? Tout simplement, parce que c’est inévitable, parce que cela s’inscrit dans la nature des choses, dans la loi du mouvement. Il y a quarante-six ans, nous avons franchi un cap décisif dans l’ordre de la technicité, et donc, par extension, dans l’ordre de l’évolution. C’est un rappel historique. Il y a quarante-six ans, au prix d’un énorme effort représentant des milliers de millénaires d’incubation (somptueusement reconstitués par Jacques Malaterre et Yves Coppens en deux épisodes télévisés) nous nous sommes extirpés de la glèbe initiale. Or, l’épreuve est irréversible. Issus de la planète Terre et du règne animal, nous avons établi nos quartiers dans un domaine hier encore interdit. En quelque sorte, nous sommes devenus des êtres cosmiques. Un beau sujet de dissertation, assurément, une énigme à rallonge, une situation riche en rebondissements, qu’il s’agisse de théâtre ou de tout autre domaine.

Si, une fois encore, on se doit de souligner l’exploit du 4 Octobre 1957, c’est parce qu’il a été confisqué, galvaudé, exposé sans autre support philosophique – la pire des négligences ; c’est parce que nos prédicateurs établis, en présence d’un chambardement qui les dépassait, ont ignoré l’avertissement des visionnaires ; c’est parce que le ciel est dorénavant ouvert, offert, soumis à nos entreprises ; un ciel physique, un ciel-océan au-delà des passes, un domaine dont nous possédons la clé ; c’est parce que, globalement, le tableau de chasse de l’humanité est placé sous le signe d’une dynamique sans faille et qu’il serait navrant de passer à côté d’un événement de cette ampleur en raison d’inconséquences passagères. Dans vingt ou trente ans, moyennant les précautions d’usage et si les résultats de l’investigation des prochaines décennies le justifient, l’homme, ce créateur implacable, aura établi son premier campement à bord de la planète rouge dans l’espoir lointain de la terraformer. Ce faisant, il aura mis en chantier la première structure exotique du grand œuvre déjà déployé sur sa planète d’origine et qu’il a tout naturellement mission de prolonger. Une telle épopée s’inscrit en ligne directe dans notre culture et, au premier chef, dans les projets de nos agences spatiales ; une épopée qui, à l’avenir, devra figurer dans nos budgets à un haut rang de priorité. Ne pas intervenir dans une ouverture aussi engageante eut été la marque même de la cécité. Il nous fallait donc poser des jalons. Ce fut fait. Partagés entre le souhaitable et les moyens disponibles, nos décideurs ont su se déterminés et nos grands ingénieurs franchir le pas. In situ, les premiers robots ont déjà fait de la belle ouvrage.

A l’occasion des dernières fenêtres martiennes, en juin dernier, trois opérations ont été initiées. Si le programme se déroule selon les prévisions annoncées, le 26 décembre 2003, au terme de l’opération « Mars Express » conduite par l’Agence Spatiale Européenne, la sonde « Beagle 2 » sera déposée sur la planète objet de tous nos soins par 11° de latitude Nord et 270° de longitude Ouest. Le 4 janvier 2004, le rover « MER 1 », conduit à bon port par la NASA, touchera le sol de cette même planète et le 25 janvier 2004, son doublon « MER 2 » réalisera la même performance.

Au pied du mur, observons les difficultés. Dans l’état actuel de l’inventaire, il apparaît évident qu’un certain nombre de doutes subsistent quant à l’opportunité d’une entreprise de développement durable à bord de cette petite planète toute de rouge accoutrée. L’instant venu, après un siècle de mise en condition, au terme de la première phase du terraformage, hors de nos combinaisons, de nos campements et de nos véhicules sous protection, quel serait le degré de toxicité de la poussière superficielle, quelle parade opposer au bombardement solaire, au rayonnement cosmique, aux ultra-violets ? Enfin, pour ce qui est d’une éventuelle éclosion de la vie ou de son entretien, quelle confiance accorder à un environnement parfois donné comme chimiquement stable, quelle émulsion, quel assemblage, quel mariage suivi d’effets, quel agencement prometteur escompter d’un lieu massivement oxydé et donc hostile à la formation des bio-virtuoses micro-organiques, ces tâcherons de base qu’il nous est donné d’observer aux frontières du vivant ? Des réponses devront être apportées à ce questionnement car, à défaut de remède à des sujétions aussi déterminantes, l’espoir que nous aurions fondé sur « l’entreprise de développement durable » tournerait au rêve creux.

Certes, une mise en équation experte a démontré que, grâce à l’établissement d’un miroir solaire adapté, l’épaississement de l’atmosphère martienne par échauffement du pôle boréal au cours de la première phase de la mutation devrait créer les conditions de pression nécessaires pour admettre l’eau à l’état liquide en surface, c’est à dire pour nous éviter, hors de nos combinaisons pressurisées, d’entrer en ébullition (cela prendrait un certain temps : une durée de l’ordre du siècle moyennant une élévation de la température de quelques précieux degrés au seuil d’un effet de serre implacable générant par la suite, de proche en proche, une élévation de pression de quelques centaines de millibars). Mais après le franchissement de ce premier cap et dans l’attente d’une oxygénation généralisée par voie d’assimilation chlorophylienne sur la bande équatoriale nous libérant non seulement de nos combinaisons mais aussi de tout artifice respiratoire, sans masque donc et sans réserve d’oxygène (deuxième phase du processus dont la durée estimée devrait être de l’ordre du millénaire) pourrions-nous, privés de tout bouclier magnétique, circuler à ciel ouvert sous la seule protection d’un revêtement atmosphérique réduit à la moitié de celui dont nous jouissons sur Terre ? Bref, pour aller droit à la question, l’absence avérée de magnétosphère est-elle rédhibitoire ?

Mais encore, à la rubrique des déperditions – autre préoccupation tout aussi essentielle – pendant combien de temps parviendrions-nous à compenser la fuite continuelle des couches supérieures de l’atmosphère liée à la précarité sans remède du champ de gravité de cette trop petite planète ? En d’autres termes, à l’issue de quelle durée les réserves de glace carbonique assurant l’entretien de la pression arriveraient-elles à épuisement ? Enfin, face au bilan ainsi compromis, le jeu, dans la durée, en vaudrait-il la chandelle ?

Nous voici bien en présence d’un certain nombre d’aléas à mettre en balance : toxicité de la poussière, absence avérée de magnétosphère impliquant un artifice de remplacement, fuite des couches supérieures de l’atmosphère fixant un terme à l’aventure dans la durée. Constats mortifiants pour les volontaires en lice. Ce questionnement s’impose ; il est à la mesure des difficultés. L’analyse est complexe et comporte de nombreux volets. A l’avenir, tous les vingt-six mois, un nouveau wagonnet déversera son maigre butin dans le creuset de nos laboratoires. Trouverons-nous les parades nécessaires ? La recherche en cours en décidera.

En résumé, pour cantonner le propos au scénario du vivant sans nous égarer aux limites d’un invérifiable big bang, constatons, en accord avec les biochimistes et les paléoanthropologues rapporteurs du laborieux agencement , qu’au prix d’une opiniâtreté remontant à des milliers de milliers de millénaires, la molécule organique de premier ordre et la cellule de même rang ont, de proche en proche, constitué des ensembles innombrables et infiniment complexes pour aboutir, après maints désastres et renouvellements, à un espèce singulière, la nôtre, capable de vaincre le champ de gravitation de la matrice où elle avait pris racine et de s’extraire de son bourbier nourricier. Ainsi handicapés, ainsi coupés de tout ce qui les déterminait, ainsi privés du potager et du verger, et de l’arche de Noé dans son entier, nos descendants auront-ils la capacité de s’adapter à d’autres sphères, à d’autres îles parmi les milliards d’îles offertes à leur convoitise ? C’est assez probable. Et donc, dans les profondeurs de ce ciel-océan où nous avons, depuis plusieurs décennies déjà, la faculté d’infléchir une trajectoire, quel sera le premier lieu de mouillage de nos caravelles ? Mais à l’évidence, Mars, planète mythique, la plus proche, la plus courtisée.

Eh bien soit ! Le jour de ce premier mouillage, il y aura de la joie dans les chaumières. Mais n’oublions pas que nous n’en sommes, sur bien des points, qu’à l’inventaire préalable et que nous serons peut-être conduits, malgré les découvreurs de parades géniales, malgré nos pulsions irrépressibles, malgré la séduction initiale, à renoncer à cette première conquête et à chercher, un peu plus loin, une proche cousine de Gaïa mieux adaptée à nos besoins.

Quête sans fin, devenir ne comportant d’autres limites que celles de l’Univers tel qu’il nous est offert. Une aventure cosmique figure dorénavant au grand livre. Tant d’efforts ont été fournis depuis le franchissement de l’Omo, quelque part en Afrique, n’est-ce pas Lucy ? Que d’efforts à fournir encore, n’est-ce pas Yang, Armstrong, Gagarine ? Nos descendants sauront-ils, dans ce ciel-océan où nous établissons nos premiers jalons, au fil des millions d’années à venir et par degrés successifs, passer de l’interplanétaire à l’interstellaire, puis à l’intergalactique ? Des milliards d’îles à terraformer ; des bergers, des bergères sous les pommiers. A défaut de principe à hypostasier, une aventure de cette ampleur ne donnerait-elle pas un sens à la vie ? Pour les jeunes et les moins jeunes qui se cherchent une raison d’être, c’est tout cela qu’il y avait en puissance dans l’exploit du 4 Octobre 1957. Voie royale, nouvelles connexions, religare, nouvelle étape de l’évolution – religion des religions.

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : Tsiolkovski nous a bel et bien tirés du berceau ; nous naviguons déjà avec une certaine aisance dans un grand large à la mesure de nos moyens ; la loi du mouvement l’emportera.

N’en doutons pas, le domaine est vaste. Aussi longtemps que les étoiles dispenseront leur énergie et que nous en capterons une partie, nous ne connaîtrons plus de trêve.

Georges Ballini.

* Dernier ouvrage : « Mars, première phase ».
1) « Cosmos, pain quotidien.

Programme des festivités de fin d’année :

- Octobre 2003 : La Chinese Academy of Space Technology a réalisé son premier vol habité inscrivant ainsi la Chine au troisième rang mondial, après la Russie et les USA, parmi les nations qualifiées pour cet exercice.

- Le 26 décembre 2003, la sonde « Beagle 2 », au terme de l’opération « Mars-Express » conduite par l’Agence Spatiale Européenne sera déposée sur la planète Mars par 11° N et 270° W.

- Le 4 janvier 2004, arrivée sur la planète Mars du rover américain « Mars Explorer Rover 1 » lancé par la NASA.

- Le 25 janvier 2004, arrivée sur la planète Mars du rover américain « Mars Explorer Rover 2 » lancé par la NASA.