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La lettre N°2 - Février 2003
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  Depuis quelques mois un débat est apparu aux Etats-Unis entre les tenants d’une exploration spatiale progressive guidée par le Science : Science driven et ceux prônants une autre stratégie où le développement serait conduit par une Destination : Destination driven.  
     
     
  Début décembre un accord est réalisé lors de la réunion de Tokyo entre les partenaires de la station spatiale internationale, afin de porter à 6 le nombre de personnes capables de vivre et de travailler à bord en 2006  
     
     

   
  • Le débat : Science Driven et Destination Driven
Depuis quelques mois un débat est apparu aux Etats-Unis entre les tenants d’une exploration spatiale progressive guidée par le Science : Science driven et ceux prônants une autre stratégie où le développement serait conduit par une Destination : Destination driven.

La première option se traduit concrétement par la proposition d’une infrastructure au point de Lagrange de l’équipe d’Exploration de la NASA (N.E.X.T) et présentée à Houston au World Congress en Octobre 2002. L’idée de base « … nous irons où la science nous dicte d’aller et non pas parce que c’est près ou populaire… » peut être retrouvée dans le discours de l’Administrateur de l’agence américaine Sean O’Keefe, le 12 avril 2002 à la « Maxwell School of Citizenship & Public Affairs » de l’Université de Syracuse. La seconde est représentée par les plans de W. von Braun : Orbite basse, Lune, Mars et au delà ou plus récemment par Robert Zubrin et la proposition : Mars direct. Dans le contexte économique actuel et pour les concepts que nous soutenons, cette querelle sur le sexe des anges n’a aucune importance. Le vrai problème étant de créer une ambiance politique, culturelle, économique permettant à l’Humanité de prendre définitivement pied là-haut, d’une manière consciente, dynamique et ambitieuse afin, tout simplement, de préparer un avenir décent à tous. Cependant aussi inutile et subtile soit-elle, cette querelle forcent à quelques réflexions.

L’approche progressive et scientifique a l’énorme avantage d’être politiquement correcte, elle ne dérange personne, elle n’engage à rien et ne remet pas en question le jeu financier actuel : N.E.X.T., n’a pas de date, pas de financement, « Aurora » est crédité de 14 millions d’Euro et rendez vous dans 30 ans pour des vols humains !? Cette approche peut être comparée dans l’histoire à la conquête des pôles, avec ses belles aventures d’explorateurs, ses beaux livres, ses bases de recherches où l’on fait des carottes dans le sol que les scientifiques analysent. Les pôles sont protégés par des traités et les mouvements écologistes veillent ! Mais aucune « articfaring ou antarticfaring civilizations » n’y sont nées, si ce n’est en Alaska, car justement là « Science Driven » n’a pas été appliqué. De plus, au risque de choquer, cette vision uniquement scientifique est élitiste et anti-humaine. Elitiste, car si il y bien un effet « Sojourner » ou « Apollo 11 » avec leurs millions de connexions Internet ou les millions de spectateurs, leur donnant un statut de faits de société ; en réalité, Science, Technique et Progrès ne sont plus tendances et il n’y a jamais eu autant de gens se tournant vers le magique, l’irrationnel ou Mère Nature. Ces missions en dehors du sensationnel espéré par la découverte de la vie ailleurs ne concernent profondément, qu’une minorité scientifique spécialisée. Qui s’intéresse aux cailloux rapportés de la Lune ? Dans le monde actuel, après le battage médiatique, très rapidement d’autres faits émotionnels noient la Nouveauté dans le brouhaha ambiant. Anti-humaine, car si nous sommes arrivés à ce concept purement scientifique, c’est par une analyse empirique des faits, et cela nous conduit à ne plus comprendre pourquoi et comment les communautés humaines vivent. De là un zapping des problèmes humains et le refuge pour certains dans l’utopie scientifique ou pour d’autres chez Mère Nature. Ce mouvement vers l’isolement, allié à une politique économique qui ignore l’humain, induisent entre autres à une réduction des potentialités offertes par l’espace à de simples projets scientifiques de plus en plus étriqués. (faster cheaper and better, l’homme devient inutile, encombrant, non adapté au milieu, coûte cher etc.). Une mission scientifique selon ces critères ne crée aucun potentiel d’activités important : l’assemblage du lanceur - généralement classique, fait pour d’autres missions – la construction de la sonde aussi sophistiquée soit-elle, le traitement des données, leurs analyses, leurs publications etc… Tout cela ne peut pas produire une nouvelle sphère économique. En outre dans le concept « Science driven » l’Homme n’est admis qu’à petite dose, qu’il observe de loin, mais surtout qu’il ne dérange pas ! Imaginons un instant la levée de boucliers du monde écologiste/nature/environnement etc… si l’on découvre la moindre bactérie sur Mars. Cette planète serait de facto transformée en parc naturel, patrimoine de l’Humanité, toute tentative d’aller plus loin serait bloquée et pour longtemps. Enfin, c’est au fil des années que la Science est devenue l’unique motif des activités menées sur la station spatiale internationale. Cette dernière, ayant perdu progressivement depuis 1984, toutes ses fonctions liées à un véritable développement des activités de l’Homme dans l’espace. Pressée par les aléas politiques, les contraintes budgétaires, cette infrastructure, continuellement remise en cause, moquée par les média, réduite à sa plus simple expression n’a plus pour rôle que d’être un lieu de villégiature pour quelques touristes fortunés ou un endroit où l’on espère obtenir par une science ciblée quelques produits miracles qui pourraient ramener de gros revenus sur Terre.

« Destination driven », tout en étant aussi vieille que l’Humanité : « cette curiosité, cette envie d’aller voir toujours derrière la colline qui se trouve à l’horizon » est politiquement beaucoup moins correcte. Si elle est réalisée avec et pour l’Humain, avec les moyens technologiques les plus modernes et les plus adaptés à l’époque technique où se situe le défi, c’est le concept le plus efficace. Mais trois facteurs sont impératifs : une économie adéquate capable de favoriser cette entreprise, une culture favorisant l’enthousiasme pour le défi à relever en commun, et la volonté de réaliser l’ensemble. « Destination driven » et ses sous-modes « Military driven » et « Commercial driven » a sûrement conduit l’Humanité au point où elle s’est arrêtée avec Apollo XVII. « Commercial driven » aiguillonna Arianespace pendant 27 ans avant que logiquement le marché des télécommunications se stabilise, mais hélas entre-temps, l’habitude d’ouvrir de nouvelles sphères d’activités avait été perdue. Cette approche conçut sur un défi audacieux, souvent utilisée dans l’histoire et qui contient toutes les autres potentialités : scientifiques, militaires, commerciales et culturelles se traduit comme nous l’avons vu plus haut par le plan stratégique de W. von Braun. Robert Zubrin de la Mars Society, conservant l’objectif de la « Spacefaring civilization », tout en faisant l’impasse de la station spatiale, de la base lunaire, mais en utilisant les ressources sur la planéte visée, simplifie, allège, et réduit ce plan à la conquête de la destination qui lui semble la plus adéquate : Mars. Mais hélas, cette brillante opération est faite pour se plier aux contraintes d’un système financier qui n’a sûrement pas envie d’entreprendre ce genre de projet. D’autres alternatives sont proposées, celles de feu G. O’Neill et poursuivies avec son groupe de Princeton, en Europe, celles de l’association des Explorateurs Lunaires (Lunex) ou encore autour du Professeur Koelle à Berlin.

Ces quelques réflexions ont pour but de vous faire réagir sur les implications de certaines orientations ou décisions. L’objectif étant d’assurer à tous une vie décente, l’option spatiale pour l’Humanité en utilisant sa capacité à créer du progrès est une réponse adéquate à ce but. En mettant en marche, ce choix, par les défis à relever, sciences, techniques, économie, culture repartiront en avant, tirant l’ensemble derrière eux. Alors N.E.X.T. avec une destination, Mars direct, villes dans l’espace, station spatiale, ports sur la Lune, peu importe, mais qu’on le fasse et que l’Europe se lance !

 
 
 
 
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  • Tokyo, décembre 2002 - Réductions et chimères

Début décembre un accord est réalisé lors de la réunion de Tokyo entre les partenaires de la station spatiale internationale, afin de porter à 6 le nombre de personnes capables de vivre et de travailler à bord en 2006.

Rappelons que le nombre d’astronautes embarqués est établi en fonction de la capacité à évacuer ces derniers en cas de problèmes majeurs. En raison du dépassement de budget, (bien que cet excès ne signifie plus rien devant la manière dont fut conduit le projet depuis 1984 !), le véhicule de secours (projet X-38) et divers autres éléments d’infrastructure ont été supprimés. Le projet fut réduit à une station de base (Core Station) occupée par un équipage de 3 astronautes, cela correspond à la capacité d’évacuation d’un Soyouz. Mais avec ces trois personnes, les tâches scientifiques prévues ultérieurement seraient difficilement réalisées ; de plus, les partenaires : Canada, Europe, et Japon voient le temps autorisé à leurs représentants pour travailler à bord se réduire dramatiquement. Cette station de base sera terminée au début de 2004. Pour passer de 3 à 6 astronautes trois solutions existent :
Soit augmenter l’autonomie de la navette afin qu’elle reste accostée à la station plus longtemps, elle servirait de véhicule de sauvetage durant cette période.
Ou encore, utiliser un Soyouz supplémentaire, mais la Russie conformément à son comportement depuis le moment où elle est entrée dans le programme en 1993, se fait tirer l’oreille, parlant de fermeture de ses ateliers d’assemblage de Soyouz et de cargos Progress faute de moyens financiers. La NASA pourrait acheter les véhicules russes, mais une loi passée au Congrès américain en 2000 « The Iran Proliferation Act » interdit à cette dernière d’effectuer vers la Russie des paiements à la station spatiale.
Enfin, construire un véhicule adéquat. C’est le projet « Orbital Space Plane », rejeton de la Space Launch Initiative, succédané du projet Dyna Soar d’Ariane V/Hermès ; le projet est estimé entre 8 et 13 milliards de dollars et ne volerait qu’en 2010 !
Hélas derrière cet accord de Tokyo se cachent trois non-dits : le désintérêt des politiques pour ce projet et en général pour tout ce qui concerne l’espace habité ; une conduite aberrante du programme induite par un financement exsangue, et un plan d’urgence afin d’abandonner la station pour des périodes allant jusqu’à un an au cas où la pression exercée par le manque de véhicule de sauvetage serait trop importante.
L’Europe, où les deux premiers non-dits s’appliquent parfaitement, propose en partenariat avec la Russie (avec tous les aléas que cela comprend) la construction d’un module supplémentaire pour la station et sa participation à l’avion spatial orbital américain (avec tous les risques que nous connaissons déjà : Spacelab, et les prises de décisions unilatérales tout au long du projet de la station). Pourtant, rêvons quelques instants : Imaginons, la position nettement meilleure que l’Europe pourrait adopter dans ce problème si Hermès avait été réalisé ! Si les moyens financiers étaient alloués vers d’autres options plus prometteuses que celles que nous subissons depuis 20 ans ! Si la vision politique était une qualité de ses Hommes ! Car le savoir-faire et la majorité des outils (Ariane V, la station internationale avec Columbus) existent pour aller plus loin.

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  • Lettre de la NSS France à Madame la Ministre Claudie Haigneré à propos du ‘’rapport Bonnet’’
     

La situation actuelle du CNES me fait réagir, en temps que citoyen et président de l’association National Space Society France, je me dois de vous faire part de quelques réflexions. Le but de la National Space Society est de proposer et de soutenir la possibilité de programmes spatiaux humains ambitieux dans le monde et dans le cas de la NSS France : en Europe. L'objectif étant d'arriver dans le futur à une civilisation ou l'expansion de l'humanité dans l'espace soit une composante majeure du développement économique et d'un renouveau culturel. Etant étudiant en Maîtrise d’Histoire contemporaine à la Sorbonne et citoyen, l'avenir me concerne, et cette option spatiale pour l'Homme n'est pas à dédaigner. Le CNES traverse une crise grave, tous s’accordent à le dire et la pérennité de l’organisme est mise en cause. Sous l’égide de M. Bonnet, vous allez recevoir bientôt le rapport de la "Commission de Réflexion" du 12 novembre 2002, que vous avez commandé sur l’état du Centre, or celui-ci a déjà connu de telles situations en 1970 ou 1976. Mais aujourd’hui avec l'épuisement prévisible du marché limité des télécommunications, la faiblesse de celui de l'observation, la légèreté avec laquelle il fut déclaré que la microgravité était sans intérêt, l'incapacité à projeter une vision cohérente sur le vol habité et l'obstination à vouloir tout gérer à l'aune d'une doctrine financière inadaptée à nos sociétés modernes, alors oui, avec ces hypothèses et contraintes l’utilité du CNES est remise en question.

Cependant, la NSS France soutient l’utilité du CNES et particulièrement l’importance d’une agence spatiale nationale qui a tellement fait pour la politique spatiale européenne. Je tiens juste à vous rappeler le rôle moteur de la France et du CNES dans la construction du programme Ariane depuis 1972. L’Europe entière, bénéficie désormais pleinement de ce lanceur. Sur le site Internet du CNES nous pouvons y lire ceci : « Par sa maîtrise des techniques spatiales, le CNES a su développer les outils permettant à l'Europe d'accéder de façon autonome à l'espace ». Le CNES est une composante puissante et fondamentale de la politique spatiale européenne.

Nous considérons que le transfert de la majorité des compétences du CNES à l'ESA est inadéquat, alors que le régime politique qui mènera l'Europe n’est pas défini. Il est en effet nécessaire de conserver un levier de commande efficace (politiquement réactif, scientifique et technique) qui permette d'agir, comme l'affaire Europa Ariane l'a démontrée. Rien n'empêche de participer aux programmes de l'Agence Spatiale Européenne tout en conservant au niveau national une structure, qui bien dirigée, fit ses preuves. En résumé ce qui fait défaut à l'Europe et à la France est une véritable dynamique porteuse d'un avenir et d'espoir pour tous. Mais pour cela, ceux qui prétendent diriger doivent sortir d'une logique financière suicidaire, d'un alignement sur des tendances ou des modes et d'une politique se résumant à des consensus alimentés par des sondages. Un programme spatial habité ambitieux, une amélioration de nos infrastructures concernant le quotidien, accompagnés d'une véritable politique de développement envers ceux qui manquent de tout seraient capables d'ouvrir une ère d'espoir. Et pour cela le CNES est une bonne structure capable de soutenir l'ESA pour démarrer cette ambition spatiale et contrairement à ce que beaucoup pense l'argent existe. La résolution du problème ne passe que par l'utilisation des qualités humaines : vision, imagination, philosophie, volonté et création.

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